La vive satisfaction que Corentin éprouvait suite au revirement de Charline se teintait néanmoins d’inquiétude. Les ombres qu’il avait couchées sur le papier lui avaient paru menaçantes ; il ignorait la méthode à employer pour les faire disparaître. Pourtant, il n’avait guère le choix. Comme l’avait déclaré la jeune fille, il devait réussir un second exorcisme afin de sauver son amie.
Quand son professeur de mathématique débuta la leçon consacrée aux fonctions, il ne put s’empêcher de fixer le tableau. Aux explications de monsieur Joly se superposaient celles de Fabrice et, pour la première fois depuis septembre, elles lui parurent limpides. Il s’efforça de compléter ses connaissances, puis de résoudre les exemples.
Ce cours se déroula à une vitesse peu commune, mais les suivants retrouvèrent un rythme ennuyeux.
Au fur et à mesure de l’avancée de la journée, une impression désagréable envahit Corentin. Ce malaise était trop diffus pour lui apporter davantage qu’un sentiment lugubre. Pendant son cours de français, il essaya en vain de mettre des traits sur ce qu’il percevait de façon indistincte. Hélas, il n’obtint qu’un fatras de lignes qu’il réussit à transformer en un dragon, à la joie d’Aurélien qui récupéra le dessin.
La dernière heure de la journée fut la pire. Son pressentiment s’accentuait, tout en restant hors de portée. Des frissons parcouraient sa peau comme des arcs électriques, hérissant tous les poils de son corps. Son crâne lui semblait s’alourdir de minute en minute et il finit par demander à son professeur la permission de se rendre à l’infirmerie.
Il devait avoir l’air véritablement malade, car Aurélien fut prié de l’accompagner. Ce dernier porta même son sac, tellement l’adolescent paraissait à bout de force. Ne sachant que faire de lui, l’infirmière lui ordonna de s’allonger.
– Si tu es malade, dit-elle, il vaut mieux que tes parents viennent te chercher.
– Je peux rentrer en bus.
– Je refuse de te laisser partir, si tu dois t’évanouir dès que tu auras fait un pas dehors. Maintenant, repose-toi !
La femme referma le rideau. Le claquement de ses talons sur le sol carrelé l’accompagna jusqu’à son bureau. Les pages du carnet de correspondance tournées sans précaution crissèrent, puis une conversation étouffée suivit le cliquetis des touches du téléphone.
L’infirmière revint le prévenir que sa tante viendrait le chercher. Elle lui proposa ensuite un cachet d’aspirine et un verre d’eau qu’il accepta sans conviction.
vendredi 25 février 2011
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