lundi 30 août 2010

Chapitre 7 de Limonade - Episode 6

Le lendemain matin, il quitta la maison silencieuse pour prendre sa moto. Bien qu’il ait modifié l’heure de son réveil en lui ajoutant dix minutes, il était en retard de presque un quart d’heure. Il enfila son vieux casque et ses gants, puis démarra en trombe.

Afin de rattraper le temps perdu, il se faufila entre les voitures dans les embouteillages. Ce comportement exaspérait les automobilistes, mais il réussit à entrer dans le parking du lycée quelques minutes avant le début des cours.

Comme souvent, il fut le dernier à arriver en classe. Heureusement, son professeur de mathématique ne lui en tint pas rigueur. Monsieur Joly savait faire de preuve de patience envers ses élèves, même si, comme Fabrice, ils affichaient une attitude désinvolte en contradiction avec des résultats brillants.

Les deux heures de mathématiques passèrent plus rapidement que celles d’histoire et de philosophie. Dans ces deux matières, l’adolescent se taillait une réputation de fauteur de troubles agité et moqueur. Sa dernière pique à l’attention de Kant lui valut d’ailleurs de se faire mettre à la porte.

S’il n’avait pas dû attendre que Corentin termine ses cours de la matinée, il serait volontiers rentré chez lui. Au lieu de cela, il s’installa sur un banc de béton d’où il pouvait surveiller l’ensemble de la cour du lycée.

Ses appréhensions concernant son rendez-vous avec la tante de son ami refirent surface. Il ignorait ce qu’il avait voulu dire en parlant d’envoûtement ou de malédiction. La connotation maléfique de ces deux termes l’amenait à se demander s’il ne s’agissait pas d’une mauvaise blague. Il était cependant résolu à continuer toute cette histoire jusqu’à ce qu’il obtienne une explication valable pour son amnésie.

Quand la sonnerie retentit dans les bâtiments, les lycéens se précipitèrent dehors. Comme à son habitude, Corentin traversait tranquillement la bousculade. Il discutait avec un garçon de son âge et ne prêtait aucune attention à la foule autour de lui. Arrivé en bas des escaliers, il salua son copain et se dirigea vers Fabrice.
– Tu vas bien ?

L’adolescent hocha la tête et proposa :
– On va directement chez ta tante ou on prend des sandwiches avant ?
– Elle doit être en consultation toute la matinée. Je pense qu’il faudra acheter à manger.
– OK.

Ils patientèrent encore cinq minutes dans la cour, puis quittèrent le lycée déserté.

vendredi 27 août 2010

Chapitre 7 de Limonade - Episode 5

La pagaille qu’il avait laissée tout à l’heure se rappela à son bon souvenir quand il voulut s’allonger sur son lit pour lire. Il hésita à transférer le tas de feuilles sur son bureau, mais celui-ci en était déjà recouvert. Avec un soupir, il rassembla tous les papiers et les livres qui traînaient, puis il entreprit de les trier.

Entre les cours de mathématiques qu’il suivait actuellement au lycée et ceux qui provenaient de livres empruntés à la bibliothèque, il avait l’intégralité des sujets abordés durant l’année de terminale. Afin de trouver ses problèmes plus consistants, il était à présent obligé de se tourner vers les programmes de math sup. Les annales du bac ne présentaient que la reproduction d’exercices type avec de légères variations.

À la fin de sa séance de ménage, son bureau était impeccable. Par effet de contraste, le reste de sa chambre paraissait avoir été ravagé par une tornade. Plusieurs strates de vêtements sales ou froissés recouvraient le fauteuil qui occupait l’un des coins de la pièce. Des boules de papiers ou des emballages de chewing-gum à la menthe jonchaient le sol autour d’une corbeille au bord de l’indigestion. Depuis la veille, la radio gisait en morceau sur l’étagère, victime d’une curiosité éphémère pour son fonctionnement.

En prévision de sa visite du lendemain, il s’assura que les habits qu’il devait rendre à Corentin se trouvaient toujours dans son sac. Au milieu de ses affaires de lycéen, il tomba sur son paquet de cigarettes. Les gouttes de pluie qu’il apercevait sur sa vitre le découragèrent de sortir en fumer une.

Il ôta ses chaussures et s’assit en tailleur sur son lit, un livre sur la physique atomique posé sur les tibias. Les premières pages consacrées à structure des atomes faisaient l’objet d’un chapitre de son livre de cours, il le passa pour s’attaquer à des sujets plus complexes avant d’aller se coucher.

mercredi 25 août 2010

Chapitre 7 de Limonade - Episode 4

Lorsque sa mère l’appela du bas de l’escalier, Fabrice était toujours partagé entre l’appréhension et la curiosité. De toute manière, il avait accepté de se rendre chez Corentin le lendemain. Il aurait aimé avoir plus de temps pour s’y préparer, mais la perspective de découvrir le fin mot de l’histoire le remplissait d’excitation.

Il prit appui sur ses bras, puis se redressa brusquement. Son mouvement dérangea les affaires posées au pied du lit. La pile de livres s’affaissa sur la paire de baskets délabrées qu’il utilisait pour faire de l’escalade. Elle rencontra ensuite son porte-clés orné d’anneaux de cannettes qu’elle ensevelit sous des cours de mathématiques.

L’adolescent ramassa les feuilles éparpillées pour les poser sur son lit. La voix de sa mère résonna une nouvelle fois à l’étage inférieur. Après un regard au désordre familier de sa chambre, il sortit et dévala l’escalier avant qu’elle ne perde patience.

Sur la table de la cuisine, deux assiettes de soupe refroidissaient.
– Papa ne rentre pas ce soir ?
– Si, mais il a une réunion très tard.

Fabrice haussa les épaules, à la fois soulagé et déçu. Il avala son dîner sans décrocher un mot en dépit des regards inquiets que lui lançait sa mère. Une fois leur repas terminé, il mit les couverts et les assiettes dans le lave-vaisselle.

Il s’apprêtait à remonter dans sa chambre quand une question l’arrêta.
– Tu as une petite amie, en ce moment ?
– Qu’est-ce qui te fait dire ça ? répliqua-t-il sur la défensive.
– Je suis ta mère, je peux deviner ce genre de chose.

La futilité de cet argument lui arracha un sourire ironique. Il ne prit pas la peine de répondre et gravit les marches quatre à quatre.

lundi 23 août 2010

Chapitre 7 de Limonade - Episode 3

Dès que la porte fut refermée, l’adolescent se laissa tomber à plat ventre sur son lit. Il ne comprenait rien à toutes ces histoires de runes, d’envoutement et d’exorcisme. Tout ce qu’il désirait, c’était poursuivre son existence normale, avec ses copains, sa moto et, éventuellement, une petite amie.

Cette réflexion ramena avec elle des souvenirs de son intrusion au pensionnat bien plus précis que ceux qu’il avait confiés à Corentin. Tout d’abord, les cinq filles qu’il y avait rencontrées entretenaient un goût pour le mystère supérieur à ses attentes. Quant à Gwenaëlle, la froideur dont elle avait fait preuve à son égard ne lui donnait aucun indice concernant l’état de leur relation avant la disparition de ses souvenirs.

Plus que son amnésie, c’était le comportement étrange de son nouvel ami qui l’intriguait. Avec ses grands yeux clairs, sa silhouette toute en longueur et son comportement lunaire, l’adolescent semblait tomber du ciel. La manière décontractée dont il abordait les problèmes surnaturels avait quelque chose de fascinant ; ils donnaient l’impression de faire partie de son quotidien depuis toujours.

Fabrice n’aurait jamais pensé que la magie pouvait se loger dans des détails aussi insignifiants que des graffitis ou des trous de mémoire. Bien que sa première confrontation ait manqué d’effets pyrotechniques, la présence du grimoire et celle du seau d’eau bénite lui conféraient une aura d’étrangeté plutôt rassurante. À présent, il en venait à guetter autour de lui des traces infimes de magie, comme de minuscules fêlures dans la vitre de la réalité.

Il se prit à espérer qu’Évelyne possède une formule grâce à laquelle son existence redeviendrait normale, identique à ce qu’elle était avant sa rencontre avec Gwenaëlle. Pourtant, il doutait que les choses soient aussi simples. Il ne sentait pas prêt à être confronté à davantage d’événements pour lesquels son esprit rationnel échouait à trouver des explications.

vendredi 20 août 2010

Chapitre 7 de Limonade - Episode 2

Après un long silence, son interlocuteur changea de sujet :
– Tu as réussi à voir Gwen ?
– Oui.

Ce brusque écart dans la conversation obligea Fabrice à rassembler ses souvenirs de la veille, lorsqu’il s’était rendu au pensionnat Notre-Dame.
– Elle partage la chambre avec une fille qui s’appelle Émilie et dont ta tante avait parlé. Je n’ai pas pu parler avec Gwen, toutes ses copines étaient avec elle.
– Tu n’as rien remarqué de bizarre ?
– Pas spécialement, elles avaient peur que je me fasse choper.
– Et ?
– Et heureusement que je cours vite…
– Tu as failli te faire prendre !

Après cette exclamation, Corentin demeura silencieux, comme s’il attendait davantage d’explications. Cependant, l’adolescent n’avait pas envie de revenir sur sa fuite du pensionnat et la conversation retomba à nouveau. Mal à l’aise, il proposa :
– Ça serait plus facile si on en discutait demain au lycée.
– OK. Il y a juste un truc que je dois te dire avant.

Le ton de son interlocuteur suggérait l’importance du truc en question. Fabrice attendit qu’il le révèle, mais un léger bruit de déplacement et de paroles remplissait le combiné.
– Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il.

La voix de son ami finit par lui répondre :
– C’était ma tante, elle voulait savoir si tu peux venir mercredi après-midi.
– Demain.
– Oui, à partir de quatorze heures.
– Pourquoi faire ?
– Vérifier si tu n’as pas été victime d’une malédiction, ou d’un autre truc du style envoutement. Ça expliquerait le coup de l’exorcisme.

Sous l’effet de la stupeur, Fabrice resta bouche bée. Apercevant quelqu’un dans le couloir, il se hâta de mettre un terme à cette discussion avant qu’elle ne devienne trop ésotérique.
– C’est parfait. On se voit demain après les cours. J’en profiterai pour te rendre tes vêtements.

Il lui souhaita une bonne soirée, puis raccrocha sous le regard intrigué de sa mère. Cette dernière haussa un sourcil interrogateur, mais n’insista pas, de peur de voir son fils se braquer. Toujours déstabilisé par l’étrange proposition de Corentin, il se hâta de remonter dans sa chambre afin d’y réfléchir au calme.

mercredi 18 août 2010

To the Batmobile, let's go!

Encore un passage éclair de chauve-souris ninja.

En fouillant dans la pile de mes livres, je suis retombé sur Perdido Street Station, un de mes coups de cœur de 2007.

Par coup de cœur, j'entends parler d'un roman qui a chamboulé ma vision des livres. Il m'arrive de temps en temps de tomber sur de très bons ouvrages, et qui, malgré quelques faiblesses, se transforment en véritables petites merveilles sous mes yeux. Ce fut le cas avec Perdido.

L'univers en lui même était assez inhabituel pour moi, lecteur assidu de Sci-Fi et de Fantasy. Voilà un roman Steam-Punk. Un vrai, un pur, un dur. Dedans se croisent allègrement magie, thaumaturgie, mécanique quantique et hybridations folles. Nouvelle-Crobuzon est une ville monstre dans laquelle les espèces se mêlent avec plus ou moins de joie. Où le moindre crime est puni par une sanction qui transforme l'être plus profondément dans sa chair qu'aucune prison ne pourra jamais en rêver.

L'histoire se résume à un mot : « voler ». Une joyeuse bande de rufians poètes et de savants fous, d'hommes oiseaux et de femmes insectes se font un devoir de faire voler ce qui en est incapable. Et déclencher ainsi une des plus grosses catastrophes que la ville ait jamais connu.

En deux tomes, Perdido Street Station, de China Miéville, est dur à lire. Je ne cache pas qu'il est loin d'être simple. L'histoire est très prenante, mais souffre de quelques longueurs. Isaac Dan der Grimnebulin, notre héros obèse, se passionne pour la théorie de la Crise, et l'auteur nous le fait bien comprendre en nous exposant la dite théorie. Bien que la mécanique quantique ne me fasse plus trop peur, j'ai dû lutter pour arriver à saisir tous les concepts (qui me semblent un peu fumeux quand même...)

Les intrigues sont rondement menées, et tiennent en haleine, les personnages attachants, malgré, ou grâce à leur étrangeté. La science et l'horreur s'entremêlent doucement pour vous servir un roman de qualité, que vous pouvez poursuivre dans une autre partie du monde de Nouvelle-Crobuzon avec les Scarifiés. Ces livres sont disponibles en poche, ce qui fait du bien au porte-monnaie!

Sur ce, je vous abandonne, et m'en retourne errer sur la Toile.

(L'image est l'illustration utilisée pour les couvertures de l'édition poche française.)

lundi 16 août 2010

Chapitre 7 de Limonade - Episode 1

Lorsque la quatrième sonnerie résonna dans le combiné, Fabrice perdit espoir. Sa recherche dans l’annuaire téléphonique se soldait par un échec bien qu’il se soit souvenu que Corentin vivait chez une voyante prénommée Évelyne. Le numéro qu’il venait de composer était de dernier de sa liste et ses trois précédentes tentatives n’avaient pas abouti.
– Allo ?

Une voix juvénile remplaça la cinquième sonnerie, ce qui était bon signe.
– Bonsoir, répondit-il. Excusez-moi de vous déranger, mais pourrais-je parler à Corentin ?
– C’est moi.

Cette réponse lui ôta un poids, il détestait les longues minutes d’attente où il ne savait que dire. Comme un lourd silence s’installait à l’autre bout de la ligne, il amorça la conversation :
– C’est Fabrice. J’ai lu ce que tu as écrit sur les runes.
– Tu as compris le truc ?
– Plus ou moins, mais on sait pourquoi la personne qui les a mises ici est venue les effacer.
– Parce qu’elle ne voulait pas que je tombe sur sa signature ?
– Oui. Et vu que ce terrain est surtout utilisé par les élèves du lycée, je me suis dit que ce doit être un élève qui a dessiné ces runes.

Il poursuivit :
– Comme les runes ont été effacées entre hier midi et ce matin, je suis allé au bureau de la vie scolaire pour regarder les emplois du temps.
– Ils t’ont laissé faire ?
– J’ai raconté que j’avais oublié mon casque de moto sur le terrain. Ça a marché impec.
– Ah.

Assis sur la première marche de l’escalier, l’adolescent sortit une liste de sa poche. Il coinça le combiné contre son épaule afin de pouvoir déplier la feuille. Le cordon du téléphone lui passait devant le visage, mais il l’ignora et lut :
– Les premières L1 et S3 sont allées sur le terrain, il y avait aussi les secondes G5.
– Ça va nous faire du monde à suspecter.
Un rapide calcul lui permit d’évaluer le nombre d’élèves susceptibles de s’adonner à la magie runique.
– Au total, ils sont soixante-sept.

vendredi 13 août 2010

Déjà le quart !

En général, je calcule toujours l’avancée de Limonade à partir du chapitre en cours (actuellement, le chapitre 8). Pourtant, avec la fin du chapitre 6, j’ai découvert que j’avais atteint de premier quart du roman. Eh oui, je n’écris pas (seulement) à l’instinct ! Derrière mes chapitres, il y a des tas de choses comme un plan général de l’intrigue, des fiches/listes de personnages et même un synopsis détaillé.

Lorsque je sais dans quelle direction je vais, c’est plus facile de ne pas se perdre dans des détails pour les parties importantes, ou au contraire de savoir quand délayer sur les moments plus tranquilles. J’ai lu une (très bonne) explication du phénomène sur un blog où l’auteur parlait de « syndrome du Nutella ». Ca devait être celui de Paul (Tonton) Beorn, si mes souvenirs sont exacts.

Donc tout ça pour dire qu’il n’y a pas à s’inquiéter, Limonade ne va pas virer « roman à rallonge ». Une vraie intrigue, avec tous les rebondissements qui vont bien, se profile à l’horizon 2012. Promis, je finirai Limonade avant la fin du monde, ça serait idiot de laisser le suspens dans de telles circonstances.

mercredi 11 août 2010

Les démons de Paris


Je ne me souviens plus de la manière dont j'ai entendu parler de ce livre, mais cela devait être en bien. En effet, j'ai très vite fait le projet de me le procurer, même s’il m’a fallu attendre les Futuriales d’Aulnay-sous-Bois en juin. J’ai néanmoins profité de ce festival pour obtenir une chouette dédicace de la part de l’auteur : Jean-Philippe Depotte.

Dès que « Les démons de Paris » sont entrés en ma possession, j’avais déjà un à priori très positif sur ce livre. J’adore les romans qui mélangent aventure et enquête dans un contexte historique, surtout quand il y a une bonne dose de fantastique. Celui-ci ne m’a pas déçue avec son intrigue mêlant nécromancien (un prêtre qui parle au mort) et démonologie (un caïd parisien démon). De plus, le contexte est extrêmement documenté et politiquement très riche.

Pour autant, il s’agit vraiment d’un roman d’aventures. Les péripéties s’enchaînent à un rythme effréné, à la fois dans le monde des morts et dans celui des vivants, jusqu’à un gigantesque dénouement dans le métro parisien.

Une fois de plus, je ne vais pas citer la quatrième de couverture et me plier moi-même à l’exercice.

« La vie de Joseph Stirbling est toute tracée : il sera prêtre et continuera d’exercer son observation à la morgue de l’Hôtel de Ville. En effet, le jeune homme dispose d’un talent très particulier : il peut entendre les morts et aussi leur parler afin de guider leurs premiers dans l’au-delà. Il ignore cependant que ce don fait de lui un implexe et un sujet d’inquiétude pour le gouvernement.

Son attachement pour Lucille Bienvenüe, la fille du créateur du métropolitain, pourrait faire vaciller ses certitudes concernant son avenir. À moins qu’Eloïs, le frère jumeau de celle-ci, récemment engagé dans le ministère aux Affaires implexes ne lui complique la tâche et que ses observations sur le monde des morts ne l’emmènent sur des chemins périlleux. »

En dépit d’une fin que j’ai trouvée légèrement décevante, ce roman est l’un de mes coups de cœur de l’année 2010.

lundi 9 août 2010

Chapitre 6 de Limonade - The end

Le plus long chapitre écrit à ce jour vient d'être terminé. Pour rejoindre le premier des quatorze épisodes, c'est .

Comme d'habitude, le chapitre suivant commencera après une pause de quelques jours. A moins qu'une chauve-souris ninja ne prenne, une fois de plus, possession du blog. En tout cas, j'ai déjà rédigé mon chapitre 7, donc pas d'inquiétude, il arrivera dans des délais raisonnables.

vendredi 6 août 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 14

Le temps que Corentin termine de décrire à sa tante le rituel d’exorcisme ainsi que ses fâcheuses conséquences, le thé dans leurs tasses était devenu tiède. Évelyne en but la moitié, puis elle fixa son neveu avec une gravité.
— Tu es sûr que c’est ton exorcisme qui a rendu ton ami amnésique ?

L’adolescent hocha la tête, une expression de culpabilité inscrite sur le visage.
— Ce n’est absolument pas logique. Le sortilège que tu as utilisé n’a aucun effet sur les personnes, hormis celle de les délivrer des maléfices.
— Tu peux quand même l’annuler ?
— Non. Je ne suis même pas capable de lancer ce sort, alors l’annuler…

Une vive déception se joignit à la culpabilité de Corentin. Afin de le rassurer, sa tante changea de sujet :
— Je ne suis pas très surprise que tu sois mis à la magie. Tu as toujours eu un don pour ce genre de choses et je pensais que, tôt ou tard, tu l’exploiterais.
— Mais pas en faisant du mal autour de moi.
— À mon avis, tu n’as pas causé de tort à Fabrice.

Cette phrase le poussa à relever la tête, le regard soudain allumé d’une lueur d’intérêt. Le sourire d’Évelyne derrière le bord de sa tasse reflétait sa confiance.
— Bois ton thé avant qu’il ne refroidisse. Je t’expliquerai ma théorie ensuite.

L’adolescent vida sa tasse en clin d’œil, puis fixa sa tante avec impatience.
— Alors ?
— Je pense que ton ami était victime d’un sortilège et que ton exorcisme l’en a libéré.
— Comment ça ?
— Je l’ignore, mais peut-être que quelqu’un dans son entourage lui a lancé un mauvais sort. En disparaissant, il a probablement effacé les souvenirs qui s’y rattachaient.

Avant que Corentin n’ait le temps de peser ces paroles, la sonnerie du téléphone retentit à l’étage. Il se précipita dans le couloir, puis gravit l’escalier à toute allure.

Quand il eut passé la porte, Évelyne finit sa boisson en murmurant :
— Mon cher petit, dans quel pétrin es-tu allé te fourrer ? Si je te disais la vérité, tu ne serais sans doute pas prêt à l’entendre.

mercredi 4 août 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 13

Il ouvrit la fermeture éclair de son sac et le vida sur son bureau. Les livres et les cahiers se répandirent sur la planche de bois, accompagné de stylos oubliés ainsi que des morceaux d’une règle et de boulettes jaunâtres pleines de saleté. Il en ramassa une et, après l’avoir malaxée entre ses doigts, reconnut la texture souple de la pâte fluorescente.

Satisfait de sa trouvaille, il décolla les morceaux de pâte collés à ses livres et récupéra ceux qui trainaient encore au fond de son sac. Il les nettoya, puis reconstitua de nouvelles étoiles qu’il fixa au plafond au-dessus de son lit.

Pour finir, il transforma le dernier bout de pâte en un croissant de lune qu’il accrocha avec les étoiles fluorescentes. Il était encore debout sur son lit quand la porte d’entrée claqua.
— Ma cliente est partie, hurla sa tante en bas de l’escalier.

Corentin ne se le fit pas dire deux fois. Il sauta de son lit, puis rejoignit Évelyne au rez-de-chaussée. Il n’avait toujours pas trouvé de quelle manière aborder le sujet de l’exorcisme, mais il n’avait plus l’intention de reculer.

Le gargouillement de l’eau en train de bouillir salua son entrée dans la cuisine. Le nez dans les placards, sa tante demanda :
— Tu voudras du thé ?

Contrairement à son habitude, l’adolescent accepta. Il prit deux tasses qui séchaient au bord de l’évier et les posa sur la table.
— Alors ta journée ? demanda-t-elle en versant le liquide bouillant dans une théière d’où dépassait l’étiquette de papier coloré de l’infusette.
— Ça allait.

Il se tut et rassembla son courage pour continuer :
— J’ai une question à te poser.

lundi 2 août 2010

Chapitre 6 de Limonade - Episode 12

Il monta dans le premier bus de ville en direction d'Alma. À cause de l’affluence, il s’accrocha aux poignées pour conserver son équilibre. Tassé contre les autres passagers qui oscillaient selon les virages, il laissa ses pensées dériver.

La promesse qu’il s’était faite de questionner sa tante à propos des effets indésirables de son exorcisme lui revint en mémoire. La perspective de devoir justifier cet acte qu’il considérait désormais comme exceptionnellement stupide suffit à doucher son enthousiasme.

Il résolut néanmoins d’aborder le sujet dès son retour. S’il attendait davantage, il passerait la soirée à ruminer dans son coin pour, finalement, regretter son silence lorsqu’il recroiserait Fabrice au lycée.

Corentin mit à profit les dernières minutes du trajet pour remettre ses souvenirs en ordre. Bien que cela ne fasse qu’une semaine qu’il avait arrosé Fabrice d’un seau d’eau bénite, de nombreux événements s’étaient déroulés entre-temps.

D’abord, il avait revu Gwenaëlle telle qu’il l’a connaissait les années précédentes : énergique, volontaire et dotée d’un redoutable sens de la répartie. Ensuite, il avait découvert les runes sur le panier de basket, puis leur disparition. Il devait aussi prendre en compte les conséquences de l’exorcisme qu’il avait imposé à Fabrice, à savoir son amnésie concernant sa relation avec Gwen.

L’enchaînement de phénomènes étranges suscitait chez lui un maelstrom de sentiments contradictoires. Le décor familier de la rue de Courteline le sortit de son introspection. Il joua des coudes dans la foule pour s’approcher des portes et descendit le premier.

Le trajet pour regagner le domicile de sa tante ne lui prit guère plus de cinq minutes. Lorsqu’il arriva devant le portail grinçant, les rideaux tirés du salon l’informèrent qu’Évelyne était encore en consultation.

Il se fit donc le plus discret possible afin de ne pas perturber la séance et monta immédiatement dans sa chambre.