mercredi 29 juin 2011

Entrechats


Ce roman était un peu dans le même cas que celui de ma précédente chronique, L’ange blond. Je me l’étais acheté avec mes commandes de Noël et depuis il attendait son heure sur mon étagère. Entre temps, j’avais quand même rencontré Cécile Duquenne pour une séance de discussion-dédicace autour d’un thé. A ce propos, je recommande la lecture du blog dédié au roman, car son parcours éditorial est loin d’être banal (ici).

En tant que lectrice de ce blog, je n’ai pas abordé cet ouvrage en novice. Au départ, cela m’a un peu inquiétée, en partie parce que je savais que si je voulais en écrire une critique, j’avais intérêt à l’aimer. A ce propos, je tiens à préciser que je ne parle ici que des livres que j’ai aimés. En effet, je ne vois pas l’intérêt de consacrer du temps supplémentaire à un livre qui ne m’a pas plu. J’assume donc des chroniques extrêmement partiales, mais c’est le reflet de mon envie de partager mes bonnes découvertes, et non de fournir une étude objective des rayons SFFF de nos librairies préférées.

Pour planter rapidement le décor d’Entrechats, je vais faire appel à votre imagination. L’auteur s’est basée sur une Égypte dérivée des traditions antiques, mais dans un contexte de guerre civile entre ceux qui veulent moderniser le pays et ceux qui veulent en conserver la magie. Ce dernier mot est un point central du roman : la magie. C’est principalement le rapport à cet élément ancré dans l’univers mis en scène qui détermine les factions et les objectifs des personnages.

Les différents points de vue dont use l’auteur au cours du roman permettent de rendre tout un panel d’attitudes et de comportements. Pourtant, il n’est pas question de juger les personnages, car ils ont tous leurs raisons d’agir comme ils le font, quels que soient leurs actes. J’ai trouvé que le tour de force de ce roman réside justement dans cette multiplicité de voix ; cette particularité est d’autant plus appréciable qu’il se range dans la catégorie « Young Adult ».

Cependant, en dépit des multiples rebondissements et aventures, l’histoire reste très linéaire et les personnages sont, dans leur grande majorité, des êtres sympathiques et modérément complexes. Là encore, on retombe sur cette fameuse étiquette « Young Adult ».

En conclusion, je dirais que ce roman est une lecture agréable, sans pour autant être renversante ou révolutionner la littérature de fantasy. Je pense néanmoins que ce n’était pas l’objectif de l’auteur et j’attends avec impatience de la lire sur des textes plus ambitieux.

J’arrive maintenant à la partie complexe de ma critique, la fameuse quatrième de couverture improvisée :

« Lorsque le cadavre d’un roi Sphinx est découvert dans le désert et confié à la police de Shinab, c’est tout le Xxx qui entre en ébullition. En effet, personne auparavant n’avait eu la chance d’étudier la dépouille de cet hybride intimement liée à la magie. Tous attendent quelque chose de cette mort, Khephren, le jeune chercheur prêt à lui consacrer sa vie, Meskhenet, le policier en charge de l’enquête qui espère se réconcilier avec un ami perdu et Lloonas, le fils d’un baron de la pègre qui convoite le cœur de diamant de la créature. Autour d’eux, une foule de personnages tentent d’apaiser la tempête ou, au contraire, de l’attiser pour servir leurs propres dessins dans un pays déchiré entre modernité et tradition. »

lundi 27 juin 2011

L’ange blond


Certains livres qui peuvent passer des mois sur ma pile à lire, même si j’ai très envie de m’y attaquer. Ça a été le cas de L’ange blond, un roman steam-punk que j’avais acheté l’an dernier à l’occasion du salon des Futuriales. Pour la petite histoire, c’est le roman qui a remporté le prix et l’auteur me l’avait dédicacé, j’avais donc une quasi-obligation de le lire.

Il m’a quand même fallu une année entière pour m’y attaquer et, franchement, je ne le regrette pas le moins du monde. L’univers inventé par l’auteur est original, car il n’a pas hésité à mixer les codes du roman d’espionnage, des multinationales dangereuses et des nanotechonologies organiques dans une urchronie napélonnienne se déroulant après l’an 2000. Dit comme ça, ça parait ardu à comprendre, mais l’auteur a suffisamment recouru aux extraits encyclopédiques pour ses débuts de chapitres et aux clichés pour ses personnages que le lecteur se retrouve très vite en terrain connu.

Sans le faire exprès, j’ai cité le point d’achoppement de ce roman : les clichés. Bien qu’ils se révèlent utiles pour éviter de trop secouer le lecteur, j’ai trouvé que l’auteur avait forcé la dose. Les personnages manquent de nuances, que ce soit l’héroïne, Aurore Lefèvre, ou les personnages secondaires. Au final, ça donne un côté très cinématographique au livre, mais je regrette que le soin apporté à l’univers ne se retrouve pas dans les personnages.

Dans la même veine, il y a les cohérences entre l’Histoire européenne réelle et celle du roman. Le point de divergence entre les deux se situe en 1808, lorsque Napoléon utilise une arme secrète afin de débarquer en Angleterre et de conquérir le pays. Du coup, l’Empire est resté en place, évitant les deux guerres mondiales, et une descendante de Napoléon est sur le trône. Hélas, dans la tête de l’auteur, il existe des « points fixes dans l’Histoire » qu’il aurait pourtant été si drôle de mettre en pièce.

On va faire un petit test pour illustrer mon propos, si je vous dis Otto Hitler, petit-fils d’Adolf, vous pensez méchant ou gentil ? Eh oui, quelle surprise, c’est le méchant-looser du roman.

En dépit de ses points que je viens de citer, ce roman est vraiment agréable à lire. L’auteur sait broder autour d’une trame et des personnages classiques pour proposer un roman original. La chute est même particulièrement bien trouvée et, de source sûre, une suite est en préparation à partir de cette révélation.

De mémoire, parce que le roman a disparu dans ma pile-à-ranger, je vais vous livrer une quatrième de couverture inédite.

« Depuis qu’elle a quitté la légion impériale après le massacre de son unité au cours d’une bataille spatiale, Aurore Lefèvre taquine la mort en réalisant des performances de sports extrêmes. C’est d’ailleurs suite à un atterrissage difficile que la police secrète retrouve sa trace. Ils lui proposent alors un marché, mettre ses talents de musicienne et d’espionne à leur service, ou accepter de se soumettre à la vengeance de sa famille adoptive. La seconde option étant un synonyme de mort violente, dans le meilleur des cas, elle choisit de reprendre du service pour l’Empire. Sa première mission est d’intégrer l’équipe montée par Otto Hitler, l’organisateur des festivités commémorant la conquête de l’Angleterre et auxquelles l’impératrice tiendra une place d’honneur. »

lundi 20 juin 2011

Chapitre 14 de Limonade - Episode 13

Au bout d’un moment, des taches brillantes commencèrent à danser devant ses yeux. Sa respiration devint saccadée ; chaque bouffée d’air lui asséchait la bouche et paraissait plus difficile à assimiler que la précédente.

En dépit de tous ses efforts, il ne parvint à susciter aucune vision. Seule une sensation de brûlure émanait du cristal. Une détonation infime rompit le rythme des vibrations, puis une explosion de douleur déchira la main de Corentin. Il ne put retenir un cri et laissa s’échapper la pierre. Une pluie d’éclats acérés comme des aiguilles cascadèrent sur le sol tandis qu’il serrait son poing ensanglanté contre son coeur.

Sous l’effet du sortilège, les vestiges de quartz s’animèrent. Des éclairs crépitèrent entre eux avant de se stabiliser en un réseau de lumière mauve. Une silhouette translucide apparut au centre du filet. Cette apparition arracha un hoquet de surprise à l’adolescent prostré. Pendant un instant, il en oublia sa blessure :
– Fabrice ! cria-t-il, la voix enrouée.

Celui-ci sembla l’entendre bien que la table d’alchimie soit visible à travers son torse. Il tourna la tête vers lui, puis s’arracha au filet lumineux.

Dès qu’il posa le pied hors des débris, Fabrice retrouva son apparence normale. Il tituba sur quelques pas, une expression de soulagement intense peinte sur le visage. Son compagnon le fixait éberlué :
– Mais où étais-tu passé ?
– Ça, c’est à toi de me le dire.

Devant le fiasco de leur infiltration, les deux garçons choisirent de quitter les lieux au plus vite. S’aidant mutuellement à remonter l’escalier, ils trébuchèrent jusqu’à la porte du laboratoire de chimie. Une fois qu’ils l’eurent refermé derrière eux, Corentin s’inquiéta :
– Kaenel va se rendre compte que nous sommes venus ?
– Sûrement, répondit son ami entre deux halètements, mais il n’a aucune raison de nous soupçonner.

L’apprenti magicien n’était pas aussi convaincu de leur anonymat. Il espéra que le sang qu’il avait laissé sur les éclats du cristal ne permettrait pas de remonter jusqu’à lui. Cependant, il ne jugea pas nécessaire d’inquiéter Fabrice à ce propos.

vendredi 17 juin 2011

Chapitre 14 de Limonade - Episode 12

Une fois qu’il l’eut à nouveau dans les mains, l’adolescent s’efforça d’identifier la source d’énergie de la pierre. Précautionneusement, il la fit tourner entre ses doigts. Les arrêtes douces du quartz le rendait agréable à manipuler. Il le plaça dans l’alignement de l’ampoule afin d’en évaluer la transparence. Alors qu’il s’attendait à un cristal d’une parfaite limpidité, il remarqua des traînées rouge sombre et des inclusions noires.

Sous cette apparence banale, il sentit néanmoins percer une tiédeur et une impression de vie qui n’avaient rien de minéral. Bien qu’il ne soit pas capable de l’expliquer, il ressentait une réelle différence entre les êtres vivants et les objets inanimés. Pour autant qu’il s’en souvienne, les pierres n’avaient pas la capacité de générer leur propre énergie, juste de la restituer.

Corentin emprisonna le cristal dans sa paume, puis il serra son poing comme s’il voulait le presser pour en extraire la substance. Ses ongles s’enfoncèrent dans sa peau, mais il ferma les yeux et continua de serrer. Soudain, une vision éclata derrière ses paupières, se superposant au laboratoire souterrain. Il vit Fabrice en train de marcher au milieu de tours cristallines.

La démarche de son ami était hasardeuse. Il hésitait à chaque embranchement et gardait une main contre l’une des parois. À son comportement, l’adolescent comprit qu’il était perdu dans un labyrinthe. Les façades vertigineuses et leurs volutes formaient une prison dont les murs montaient jusqu’au ciel.

Incapable d’assister à la scène sans rien faire, Corentin essaya de remonter la piste de cette vision. Charline lui avait affirmé qu’il pouvait suivre un sortilège à la trace et il comptait bien essayer. Cependant, à peine avait-il tendu son esprit vers son ami que l’image se brouilla. Il raffermit sa volonté afin de la stabiliser, cependant ses efforts eurent l’effet inverse.

En clin d’œil, Fabrice disparut complètement. Il constata néanmoins que le cristal semblait plus chaud dans sa main. La fonction de relai entre cet éclat et le labyrinthe lui apparut évidente. Il se concentra pour envoyer un filet d’énergie ; il procéda de la même façon que pour détruire les vers d’ombre.

Le quartz se mit à frémir, accompagné d’un bourdonnement irrégulier. Puis, à mesure qu’il accroissait l’intensité du flux, le bruit et les vibrations augmentaient. Bien que la pierre devienne brûlante, il refusait de la lâcher. La peur de perdre Fabrice l’emportait sur la souffrance.

mercredi 15 juin 2011

Chapitre 14 de Limonade - Episode 11

Il s’enjoignit au calme et expira profondément. L’odeur de plantes sèches devint prédominante sur celle de renfermé. Elle évoquait pour lui les tisanes préparées par sa mère les jours d’hiver et les mixtures ésotériques de sa tante. Il inspira à fond pour profiter des bribes de souvenirs rattachés à ses odeurs.

Une étincelle de confiance s’alluma au fond de son esprit. Il avait déjà repoussé les maléfices de Kaenel une première fois, alors qu’il était pris au dépourvu. Certes, il n’avait pas emporté son grimoire, mais celui-ci n’était rien de plus qu’un support, de même que les arcanes du tarot.

Il ferma les yeux pour essayer de se concentrer. Hélas, avec l’obscurité revirent ses doutes et la peur qu’il soit arrivé malheur à son compagnon. L’exorcisme qui le protégeait avait forcement des limites dont ils ignoraient l’existence.

Décidé à faire une seconde tentative avec ses cartes, Corentin s’accroupit afin les ramasser. Soudain, il se figea. Au lieu de retomber en désordre comme l’auraient fait n’importe quels morceaux de papier, elles dessinaient une forme triangulaire qui pointait vers l’alambic.

La coïncidence était trop flagrante pour que l’adolescent la néglige. Puisque Fabrice s’était volatilisé pendant qu’il examinait cette table, il y trouverait peut-être un indice sur sa disparition.

L’apprenti médium s’approcha du meuble recouvert d’ingrédients et d’instruments d’alchimie. Un pentacle gravé dans la surface du bois attira son attention. Il remarqua les pierres éparses autour de l’étoile ; pour que la protection soit efficace, elles auraient dû être disposées sur les pointes. L’un des cristaux avait même roulé jusqu’au rebord de la table.

Lorsqu’il le ramassa, Corentin éprouva une étrange sensation de picotement. Il lâcha immédiatement l’éclat de quartz. L’espace d’un instant, il avait cru entendre un bourdonnement électrique. Intrigué, il décida de le retrouver le cristal qui était tombé au milieu des plantes sèches. Son intuition lui soufflait que ce caillou revêtait une importance considérable.

lundi 13 juin 2011

Chapitre 14 de Limonade - Episode 10

Intrigué par le silence absolu qui régnait dans la cave, Corentin tourna la tête. Dans le coin de son champ visuel, il voyait la table d’alchimie et son alambic, mais aucune trace de son compagnon. Il se retourna complètement et fouilla les ombres du regard.

Ne voyant toujours rien, il appela Fabrice, en vain.

Pendant une bonne minute, il pensa que celui-ci était en train de lui jouer un mauvais tour et qu’il se cachait quelque part dans le laboratoire. Cependant, la situation dans laquelle ils se trouvaient tous les deux plongés ne prêtait pas à rire, ce que son ami paraissait avoir compris jusqu’à présent.

Une sourde appréhension s’empara de lui. Sans être capable de se l’expliquer, il avait la conviction que Fabrice ne se trouvait pas dans la cave. Une exploration détaillée des recoins, entrecoupée d’appels de plus en désespérés, lui donna raison.

Il regretta de ne pas avoir parlé à son compagnon des vers d’ombres, les créatures magiques dont Kaenel se servait pour ses basses œuvres. La crainte que ces derniers se soient attaqués à lui le fit frissonner. Il gardait un souvenir précis et horrifié de leur contact délétère.

Le cœur battant sous l’effet du stress, Corentin se débarrassa de son sac à dos sur le sol poussiéreux. Il en sortit le paquet de cartes de tarot emprunté à sa tante qu’il avait emporté au cas où. Malheureusement, il n’avait pas la moindre de la manière adéquate de les utiliser.

Il s’efforça de contrôler les tremblements de ses mains tandis qu’il battait les lames. À voix basse, il murmura la question qui le taraudait :
– Où est Fabrice ?

Un frémissement d’énergie parcourut ses doigts, puis se propagea aux cartes. Mais, au lieu d’une réponse imagée, il perdit le contrôle de ses mains et le jeu de tarot se répandit par terre.
– C’est vraiment pas le moment ! s’énerva l’adolescent.

vendredi 10 juin 2011

Chapitre 14 de Limonade - Episode 9

Alors qu’il était sur le point de suffoquer, Fabrice s’effondra en avant. La gorge en feu d’avoir crié et manqué d’air, il resta avachi sur le sol à reprendre son souffle. Il prit peu à peu conscience qu’il ne se trouvait plus dans la cave. La surface sur laquelle il s’appuyait avait une texture étrange, froide et incroyablement lisse.

Lorsqu’il releva la tête, son regard se perdit dans la multitude de plans verticaux qui encombraient l’horizon. Entre les cimes acérées, il aperçut un ciel cristallin qui baignait le décor d’une douce luminescence à la tonalité rose. Aucun nuage ne perturbait la transparence du dôme surplombant le paysage.

En dépit de la désorientation, l’adolescent trouvait à son nouvel environnement une atmosphère de déjà-vu. Il se remit sur ses pieds, décidé à explorer les environs et à découvrir le moyen d’en sortir. Quelques pas devant lui, une sorte de colonne émergeait du sol. Elle avait pourtant exactement le même revêtement dans lequel il devina une forme floue, mais humaine : son propre reflet.

Incapable de savoir s’il s’agissait d’une construction ou d’un élément naturel, il poursuivit son exploration circonspecte. Si la base laissait penser que la tour avait surgi du sol tant il ne parvenait pas à les différencier, son sommet, ouvragé comme un clocher d’église gothique, proclamait le contraire. Il éprouva la résistance de la colonne en frappant de ses poings, d’abord doucement puis de toutes ses forces. Bien qu’elle soit semblable à un verre légèrement opaque, la paroi résista sans le moindre souci aux chocs.

Perplexe, Fabrice progressa le long de cet édifice, accompagné par la silhouette brumeuse réfléchie dans l’épaisseur. Alors que le ciel semblait dégagé, à son niveau, il avait l’impression de se trouver en plein cœur d’un labyrinthe. Il comprit soudain ce que cet endroit avait de familier, Corentin l’avait dessiné une dizaine de jours auparavant.

mercredi 8 juin 2011

Chapitre 14 de Limonade - Episode 8

De son côté, Fabrice se concentra sur la table. Les formes courbes de la chaudière de cuivre renvoyaient un reflet déformé de son visage. Il hésita un instant avant de l’effleurer, guettant l’apparition de l’étincelle violette qui signalait la présence de sortilèges. Lorsque mon index se trouva en contact avec le métal encore tiède, rien de tel ne se produisit.
Il suivit les boucles du serpentin tout en se demandant pour quel maléfice Kaenel avait employé cet alambic. À la pensée qu’il pouvait s’agir de la concoction d’un redoutable poison, l’adolescent retira son doigt et l’essuya sur son jean.

Il s’attarda ensuite au fatras d’objets divers qui entouraient l’instrument de chimie. Des tiges de végétaux aux feuilles arrachées accompagnaient une collection de flacons de verre teinté, de pots mal rebouchés et d’une cornue au fond de laquelle croupissait un liquide brun. À en juger par le flétrissement des plantes, elles avaient été déposées là deux ou trois jours plus tôt.

Seul Corentin aurait été en mesure de reconnaître les ingrédients. Cependant, il était occupé à l’autre bout de la cave et son compagnon préféra le laisser continuer son examen. Il était bien davantage dans son élément que Fabrice qui, chaque minute, devait se rappeler qu’il n’était pas en train de rêver.

Avec soulagement, celui-ci avisa quelque chose de familier sous les débris de branchage. Il les écarta avec précaution afin de mettre au jour une poignée de gemmes et de cristaux. Agencés en une sorte d’étoile, les minéraux scintillaient à la lumière blafarde de l’ampoule.

Ses souvenirs de géologie lui permirent tout juste d’identifier un quartz rosé de la taille d’une gomme et des fragments d’améthyste. En dessous, il devina des gravures plus profondes que les nervures du bois. Afin d’examiner le symbole qu’elles représentaient, il balaya les pierres semi-précieuses du revers de la main.

Un déchainement de foudre miniature crépita sur sa paume, puis remonta le long de son poignet à toute vitesse. Il eut tout juste le temps de voir son bras illuminé avant que sa vision ne soit atteinte. Un voile semblable à un filet mauve découpait la pièce. Il eut beau crier pour l’alerter, Corentin ne remarqua rien.

Ses hurlements grimpèrent d’un ton au moment où il sentit les mailles se resserrer autour de lui. À mesure que leur luminosité s’amplifiait, elles le comprimaient dans une cage aveuglante. À travers sa prison, il vit son compagnon disparaître, de même que le reste de la pièce.

lundi 6 juin 2011

Chapitre 14 de Limonade - Episode 7

Les deux garçons arrivèrent en haut d’un escalier. Contrairement aux autres pièces du laboratoire, la propreté de celle-ci laissait à désirer. Des toiles d’araignée occupaient les coins du plafond et une épaisse couche de poussière recouvrait le sol. Plusieurs empreintes se détachaient sur le voile gris, elles suivaient les marches.

Sans avoir besoin de se concerter, ils descendirent à leur tour dans les sous-sols du laboratoire. Là aussi, il régnait une odeur de produits chimiques à laquelle se superposait un parfum d’humidité fraîche, de plantes aromatiques et de renfermé.

Bien que les murs soient peints en blanc, le couloir paraissait extrêmement sombre. Aucun interrupteur ne se trouvait sur le palier, mais ils en découvrirent un en bas des marches.
– Fiat lux, plaisanta Fabrice d’un ton mal assuré lorsque l’ampoule au plafond s’alluma dans un grésillement.

La salle dans laquelle ils venaient d’arriver était en tout point conforme à ce qu’ils s’attendaient à trouver. Des soupiraux protégés par des volets cadenassés donnaient sur la cour du lycée, mais cet endroit aurait pu se trouver dans n’importe quelle cave lugubre. Les fibres blanches se détachaient sur la moisissure verdâtre des murs de briques sombres.

Au centre de la pièce trônait une table de bois supportant un alambic de cuivre aux circonvolutions brillantes.
– Je pense que nous tenons notre preuve, s’enthousiasma Corentin.

Devant le silence de son complice, il ajouta :
– À part un sorcier, qui s’amuserait à entretenir ce vieux machin ?
– Un passionné de chimie à l’ancienne.
– Tu sais comme moi que ça ne peut être que Kaenel !
– Je sais que ça ne peut être que lui, soupira son ami. Mais nous avons besoin d’une preuve qu’il fabrique des choses vraiment mauvaises ici, des choses qui mettent ses élèves en danger.

Le dépit de l’adolescent faisait peine à voir. Il tourna autour de l’alambic sans oser le toucher, puis se dirigea vers les étagères aussi rustiques que la table appuyées contre l’un des murs. Comme dans ses dessins, une multitude d’objets s’alignaient sur les planches. Il recensa plusieurs de dizaines de flacons de toutes les tailles, un socle de pendule similaire à celui de sa tante et des mortiers de pierre fine.

vendredi 3 juin 2011

Chapitre 14 de Limonade - Episode 6

Le temps que son compagnon le rejoigne, Fabrice continua son examen de la réserve. A deux, ils constatèrent en quelques minutes que toutes les substances chimiques présentes étaient des plus ordinaires.
– Au fait, demanda l’aîné, on cherche quoi ?
– Je sais pas trop, les trucs qu’il y avait dans mon dessin.
– Genre des alambics et des bouteilles bizarres.
– Oui.

Il soupira, pour le moment, il n’avait rien aperçu de tel dans ce laboratoire de chimie. De toute manière, des objets aussi clairement identifiables ne pouvaient pas se trouver dans une salle de classe.

En prenant un peu de recul, il réalisa que cette pièce disposait elle aussi d’une porte, bien que celle-ci soit camouflée derrière un poster représentant le système solaire. Fabrice tapota l’épaule de son ami qui se releva d’un bond.
– On essaye par là, suggéra-t-il en désignant la porte d’un pouce désinvolte.
– D’accord.

Corentin avait du mal à contenir son excitation lorsque son compagnon décrocha l’affiche, puis posa la main sur la poignée. Comme pour les serrures précédentes, celle-ci émit un petit arc électrique.
– C’est vraiment très pratique, un super-exorcisme. Tu devrais te mettre à les vendre.

L’humour de cette remarque tomba à plat, car, cette fois, la porte demeura close. Fabrice insista, en vain. Il appuya de toutes ses forces sur la poignée avant de constater que son ami le dévisageait avec un grand sourire.
– La magie ne suffit pas toujours.

Dans sa main droite brillait une petite clé d’apparence banale.
– Elle était cachée dans un flacon marqué « acide sulfurique », expliqua-t-il, mais c’était juste de l’eau.
– Et tu n’as pas pensé à me le dire avant ?
– Non, je ne savais pas que cette porte était verrouillée.

Une fois la clé engagée dans la serrure, ils n’eurent qu’à la faire tourner deux fois avant de pouvoir pousser le battant.

mercredi 1 juin 2011

Chapitre 14 de Limonade - Episode 5

Sourd aux conseils de son ami, Fabrice pénétra dans le laboratoire. De chaque côté de l’allée menant au tableau s’étalaient des paillasses carrelées avec toute l’infrastructure nécessaire aux travaux pratiques. Une odeur de produits chimiques planait dans la pièce.

Examinant les bureaux les uns après les autres, il se dirigea vers l’estrade. Les traces de craie sur le fond vert sombre du tableau montraient que cette salle avait servi récemment pour un cours. Il n’avait pourtant aucun moyen de savoir s’il s’agissait d’un cours de chimie officielle ou d’une séance de magie.

La lumière qui envahit soudainement le laboratoire l’aveugla. Il distingua néanmoins Corentin qui se tenait près de la porte, la main sur l’interrupteur.
– Ce n’est pas pratique de chercher des preuves dans le noir.
– On risque de se faire repérer, protesta-t-il avant de se rappeler que les volets dissimulaient leurs activités.

De l’endroit où il se trouvait, l’adolescent avait une vue dégagée sur l’ensemble de la classe. Tandis que son compagnon observait les flacons alignés dans une armoire, il se dirigea vers la porte située à droite du tableau.

Comme avec l’entrée du bâtiment, la serrure cracha un éclair qui disparut en le touchant. Cette manifestation magique le conforta dans son idée que les choses intéressantes se trouvaient dans la pièce voisine.

Les murs du réduit dans lequel il s’engagea étaient couverts d’étagères, elles-mêmes couvertes de bouteilles de verre et de plastique. À première vue, elles n’avaient rien de suspect. Les symboles sur les étiquettes indiquaient que ces produits étaient dangereux, toxiques ou inflammables.

La voix de Corentin résonna dans le laboratoire :
– C’est juste de l’eau distillée, dit-il en parlant des flacons qu’il venait d’inspecter.
– Alors viens voir ceux-là !