vendredi 30 juillet 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 11

À la fin de la pause du midi, Corentin se rendit à son second cours d’histoire de la journée. Madame Floumeule poursuivit son cours sur les prémisses de la chrétienté et la chute de l’Empire romain. Les descriptions, particulièrement macabres, des supplices auxquels furent soumis les martyrs éveillèrent la curiosité d’une large partie de la classe.

L’animation dura jusqu’à la fin du cours, mais le sujet fut repris par les élèves entre eux pendant le trajet vers les cours de français. Un garçon, dont le prénom échappait à l’adolescent, lui demanda son avis sur les jeux du cirque.

Surpris qu’un de ses camarades s’intéresse à lui, il eut du mal à trouver ses mots :
— C’était quelque chose de vraiment terrible pour les gens. Je veux dire, ils sont morts d’une façon vraiment horrible.
— Oui, comme Saint-Félix. Pendu à l’envers, torturé plusieurs jours et, pour finir, décapité.
— D’un autre côté, je pense que les persécutions les ont aidés à se rendre populaires.

Cette remarque déclencha l’incompréhension du garçon. Celui-ci sembla néanmoins le trouver sympathique, car il s’assit à côté de lui au cours suivant et, quand leur professeur de français fit l’appel, il découvrit qu’il se prénommait Aurélien.

La compagnie de ce nouveau voisin réduisit l’impression que le temps s’étirait à l’infini durant les cours de Marie-Louise Guimbert. Aurélien avait la capacité de trouver des détails amusants dans les textes qu’ils étudiaient, ou dans l’intitulé des exercices.

Cette journée au lycée se termina sur une note bien plus optimiste que la veille, même si le mystère entourant les runes du panier de basket s’était grandement épaissi. Pressé de regagner le domicile de sa tante et de consulter ses messages électroniques, Corentin déclina la proposition d’attendre le bus d’Aurélien en sa compagnie.

mercredi 28 juillet 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 10

Il quitta la salle de cours pour se rendre à la cantine. Une fois de plus, il déjeuna seul, perdu dans ses pensées. La couleur jaune du riz qui accompagnait un rectangle de poisson ne parvenait pas à faire oublier son absence de saveur. Seule la crème au chocolat releva le niveau du repas, mais elle laissa l’adolescent sur sa faim. Même en vidant consciencieusement son assiette, il trouvait les portions scolaires trop réduites.

Avant de se lever, il avisa la longueur de la queue qui s’étendait derrière les rails métalliques du self. Il était inutile d’espérer obtenir un supplément de nourriture comme c’était le cas à la fin du service.

Résigné à ce que son estomac gronde dès trois heures de l’après-midi, il emporta son plateau vers le service. En chemin, il manqua d’être percuté par un groupe d’élèves de terminale. Par réflexe, il allait s’excuser lorsqu’il vit que Fabrice faisait partie de la bande.
— Tu as deux minutes ? lui demanda-t-il.
— Seulement si c’est important, dit-il en jetant un regard en coin à ses copains.
— C’est sur les runes.

Un sourire sans joie apparut sur les lèvres de Fabrice, puis il se retourna vers le groupe.
— Je vous rejoins dans deux minutes. Alors, ne restez pas plantés là comme des idiots.

La bande s’éloigna à la recherche d’une table assez grande pour les accueillir. Corentin en profita pour appuyer son plateau contre le mur et tenter d’accéder à son sac. Son compagnon saisit le plateau qui menaçait de tomber et demanda à voix basse :
— Qu’est-ce que tu as à me dire sur les runes ?
— Tout est là-dedans, répondit-il en lui donnant le mot rédigé en cours de mathématique.

Il récupéra ensuite son plateau pour l’apporter au nettoyage tandis que Fabrice rejoignait son groupe de copains.

lundi 26 juillet 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 9

Au lieu de recopier la correction des exercices, l’adolescent préféra écrire un résumé de ses découvertes sur les runes à l’attention de Fabrice. Sans entrer dans les détails sur la manière dont il l’avait découvert, il donna une description succincte du forum de magie wiccante. Il aborda ensuite les enchantements à base de runes et la signature qui devait y être associée.

Le temps que Corentin termine ses explications, son professeur de mathématique avait repris sa place. Le cours proprement dit débuta et, bien qu’il ait consacré plus d’une heure la veille aux équations, il ne réussit pas à s’accrocher. Dès les premières lignes, son esprit dériva et fut absorbé par des réflexions sur les événements des jours précédents.

Au fur et à mesure que sa sensibilité pour la magie augmentait, il réalisait l’étendue de son ignorance. En dépit de la soirée passée sur Internet, il n’avait pas l’impression de connaître quoi que ce soit aux croyances wiccantes.

S’il désirait vraiment aider Gwenaëlle, il devrait se mettre à étudier avec sérieux les différentes formes de magie qui avaient pu retenir l’intérêt de son ami. Face à ses inquiétudes pour la jeune fille, les préoccupations scolaires de ses parents ne pesaient pas grand-chose.

Lorsque le cours toucha à sa fin, l’adolescent regarda avec dépit la page où il avait noté quelques bribes de la leçon. Il manquait la moitié des explications de monsieur Joly, ce qui l’obligerait à réviser à partir de son livre.

En triant les feuilles volantes, il eut la surprise de retomber sur les édifices cristallins qu’il avait dessinés la veille. L’espace d’un instant, il crut distinguer l’esquisse d’une silhouette perdue entre les bases des tours. Cette image s’évanouit aussitôt, remplacée par une impression d’inachevée.

Corentin effleura l’endroit où aurait dû se trouver le prisonnier de ce décor de cristal. La fine poudre de graphite s’accrocha à ses doigts, puis il remit le dessin dans son cahier et rangea le tout dans son sac à dos.

vendredi 23 juillet 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 8

Corentin poursuivit ses recherches, en vain. Il s’apprêtait à abandonner pour retourner au lycée quand son compagnon demanda d’un ton suspicieux :
— Tu savais que c’était des runes ?

Cette question le surprit, puis il réalisa que Fabrice ignorait tout du forum sur lequel il avait passé sa soirée. Ses pensées passèrent du jardin de Ceridwen, à ses exercices de mathématiques, puis finir sur les cours qui allaient reprendre très bientôt. Il s’exclama :
— Il faut que j’aille en maths !

Sans prendre le temps de répondre à son ami, il tourna les talons et repartit en direction du lycée. Inquiet à l’idée d’être signalé comme absent, il courut encore plus vite qu’à l’aller. Ses efforts furent couronnés de succès, il réussit à atteindre le portail juste avant que les surveillants ne le referment, puis il monta les escaliers quatre à quatre jusqu’à sa salle de cours.

Son retard lui valut une remontrance du professeur, ainsi qu’une obligation de corriger l’exercice au tableau. Les réponses qu’il avait griffonnées dans son cahier durant le cours d’espagnol l’aidèrent à démarrer, mais il fut perdu dès la quatrième question. Monsieur Joly fit taire les commentaires désobligeants de ses camarades et, constatant qu’il ne parvenait pas à avancer, il envoya l’un des élèves moqueurs le remplacer.

Une fois retourné à sa place, Corentin sentit la chaleur quitter peu à peu son visage. Il avait les joues et les oreilles en feu, autant à cause de sa course pour regagner le lycée que de sa timidité. Soudain, il réalisa que, non seulement, il avait abandonné Fabrice sur le terrain de basket, mais qu’en plus, il n’avait même pas répondu à sa question sur les runes.

mercredi 21 juillet 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 7

Un long moment de silence ponctua ses explications enthousiastes. Devant le regard perdu de Fabrice, l’adolescent s’inquiéta :
— Tu as compris quelque chose ?
— Que dalle ! J’ai juste compris que c’était un truc magique, comme la disparition de mes souvenirs.

Bien qu’il soit involontaire, le rappel de cet épisode plongea Corentin dans sa culpabilité. Afin de dissimuler son trouble, il dirigea vers le poteau où il avait décrypté les runes. Son compagnon sur les talons, il s’accroupit sur le goudron à la recherche des symboles.

Il observa avec attention chacun des gribouillages inscrits dans la peinture bleue, mais ne vit de runes nulle part.
— J’ai pas rêvé, marmonna-t-il. Ils étaient bien là hier.

Derrière lui, Fabrice avait préféré allumer une cigarette plutôt que de l’aider. Néanmoins, son comportement finit par l’intriguer, car il lui demanda :
— Tu n’arrives plus à les retrouver ?
— Non. Je me rappelle vaguement des endroits où elles étaient, mais il n’y a plus rien.

Afin de prouver son affirmation, il désigna une zone où la peinture avait été grattée jusqu’au métal.
— Ici, il y avait une espèce de lettre qui ressemblait à un B.
— Maintenant, il n’y a plus rien. On dirait que ça a été effacé récemment.
— Tu crois ?

Fabrice opina.
— Je vois mal qui se serait amusé à gratter uniquement les runes, à part la personne qui les a dessinées.

Cette hypothèse mit les deux garçons mal à l’aise. En effet, cela pouvait signifier qu’ils avaient fait l’objet d’une surveillance quand ils avaient joué sur ce terrain la veille. Leur disparition rendait ses runes d’autant plus intrigantes, bien qu’ils ignorent si elles avaient un lien quelconque avec le sujet qui les préoccupait tous les deux : Gwenaëlle.

lundi 19 juillet 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 6

La matinée se poursuivit avec un cours d’espagnol assuré par un professeur remplaçant. Il mit à profit les longs monologues dans lesquels celui-ci s’égarait pour sortir ses exercices de mathématiques. Bercé par les intonations monotones, bien qu’hispaniques, du jeune homme, il réussit à répondre aux trois premières questions avant de jeter l’éponge.

Il passa le reste du cours, le regard dans le vague, à fixer la silhouette qui s’agitait devant lui et dont le pull beige, porté sur une chemise orange, tranchait sur le fond vert sombre du tableau. La sonnerie qui retentit dans le couloir l’arracha à cette torpeur. Il remballa ses affaires en vitesse, puis quitta la salle pour se rendre sur le terrain de sport.

Au niveau du portail, il fut englouti par la marée des lycéens venus fumer leur cigarette à l’extérieur. Il en ressortit quelques instants plus tard, au bord de l’asphyxie et les yeux larmoyants. Dès qu’il eut dépassé l’établissement, il courut afin de ne pas perdre de temps en chemin.

Lorsqu’il arriva devant les terrains, il constata avec satisfaction qu’ils étaient vides. Soudain, il entendit une voix dans son dos.
— Qu’est-ce que fais là ? lui demanda Fabrice.

Les deux adolescents, essoufflés d’avoir couru, se retrouvèrent sur les bandes de couleurs superposées qui correspondaient aux délimitations des terrains de handball et de basket. Corentin étant arrivé le premier, il n’éprouva aucune difficulté à expliquer sa présence. Seules ses joues rougies trahissaient son activité physique.
— J’ai découvert que les symboles gravés sur le poteau sont des runes celtiques, expliqua-t-il.

Son compagnon haussa un sourcil dubitatif, puis demanda :
— Est-ce que ça explique tes aptitudes à mettre des ballons dans le panier ?
— Oui ! En recopiant les runes, je me suis approprié l’enchantement. Normalement, seul le créateur peut l’utiliser.

vendredi 16 juillet 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 5

Une secousse marqua l’arrêt du bus devant le lycée. Les portes s’ouvrirent dans un chuintement pneumatique pour laisser le passage aux élèves qui se trouvaient à l’intérieur. Les sièges et les allées se vidèrent d’une grande partie de leurs occupants. Ceux-ci se dispersèrent sur le trottoir qui bordait l’établissement.

Corentin regarda sa montre. Un détour par le terrain de sport afin d’aller jeter un œil aux runes le mettrait irrémédiablement en retard. Il dut donc décaler son examen attentif du panier de basket et prit la direction des salles de classe.

Après une vérification machinale du tableau des absences, il fouilla dans son sac à la recherche de son emploi du temps. Il parcourut le tableau coloré, hésita sur le fait d’être dans une semaine paire ou impaire et, finalement, se rendit au cours d’histoire dispensé par madame Floumeule.

Il arriva dans la salle avec quelques minutes d’avance et en profita pour s’installer contre un mur dans la rangée de tables située au milieu de la salle. D’expérience, il savait que les professeurs n’accordaient qu’une très faible attention aux élèves qui se trouvaient à cet endroit. À condition de ne pas chahuter, il bénéficiait là d’une invisibilité presque parfaite.

Le cours débuta et se termina à l’heure dite, sans que l’adolescent se soit fait remarquer. Il s’était contenté de garder les yeux ouverts en direction du tableau, de recopier ce que madame Floumeule y écrivait et de se taire.

mercredi 14 juillet 2010

Piratation intempestive par une chauve souris ninja...

Je suis au regret de vous informer que ce blog a été piraté.

Un nouveau programme est mis en place.

Ceci n'est pas un régime totalitaire.

En fait, ça serait plus littéraire.

(Mais nous n'oserions employer ce terme.)




La Critique Géniale du Docteur Jean-Charles.


Je me présente, Jean-Charles, chauve-souris à tendances psychotropes, Maitre du monde ès armée de cookies ninjas et pseudo critique littéraire à mi temps. Et apprenti pirate de blog.


J'ai été "engagé" par Magali pour parler un peu de ce que je lis... Je bouquine un peu, et j'ai une nouvelle carte d'abonnement à la médiathèque en face chez moi, je vais donc me faire un plaisir de vous en faire profiter.


Par quoi commencer? Un classique? Ou une petite perle? Ou encore, un sombre roman découvert à l'ombre d'une étagère branlante?


Pour être totalement objectif, je laisserait le choix au hasard, qui se manifeste souvent par le premier bouquin qui fait la connaissance de mon pied. Aujourd'hui, ce sera donc la Trilogie Axis, de Sara Douglass.


Tout d'abord, c'est un roman de trilogie, qui comporte trois petits pavés d'environ 700 pages chacun. Ça peut rebuter, je l'admets, mais la lecture est d'une facilité déconcertante. (Je ne vous dirais pas en combien de jours je les ai lu, je ne suis pas un bon référentiel).


On débute le récit avec Axis, jeune neveu du roi à l'avenir prometteur qui rencontre une jolie jeune fille lors d'une réception en l'honneur de son oncle. Bon, c'est sur, le début est basique, voire chiant, surtout que le héros est beau, et la fille, aussi (surprise!). Tout aurait pu aller très bien si le vilain cousin d'Axis n'avait pas voulu se méler de la partie.


Bon, jusque là, je dois avouer m'être emmerdé, maaaais, un bon lecteur ne doit pas s'arrêter aux premières impressions, j'ai donc continué. Et là, surprise, ce roman « pour passer le temps » acheter dans la grande surface la plus proche se révèle être un roman « agréable et ayant quelques rebondissements sympas ».

On découvre un monde de fantasy assez bien ficelé, avec trois races principales, les humains, les Icarii et les Achars, plus les méchants Skraelings. S'en suit un passe passe entre amour, guerre et politique, où les méchants ne sont pas si méchants que ça, et les gentils, et bien, gentils, mais pas tout à fait. Des personnages attachants (je pense surtout à Faraday, qui souffre comme une héroïne de tragédie grecque) et détestables (là, je pense à Axis, qui est un homme après tout, et qui, comme tout les hommes, préfère penser avec autre chose que ses neurones) sont au menu. Et c'est un petit régal!


Bien que n'étant pas transcendant, la trilogie Axis est un roman agréable pour bronzer sur la plage ou étayer de longues soirées d'hiver. A ne pas mettre dans toutes les mains non plus, certains passages sont assez crus et ne conviendraient pas à de jeunes personnes.


Sur ce, je rends le limo-blog à Magali, et retourne explorer ma nouvelle médiathèque.


(Nous reviendrons, sachez le.)

lundi 12 juillet 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 4

Les graviers crissèrent sous ses pas quand il traversa le jardin, puis le portillon grinça et il se retrouva sur le macadam du trottoir. Les toits d’ardoises des pavillons du voisinage, mouillés par une averse nocturne, brillaient sous les timides rayons de soleil.

Le vent vif repoussait les nuages vers l’est et apportait le froid ainsi qu’un ciel dégagé. Corentin remonta la fermeture éclair de sa veste et regretta de ne pas avoir mis de vêtements plus chauds en s’habillant.

Soudain, la silhouette familière d’un bus apparut de l’autre côté de la rue. Corentin n’arrivait pas à distinguer son numéro, mais il préféra se mettre à courir afin d’arriver devant l’arrêt avant lui.

Après ce sprint d’une cinquantaine de mètres, Corentin n’eut pas le temps de reprendre son souffle. Le véhicule s’immobilisa à côté de lui et il se faufila avec soulagement parmi les autres usagers pour atteindre le fond du véhicule.

Le trajet qui l’amena au lycée ne durait qu’une dizaine de minutes, ce qui n’était pas suffisant pour qu’il tente de continuer les devoirs de mathématiques qu’il avait négligés la veille. Il replongea donc dans le souvenir des informations sur les runes qu’il avait découvertes sur le forum.

Il regretta de ne pas être allé voir si son dernier message avait obtenu une réponse, mais il tenait d’abord à observer une nouvelle fois les symboles gravés sur le panier de basket. Il espérait y trouver des indices sur la personne qui les avait dessinées là.

En effet, WiccaMama prétendait que, pour être efficace, l’enchantement devait contenir la signature de son auteur. Or, aucune des runes qu’il avait recopiées ne s’apparentait à une quelconque signature. Elle devait lui avoir échappé parmi les innombrables gribouillages qui zébraient la peinture bleue des poteaux.

vendredi 9 juillet 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 3

Comme par magie, Lucifer apparut derrière elle et miaulant de toutes ses forces pour attirer son attention.
— Je pense qu’il a faim, dit Corentin lorsqu’il reposa son bol vide sur la table.

Les miaulements appuyèrent ce commentaire. Sa maîtresse ignora néanmoins sa détresse et jeta trois cuillerées de café en poudre dans le filtre de son antique cafetière.
— Il est encore trop tôt pour que je lui donne de la boîte, expliqua-t-elle. Ce chat n’est qu’un ventre sur pattes.

L’adolescent se retint d’ajouter que les crocs du félin lui servaient tout autant à manger qu’à mordre. Cependant, il avait encore la bouche pleine de pain et il n’avait pas le temps de bavarder avec sa tante.

Cette dernière ne se formalisa pas de son silence, elle-même n’étant pas une créature très sociable au saut du lit. Le café améliorait les choses, mais elle demeurait somnolente jusqu’à neuf ou dix heures et ne prenait aucun rendez-vous avant cet horaire.

Corentin quitta la cuisine après avoir débarrassé la table de ses affaires. Le nez dans sa tasse de café sa tante marmonna des paroles qu’il interpréta comme étant un souhait de bonne journée.

Le reflet qu’il croisa dans le miroir de l’entrée, juste avant de sortir, le poussa à perdre quelques secondes afin d’aplatir ses mèches de cheveux désordonnées. À peine disciplinés par la douche, ses épis châtains continuaient de pointer à la verticale. Peu satisfait du résultat obtenu, l’adolescent soupira, puis chaussa une paire de tennis blanches dépourvues de marque. Il enfila ensuite sa veste, ramassa son sac de cours et sortit de la maison.

mercredi 7 juillet 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 2

Pendant ce temps, Corentin avait dévalé l’escalier abrupt afin de se rendre dans la salle de bain. Il se dépêcha de sauter sous la douche, en ressortit cinq minutes plus tard et se sécha.

Avant de descendre, il avait pioché des vêtements au hasard dans son armoire. L’absence totale de fantaisie vestimentaire lui offrait l’avantage de le dispenser de choisir sa tenue. Ce matin, il enfila un T-shirt de sport gris légèrement trop court par-dessus un pantalon bleu marine. Le pull de la veille, abandonné en boule sur sa chaise, compléta son habillement.

Il remonta ensuite dans sa chambre afin de récupérer son sac à dos qu’il déposa dans l’entrée en redescendant. Un regard à sa montre l’informa que, bien qu’il ait expédié ses préparatifs matinaux, il restait en retard d’une dizaine de minutes. Il accéléra encore la cadence pour préparer son petit déjeuner.

Il mit à profit le délai imposé par la minuterie du four à microondes pour découper des tranches de pain, puis il récupéra son bol de lait chaud et y ajouta le chocolat en poudre. Il termina par l’étalage de la confiture de prunes trop liquide fabriquée par sa mère sur ses tartines. Le pain de veille avait ramolli à cause de l’humidité et la confiture acheva de le détremper, laissant des marques poisseuses sur la toile cirée.

Un bruit de pas à l’étage lui apprit que sa tante venait de se lever à son tour. Elle fit son entrée dans la cuisine un peu plus tard, vêtue d’une tunique indienne et d’un sarouel en guise de pyjama et les cheveux hirsutes. Après avoir marmonné un bonjour à son neveu, elle ouvrit la porte du réfrigérateur afin d’y prendre sa boîte de café.

lundi 5 juillet 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 1

De même que l’immense majorité des radioréveils, la sonnerie de celui que Corentin avait apporté chez sa tante était des plus désagréables. Néanmoins, il ne réussit à sortir de ses draps qu’après un quart d’heure de hurlements stridents.

L’adolescent se redressa, mais il fut incapable de bouger ses jambes. Il tendit la main vers le bouton situé sur le dessus du réveil afin de l’arrêter. Malheureusement, ses doigts étaient gauches et engourdis par le sommeil. Il alluma la radio par erreur et, en essayant de l’éteindre, il poussa le volume au maximum.

Toujours incapable de se lever, il tritura les boutons dans tous les sens jusqu’à ce qu’enfin le silence revienne dans la pièce. Un rai de lumière terne filtrait à travers le velux et tombait sur lit, à quelques centimètres de la forme sombre qui immobilisait Corentin.

Il remua les pieds afin de déloger Lucifer, couché en rond sur ses tibias. Lassé de cette agitation, l’animal ouvrit ses yeux d’un vert presque phosphorescent dans la faible lueur matinale.
— Allez, Lucifer descend de là !

Le chat traita cette injonction par le mépris et, telle une menace, étira ses pattes et les griffes qui les terminaient. Hélas pour lui, l’adolescent était déjà en retard et il ne prit aucune précaution pour s’extraire du lit.

En dépit des griffes enfoncées dans la housse, Lucifer ne put conserver son équilibre. Le félin fut secoué et se retrouva relégué dans un recoin du lit, un pan de couette replié sur lui. Il gronda, puis, trouvant cette cachette tiède à son goût, il s’y blottit pour poursuivre sa sieste matinale.

vendredi 2 juillet 2010

Éveil n°2 : Au fil de l'eau


Pour ce second numéro du fanzine Éveil, le thème choisi a été "Au fil de l'eau". Sept nouvelles ainsi que des illustrations couleur ou noir et blanc mettent en avant l'eau sous toutes ses formes.

Au sommaire de ce numéro, j'ai eu le plaisir de reconnaître quelques plumes familières (Léa Silva, Vanessa Terral, Marie-Anne Cleden, Stéphane Pihen et Hans Delrue) qui sont déjà apparues dans les précédentes publications de Transition.

Pour les nouvelles thématiques, Magali Couzigou commence avec "Cela ne me regarde pas". Cette nouvelle raconte la vengance contrariée d'une fée envers un individu des plus malfaisants. En dire davantage ne ferait que gacher l'intrigue que j'ai trouvée originale et bien construite.

Vient ensuite "Sourcicette", un autre très bon texte relatif aux fées écrit cette fois par Léa Silva. Ici, il n'est pas question de vengeance, mais plutôt d'un dette à payer à une lavandière évanescente. Bien qu'agréable, ce texte n'est pas exempt d'incohérences et j'aurais aimé que la question de la grand-mère ne soit pas évacuée aussi brutalement.

Tout d'abord, le titre de "Bridge over Troubled Water", la nouvelle de Rémi Billoir, m'a intrigué. En effet, je ne suis pas une adepte des titres en anglais (sauf si le texte entier est en anglais) et après la lecture, je ne comprends toujours pas la raison qui a motivé ce choix. Par contre, le lecture en elle-même a été un véritable régal. Dès les premières lignes, j'ai été saisie par les aventures de Damien, un adolescent capable de voir les morts qui suivent les cours d'eaux.

Le poème "Edwine Au-fil-de-l'eau" est la contribution de Vanessa Terral à ce numéro (en plus du travail éditorial). J'ai vraiment aimé le ton mélancolique de ses vers et la référence aux selkies-loutres.

Avec"Un fauve poids plume", Marie-Anne Cleden fait, une fois de plus, preuve de son talent pour raconter de belles histoires. Cette fois-ci, il s'agit des aventures d'une paruline jaune, un oiseau des montagnes rocheuses, qui a décidé de choisir un animal totem afin d'échapper à sa condition de volatile. Bourrée d'humour et de poésie, cette nouvelle est un très bon moment de lecture.

Le très réussit "Il Benedante" de Stéphane Pihen nous ramène à un univers mêlant réalisme et féérie. Le paysage écrasé de chaleur convient à la perfection avec la température actuelle où on recherche en vain un peu de fraîcheur. C'est d'ailleurs le besoin d'eau fraîche qui pousse Mario à se mettre en quête d'une source pour sauver sa grand-mère.

La partie thématique se termine avec "In Memoriam", une nouvelle d'Alice Louyot. Si le thème choisi n'est pas aussi original que les autres, ce texte est empreint d'une tristesse lancinante qui suit le cours paresseux d'une rivière. Le lien complexe qui unit l'héroïne à la rivière de son enfance donne toute sa force à ce récit.

La nouvelle "Une femme de lettres" est la dernière de ce numéro est c'est aussi la seule qui soit athématique. Elle a été écrite par Hans Delrue, un auteur dont j'avais beaucoup apprécié le style dans l'Éveil n°1. Il reprend dans celle-ci le thème de la vieillesse avec son regard à la fois doux et amer. L'incompréhension entre un père âgé, qui ne vit plus qu'à travers son amour pour une femme inisible, et son fils, que cette démence sénile déespère, est le point central et fort bien exploité de ce texte.

Mon avis général sur ce numéro d'Éveil est que la qualité des nouvelles qu'il contient s'est améliorée. Sur les sept textes, il m'a été difficile de trouver ceux qui m'ont le plus séduite, car leurs auteurs ont tous réussi à me faire voyager.