vendredi 25 mars 2011

Mystères et Mauvais Genres (suite)

Dans la chronique détaillée de l’anthologie que j’ai postée, je m’étais promis de rédiger un commentaire général. En effet, j’ai eu l’occasion de lire ce genre d’avis dans les autres critiques de ce même livre et je suis curieuse de voir comment je m’en sortirais.

Tout d’abord, je tiens à préciser que ma critique sera davantage un avis de lecture plutôt qu’un décorticage en règle de « Mystères et mauvais genres ». Déjà, parce que comme je préfère lire des fanzines, je ne suis pas très familières avec le travail des anthologistes (sur ce projet, ce rôle a été assurée par Elie Draco). Et ensuite, parce que je m’attache davantage à la qualité de chacune des nouvelles plutôt qu’à la vue d’ensemble.

Pour commencer, la réalisation graphique de la couverture ne m’a emballée plus que ça. Certes elle est jolie et l’idée de proposer un vote pour départager trois illustrations était une très bonne idée, mais je ne trouve pas que la qualité du dessin donne très envie de l’acheter. En plus, la finesse du matériau utilisé pour ladite couverture la rend très fragile et supportant mal les transports en sac.

Par contre, je reconnais qu’un vrai soin a été apporté à l’intérieur. Le papier est de bonne qualité, les coquilles rarissimes et l’emploi de puce en forme de loupe au lieu des traditionnelles étoiles collait bien avec le thème de l’anthologie.

L’idée de diviser l’ouvrage en trois parties ne m’a pas semblé être très pertinente. En effet, je n’aime pas savoir par avance dans quel univers je vais être plongée. Peu m’importent la science-fiction, la fantasy ou le fantastique, tant que l’auteur pose un décor dans lequel je me retrouve.

Du coup, la première partie, que son titre « Quand l’inconnu s’invite dans le quotidien… » étiquette comme un mini-recueil de fantastique, ne m’a pas procurée la surprise d’un texte que l’on pense réaliste et qui bascule vers les mondes imaginaires.

Pour « En quête de vérité… », on comprend tout de suite qu’il va s’agir d’histoires plus typées « polar ». Cependant, le mélange de textes des genres différents m’a enfin apporté le plaisir de la découverte que j’attendais. A chaque nouvelle histoire, j’ai essayé de deviner dans quel univers se positionnait l’auteur et je me suis souvent laissée bluffée.

Quant à la troisième partie, son titre, « Ces témoignages qui font l’histoire… », pourrait laisser croire à des nouvelles historiques. Pourtant, elle se compose pour moitié de textes fantastiques qui auraient eu leur place dans la première partie de l’anthologie. J’ai beau chercher, je ne comprends toujours pas quelle est la logique sous-jacentes à ce mélange textes fantastique et réalistes.

Il n’en reste pas moins que cette anthologie a été un agréable moment de lecture. Il suffit de lire mes commentaires détaillés sur chacune de nouvelles pour s’en convaincre. Je n’aurais jamais passé autant de temps à les rédiger si je n’avais pas aimé ce livre.

Bien entendu, cela reste de la toute petite édition associative. Néanmoins, « Mystères et mauvais genres » est quand même disponible sur le site de la Fnac, avec une belle étiquette de « Coup de cœur Vendeur » et quelques avis de lecture.

lundi 21 mars 2011

Mystères et Mauvais Genres

Dire que j’ai beaucoup parlé de l’anthologie « Mystères et Mauvais Genres », mais je ne l’avais toujours pas critiquée. Eh bien, c’est chose faite et je vous invite à commencer par sa première partie intitulée : « Quand l’inconnu s’invite dans le quotidien… ».

L’anthologie s’ouvre sur « Latombe, victime professionnelle » que l’on doit à Guillaume Suzanne. Cette nouvelle est plaisante dans son déroulement, les relations entre les personnages ne manquent pas de piquant et l’idée qu’elle supporte est des plus originales. Cependant, la manière de rattacher ce texte au fantastique dans les dernières lignes ne m’a pas convaincue, car elle a un côté trop « deus ex machina ». Il s’agit néanmoins d’une lecture agréable.

La tonalité plus sombre du texte suivant, « Le Marchand de Secrets » m’a séduite. Le parti-pris d’entremêler deux trames temporelles pour aboutir à une double révélation, l’une donnant les clés pour comprendre l’autres est astucieux. J’ai aimé la construction méthodique mise en place par P.R. Tohril dans sa nouvelle, un magnifique exemple de texte à chute à la fois mélancolique et intriguant.

« La mélodie du malheur » est sans le moindre doute le texte qui m’a le plus dérangée dans cette anthologie. Dans cet univers suintant d’une macabre étrangeté, Michaël Moslonka introduit une enfant aussi innocente qu’intelligente au milieu d’une galerie de personnages prisonniers d’un village campagnard au bord de la folie collective. Sur le moment, j’ai pensé à un épisode de Torchwood particulièrement angoissant, mais la nouvelle est encore pire. Ne connaissant pas l’Enfer de Dante, je pense être passée à côté de la plus part des références, ce qui n’empêche pas l’histoire d’être écrite avec un réel talent.

Le nom de Gabriel Féraud ne m’est pas inconnu, mais c’est, à ma connaissance, la première fois que je lis un de ses textes. Pour « Les larmes du Poète », le lecteur est plongé dans l’antre mystérieux d’une sorte de détective privé pour le moins surnaturel. Je serais bien en peine de qualifier davantage le narrateur, car celui est très peu décrit et les mystères qui l’entourent ne se dissipent pas à la fin de l’histoire. C’est selon moi le point faible de cette nouvelle. Le client du détective et la manière dont il résout l’enquête sont quant à elles largement à la hauteur. Une mention spéciale pour l’ambiance et les références sur lesquelles s’appuient le texte, et que j’ai trouvées brillantes.

Cette première partie s’achève sur l’un des textes les plus courts de l’anthologie. En dépit de sa faible profondeur, « La flaque à côté de l’arrêt d’autobus » recèle bien des secrets. Avec une économie de moyens, mais un luxe de détails impressionnant, Christophe Nicolas nous raconte l’intrusion du fantastique dans l’existence d’un personnage ordinaire. Pas une fausse note dans cette petite aventure aux frontières de la logique.

La partie suivante délaisse en partie le fantastique pour explorer des thèmes plus variés. Le titre donné par l’anthologiste est évocateur, dans les textes regroupés sous l’étiquette « En quête de vérité… », il sera question d’enquêtes.

Le changement d’ambiance est radical avec « Le corail d’Altawyris ». Le mélange entre polar sombre et science-fiction lumineuse prend dès les premières scènes écrites par Bruno Grange. Pour ne rien gâter, le côté futuriste de la nouvelle est bien plus qu’un superbe décor. En effet, les personnages et l’intrigue étant extrêmement traditionnels, il revient à la force d’évocation de l’auteur de nous surprendre. Je dois reconnaître qu’il y est très bien parvenu, ce qui rend ce texte très agréable à lire.

On passe ensuite au polar classique dans la nouvelle de Sébastien Ruche, « En l’honneur d’Emily ». Ce récit de vengeance, perpétrée par un homme dont la mémoire effacée lui souffle de venger la mort d’une certaine Emily. L’histoire commence de façon simple, mais heureusement une chute astucieuse, inattendue et fantastique vient relever l’ensemble. A mon avis, ce revirement arrive trop tard pour compenser la linéarité du texte.

Encore un nom familier dans cette anthologie, celui de Lucie Chenu pour « La brigade des Enquêtranges ». C’est encore de la science-fiction, même si l’histoire se déroule sur notre bonne vieille terre, avec de bons vieux policiers qui disposent habituellement de la capacité à voyager dans le temps pour résoudre les crimes. Autant dire que l’univers est sympathique et que le récit est construit avec une précision clinique. Pourtant, je suis restée sur ma faim en raison du manque de développement de l’intrigue.

Comme le laisse supposer le titre « Vade retro Satanas ! », il est question d’exorcisme dans cette nouvelle. Celle-ci relate la traque menée par un duo d’exorcistes afin de chasser le démon qui hante une maison bourgeoise. Bien que ce soient les deux héros, une jeune exorciste et un étrange chien doué de parole, qui retiennent l’attention, l’ambiance dix-neuvième et les personnages secondaires apportent une ambiance tantôt sombre et tantôt ironique. Le souci du détail qui transparait dans les situations et la manière de les décrire rend l’ensemble extrêmement accrocheur. Un vrai coup de cœur pour la plume d’Aurélie Wellenstein !

J’aimais déjà beaucoup « L’inspecteur Bernère contre la mort » avant sa parution en anthologie. En effet, cette nouvelle avait fait un tour sur le forum de Cocyclics et j’avais effectué quelques commentaires. Je suis heureuse de voir qu’ils ont été utiles à David Osmay. Encore une fois, il est question d’une enquête traditionnelle dont le héros est Werbar Bernère, un inspecteur convaincu de la supériorité de son intellect qui doit retrouver le meurtrier d’un zombi dévot sous peine de prendre sa place. L’intrigue parait assez absurde, et même drôle, mais le texte est en plus complètement barré et bourré d’humour.

Pas évident de commenter une nouvelle que l’on connait par cœur. Pourtant, je me suis replongée avec plaisir dans la ville de « Pandémonium City » décrite par Anne Goulard. Afin de résoudre le meurtre d’un ami, le héro dispose d’une capacité bien utile, celle de faire parler les morts. Hélas, il doit composer avec les méthodes traditionnelles de la police, peu versée dans les arts occultes, et les mensonges des vivants. Entre l’ambiance victorienne et la présence des fées, ce texte tire son épingle du jeu grâce à son univers original. Quant au charisme du héro, il aide à rendre crédible la légèreté de l’intrigue.

Pour clore cette anthologie, on retombe dans une partie alternant fantastique et réalisme. J’ai hélas trouvé que « Ces témoignages qui font l’histoire… » manquait un peu de cohérence et c’est celle que j’ai le moins apprécié, en dépit de quelques bons textes.

A première vue, le récit de « L’âme damnée de Yeun » que nous livre Arnaud Cabanne est une sordide histoire à cheval sur la psychiatrie et la légende de l’Ankou. Pourtant, la manière dont l’auteur parvient à entraîner le lecteur dans son histoire la rend très prenante. Son allure de conte d’horreur et la chute la rendent intéressante à défaut d’être vraiment originale.

Je ne me suis pas attardée sur « Quinte Flush », la nouvelle de Richard Mesplède car elle a déjà fait l’objet d’une critique détaillé lorsque j’ai commenté le numéro 19 de Black Mamba.

La mauvaise surprise de cette anthologie a été « Samba Luna ». Non pas que j’aie quelque chose contre le style d’Ombeline Duprat, plutôt chargé et évocateur, mais je ne suis pas attirée par la littérature érotique, et même rebutée par la littérature pornographique. L’intrigue trop légère n’est pas parvenue à m’embarquer et ne m’a semblé qu’un prétexte pour décrire les ébats des protagonistes. J’ai conscience que mon avis est extrêmement tranché, mais il reflète ma propre sensibilité et je comprends que certains puissent y trouver leur compte.

Pour conclure cet ouvrage, la nouvelle de la fin revient à Cyril Carau. Sa nouvelle, « Un homme fort », mélange les narrateurs et les époques pour narrer la vie d’un truand d’honneur américain et ses faits de gloire lors de la libération de l’Italie, puis de Marseille. Au-delà de l’aspect historique, l’émotion qui se dessine entre les lignes rend cette histoire douce-amère particulièrement poignante.

Comme ce commentaire est déjà très long, je donnerais mon avis général sur l'anthologie dans mon prochain billet.

See you soon...

vendredi 18 mars 2011

Bilan de milieu de roman

Alors, pour commencer ce bilan sur l'avancée de Limonade, je vais sortir quelques chiffres de mon chapeau :
- 12 chapitres, soit près de 275 000 signes (en comptant les espaces)
- 16 mois, sans compter les poses d'inter-chapitres qui me permettent de rendre ce blog un peu plus interactif
- 1 histoire courte
- 10 fanzines chroniqués ainsi que quelques livres
- 200 billets et des poussières pour raconter tout ça

Pour en revenir au roman, je suis en plein dans une période de remise en question. Les projets qui pointent le bout de leur nez sont alléchants, mais nécessitent de reprendre les chapitres les uns après les autres pour en extirper les coquilles, maladresses de style et incongruités flagrantes. Au passage, merci à ceux et celles qui m'en ont signalé.

Les épisodes publiés sur le blog ne changeront pas, autant par choix assumé que par paresse, assumée elle aussi. Les modifications seront, je l'espère, transparentes pour les nouveaux lecteurs, les autres ayant eu le temps d'oublier mes débuts pas toujours très brillants.

Concernant la progression du roman, elle va continuer à son rythme. Pour le moment, je publie toujours des chapitres écrits à l'avance, mais je vais renouer très prochainement avec ma (mauvaise) habitude de l'épisode écrit le dimanche, le mardi ou le jeudi soir.

Au programme, un basculement plus marqué vers le monde surnaturel et une atmosphère plus sombre, déjà amorcée dans le chapitre 12. La seconde partie de Limonade ne sera pas une partie de plaisir pour Fabrice et Corentin.

A très bientôt pour la suite de leurs aventures.

lundi 14 mars 2011

Chapitre 12 de Limonade - The end

Ce chapitre est déjà fini ! J'en suis la première étonnée puisqu'il marque le milieu de l'aventure. Pour revenir au début (et comprendre ce qui va se passer par la suite), c'est ici.

Cette étape mérite de plus amples développements, je ne vais donc pas m'attarder sur ce billet et en préparer un plus complet en cours de semaine.

vendredi 11 mars 2011

Chapitre 12 de Limonade - Episode 11

La nature des émotions qu’il percevait ici était subtilement différente de celles du couloir. L’atmosphère contenait une majorité de tristesse, mais des ondes de colère pulsaient autour des malades et les enveloppaient d’un cocon délétère.

De plus, il eut beau observer du coin de l’œil tous les recoins de la chambre, aucune créature noire n’y avait trouvé refuge. Il eut l’impression qu’une autre forme de magie était à l’œuvre, plus nuisible que de simples persistances.

Mal à l’aise, il finit par demander à sa tante la permission de l’attendre à l’extérieur. Avec un vif soulagement, il quitta la chambre. Il dut ensuite se contraindre à ne pas courir pour traverser les couloirs.

Une fois dehors, il respira un air propre. La senteur des feuilles d’automne broyées sous les pas des visiteurs chassa les relents hospitaliers. Alors qu’il tentait d’oublier les perceptions inquiétantes qui l’avaient assailli dans la chambre, il se rappela de son rendez-vous avec Charline.

Il avait promis de pratiquer un exorcisme en fin d’après-midi. Bien qu’il n’ait aucune idée sur la manière de procéder, il ne pouvait rejeter sa demande. Avec la malédiction qui s’était abattue sur les membres de sa famille, Gwen avait plus que jamais besoin de son aide.

Tandis que sa tante s’efforçait d’apporter un peu de réconfort aux malades, il se remémora le sortilège qui avait eu le bonheur de fonctionner pour Fabrice. Par chance, le livre prélevé dans la bibliothèque ésotérique se trouvait encore sous son lit. Il avait même laissé les marques-pages à l’intérieur, ce qui faciliterait ses recherches.

mercredi 9 mars 2011

Chapitre 12 de Limonade - Episode 10

Une fois à l’intérieur, l’odeur qu’il avait remarquée à l’accueil se fit plus présente. Les vapeurs chimiques des médicaments lui piquaient les narines. Toujours précédé de sa tante, il parcourut les couloirs le regard rivé sur le linoléum moucheté de brun.

À la périphérie de son champ de vision, il crut apercevoir des créatures d’ombre qui rampaient sur les murs beiges. Il se sentit écrasé par l’intensité des énergies néfastes qui envahissaient cet hôpital. Elles lui vrillaient le crâne, alors il posa sa main gauche sur le bracelet.

Une légère amélioration l’aida à relever les yeux vers le dos de sa tante qui avançait au milieu des patients et des infirmières. Il la vit emprunter un couloir perpendiculaire, puis entrer dans une chambre. Les perles de jades s’incrustaient dans sa paume, mais il avait la certitude que, s’il lâchait son grigri, il partirait en courant.

Deux lits métalliques occupaient chacun un côté de la pièce. Bien qu’elle soit inconsciente à cause de la maladie, Corentin reconnut la petite sœur de Gwenaëlle. Elle portait une blouse d’hôpital aux discrets motifs mauves et une barrette dorée retenait une mèche châtaine sur son front.

Les cernes sombres qui entouraient ses paupières closes et l’absence de couleur sur ses joues lui donnaient un air macabre. Pourtant, les appareils aux écrans bicolores et aux diodes clignotantes auxquels elle était reliée paraissaient fonctionner normalement.

Son père reposait à quelques mètres, juste sous la fenêtre de la chambre. La lumière du jour faisait ressortir sa barbe naissante et son nez volumineux. Il semblait lui aussi dormir, mais son sommeil n’avait rien de naturel.

Alors qu’il s’attardait sur les circonvolutions du tube d’un cathéter, l’adolescent sursauta. Les pièces de cuivre de son bracelet étaient devenues brulantes. Comme sa tante n’avait rien remarqué, il réprima ses questions et poursuivit son examen.

lundi 7 mars 2011

Chapitre 12 de Limonade - Episode 9

En ce début d’après-midi ensoleillée, les routes qui menaient à l’hôpital Pontchaillou dans le nord de Rennes étaient dégagées. Évelyne et son neveu traversèrent le centre-ville sans ralentissement, puis stationnèrent sur le parking.

Bien qu’ils soient protégés du vent par les bâtiments hauts de quatre étages, les arbres avaient perdu l’intégralité de leur feuillage. Les débris brunâtres crissèrent sous les pas de l’adolescent qui observait les alentours. Avec leurs murs de crépi blanc décorés de lignes de peinture verte ou bleue, cet hôpital paraissait récent. Cependant, l’impression néfaste persistait à la manière d’une énergie sombre crépitant autour de lui.

Absorbé par ses réflexions, Corentin dut courir pour rattraper sa tante qui se dirigeait vers l’accueil. Dès qu’ils eurent franchi les portes coulissantes du sas, une odeur désagréable l’assaillit ainsi qu’une impression de plus en plus inquiétante. Il resta à distance le temps qu’Évelyne se renseigne sur la chambre où se trouvaient Sandra et Georges Mariot.

D’abord réticente, la secrétaire médicale finit par se laisser convaincre. Elle lui indiqua le bâtiment concerné sur le plan punaisé à droite du comptoir, puis elle décrocha le téléphone qui venait de se mettre à sonner.
– Tous les hôpitaux sont comme ça ? demanda Corentin.

Sa tante ralentit l’allure et se tourna vers lui.
– Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
– Une impression bizarre. Un truc sombre et triste, sans être malveillant.

Il s’efforça de trouver de meilleurs mots pour exprimer son ressenti, mais il manquait d’expérience dans ce domaine.
– Beaucoup de gens meurent et souffrent ici. Ça laisse des traces qui perturbent les médiums…
– Tu les sens ?
– Non. Contrairement à toi, je n’ai pas plus besoin du bracelet pour atténuer mes perceptions.

Cette information raviva les inquiétudes de l’adolescent à propos de ses pouvoirs. Il décréta néanmoins que se préoccuper de cela à cet instant précis était un comportement égoïste. Sur les talons d’Évelyne, il pénétra dans le bâtiment indiqué.

vendredi 4 mars 2011

Chapitre 12 de Limonade - Episode 8

Dans l’obscurité de sa chambre, Corentin écarquilla les yeux. La bouche ouverte, il aspira une grande goulée d’air. Ses doigts enserraient la couette avec une telle force qu’il craignit de déchirer le tissu. Il décontracta les muscles de ses bras et de ses épaules qui étaient tétanisés, puis fixa le plafond.

Les étoiles fluorescentes au-dessus de lui étaient réduites à de faibles étincelles jaunâtres. Toute une nuit s’était écoulée jusqu’à cet éveil brutal. Il était incapable de se souvenir des images effrayantes qui avaient mis fin à son sommeil. Quelque part, il supposa qu’il valait mieux les oublier.

Les chiffres rouges de son radioréveil lui apprirent qu’il était bientôt l’heure de se lever. Il attendit dans son lit que la sonnerie de se mette en marche, puis débuta sa journée d’une humeur maussade.

Le fond de café à l’intérieur d’une tasse abandonnée sur la table de la cuisine trahissait que sa tante avait veillé très tard. De toute manière, il n’avait pas envie de lui parler. Un message sur la porte du réfrigérateur l’informa qu’elle se rendrait à l’hôpital aux alentours de quatorze heures. Il ajouta qu’il l’accompagnerait, sans préciser que c’était avec l’espoir que Gwenaëlle soit au chevet de sa famille.

Son trajet jusqu’au lycée, puis les cours qui occupèrent sa matinée ne parvinrent pas à le distraire de ses préoccupations lugubres. Il n’eut de cesse de triturer le lien écarlate qui lui enserrait le poignet. Le bracelet se composait de douze fils distincts sur lesquels étaient enfilées six perles de jade ainsi que deux pièces cuivrées.

L’adolescent supposa que les propriétés de ce bijou étaient similaires à celles des attrapes-rêves de Charline. Cependant, ses pensées se détournèrent de la jeune fille pour se tourner vers Gwenaëlle, comme l’aiguille d’une boussole vers le nord.

Il ne chercha pas à voir Fabrice et regagna le domicile de sa tante au plus vite. Évelyne l’accueillit avec un pauvre sourire :
– Tu veux vraiment venir avec moi à l’hôpital ?

Corentin confirma sa décision et, après un repas rapide, ils montèrent tous les deux dans la voiture.

mercredi 2 mars 2011

Chapitre 12 de Limonade - Episode 7

Lorsqu’elle redescendit au bout d’une dizaine de minutes, elle arborait une face lugubre.
– Tu avais raison, il est arrivé malheur à la famille Mariot-Gennec.

L’emploi du nom de la mère de Gwen accolé à celui de son nouvel époux intrigua l’adolescent. Il n’eut néanmoins pas le courage de réclamer des explications. Sa tante poursuivit :
– Sandra et Georges Mariot sont tombés gravement malades. Ils ont été hospitalisés dans l’après-midi. Monique Gennec était bouleversée, j’ai promis que j’irais les voir demain.
– Et Gwenaëlle ? l’interrompit-il.
– Elle va bien. Les médecins ne savent pas ce dont ils souffrent. Mais, comme ton amie n’est pas rentrée depuis des semaines, elle a dû échapper à la contagion.

Un soupir de soulagement échappa des lèvres de Corentin, puis il se reprit. Si sa prémonition se révélait exacte, le beau-père et la sœur de sa meilleure amie courraient un grave danger. Contrairement à ce que semblait croire sa tante, leur maladie n’était peut-être pas naturelle. Sinon, il ne parvenait pas à expliquer l’intensité des sensations qu’il avait éprouvées ; elles relevaient sans le moindre doute de la magie.

Il garda néanmoins ces considérations pour lui-même et s’enferma dans un mutisme volontaire. La nouvelle avait ébranlé sa tante qui, au lieu de passer la soirée à lire ou à bavarder, s’enferma dans la pièce dédiée aux arts occultes dès la fin du repas.

Son neveu ignorait ce qu’elle fabriquait derrière la porte close. Il regagna sa chambre et s’effondra sur le lit où il dérangea Lucifer en plein milieu d’une profonde sieste.
– Fiche le camp, sale matou ! lâcha l’adolescent en réponse au miaulement contrarié du félin.

Celui-ci darda sur lui des prunelles vertes emplies de dédain, puis se roula en boule sur l’oreiller. Corentin le porta sur la première marche de l’escalier abrupt avant de fermer la porte. Par automatisme, il prépara son sac pour le lendemain. Il fit ensuite un détour par la salle de bain et s’allongea. Les poils de chat sur sa taie d’oreiller le firent éternuer, mais il trouva bien vite le sommeil.