vendredi 2 décembre 2011

Chapitre 18 de Limonade - Episode 6

Stationnée le long d’une pompe à essence, la moto de Fabrice ignorait les regards noirs que lui jetait Corentin.
— Si ça se trouve, ton artefact essayait de mettre en garde contre cet engin.
— Non, répliqua l’adolescent sans même lever la tête du réservoir qu’il tâchait de remplir. Le pendentif est encore de plus en plus brûlant. Et ton pressentiment ?

L’apprenti magicien secoua la tête.
— Il n’a pas duré très longtemps. Dès que j’ai arrêté de regarder le livre, il a disparu.
— Le golem, c’est ça ?
— Oui.

La combinaison de ces deux manifestations ne lui inspirait rien de bon. Pourtant, en l’absence d’éléments tangibles, il ne pouvait encore rien tenter pour tenir à distance les maléfices qu’il sentait s’amonceler autour d’eux.
— Je n’aime pas ça, marmonna Corentin entre ses dents serrées. Je n’aime pas ça du tout…
— Qu’est ce qu’il y a ?

Alarmé par le ton assourdi de son ami, Fabrice avait cessé de faire le plein de la moto. Dans le silence de la station-service, l’adolescent point du doigt l’entrelacs de néons rouge et jaunes qui éclairaient le parking.
— Les lumières, expliqua-t-il, elles pulsent.

Levant les yeux vers l’enseigne indiquée par le jeune sorcier, Fabrice fronça les sourcils.
— Ça m’a l’air plutôt normal.
— Je ne sais pas…

Corentin répugnait à admettre que son pressentiment venait de réapparaitre. Une migraine intense lui vrillait les tempes tandis que les vapeurs d’essence accentuaient la nausée qui lui tordait l’estomac.

D’un air sombre, Fabrice déclara :
— Je vais me dépêcher de payer comme ça on pourra filer d’ici en vitesse.

En quelques enjambées, l’adolescent pénétra dans la guérite de la station. Pendant ce temps, Corentin s’assit sur un plot de béton maculé de taches d’huiles et de trainées de pneus. La respiration difficile, il s’efforça de rassembler toute sa concentration pour remonter à la source des impressions néfastes qui le harcelaient sans cesse.

mercredi 30 novembre 2011

Chapitre 18 de Limonade - Episode 5

La nuit était déjà tombée lorsque Fabrice et Corentin quittèrent la libraire ésotérique. Une pluie fine mouillait le macadam et les trottoirs humides reflétaient la lumière orangée des réverbères. Le sac en plastique blanc fourni par la table d’Hermès protégeait le livre de la pluie.

En avisant la moto couverte de gouttes froides, Corentin soupira :
— On aurait dû prendre le bus...
— À cette heure, et un dimanche en plus, les bus passent toutes les trente minutes.

L’adolescent admit le bien-fondé de la remarque. Pendant que son compagnon retirait l’antivol de la roue avant, il glissa La magie des minéraux et des végétaux correctement emmailloté sous son blouson.

Au moment d’enfourcher la selle, il remarqua que Fabrice avait une main crispée sur la poitrine.
— Qu’est-ce qu’il y a ? s’inquiéta le benjamin tout en se maintenant en équilibre sur la selle glissante.
— C’est le truc de Charline, il me brûle !

La grimace qui déforma les traits de Fabrice quand qu’il sortit le talisman de sous son tee-shirt était éloquente. L’entrelacs de perles et de fils paraissait aussi chaud que du métal porté au rouge. Il l’exhiba à son ami en le tenant du bout des doigts.

Avec une moue circonspecte, Corentin le manipula en espérant découvrir la cause de sa chaleur. Cependant, le pendentif ne fonctionnait pas pour lui et il rendit à son propriétaire.
— Tu penses que c’est lié à mon pressentiment ?
— Oui. Raison de plus pour ne pas traîner ici !

Sans s’attarder davantage, les deux adolescents quittèrent la ruelle, emportés par le grondement enroué de la moto. Après une centaine de mètres, celle-ci fit une embardée qui manqua de la coucher sur le bitume

Les réflexes de Fabrice suffirent à leur éviter un accident. Hélas, il eut beau pousser les gaz au maximum, elle refusa de reprendre son élan.
— Je crois que le réservoir est à sec ! hurla-t-il à travers la vitre ouverte de son casque.

À ses grands gestes et ses efforts désespérés pour redémarrer, Corentin n’eut aucun mal à comprendre la situation. Il se cramponna à son ami tandis que ce dernier obliquait leur trajectoire vers une station-service.

lundi 28 novembre 2011

Chapitre 18 de Limonade - Episode 4

Ses derniers doutes dissipés, un sourire retroussa la bouche d’Anne-So.
— Je te tiens, chantonna-t-elle en se penchant sur le lit.

Tout ce dont elle avait besoin pour se débarrasser définitivement de son rival se trouvait à portée de main. Avec quelques-uns de ses cheveux et le sortilège adéquat, elle n’aurait plus jamais à se préoccuper de cet exorciste de malheur.

Au moment où la jeune fille tirait l’oreiller de Corentin vers elle, une boule de fourrure noire jaillit de sous la couette. D’un coup de griffe, l’animal lui entailla le poignet jusqu’au sang, puis se réfugia sous le lit en feulant.

— Satanée bestiole, jura-t-elle en se félicitant de ne pas avoir crié sous l’effet de la surprise.

Après avoir pressé un mouchoir contre sa blessure, Anne-Sophie reprit sa tâche là où elle avait été interrompue. Délicatement, elle préleva sur la taie d’oreiller une douzaine de cheveux châtains, tantôt raides ou bouclés. Elle fit attention à ne pas emporter par mégarde de poils de chat afin d’éviter les interférences, puis glissa ses trouvailles dans une pochette de tissu.

Les deux objectifs de sa venue étant remplis, elle passa de nouveau son bracelet autour de son poignet. Le contact du métal froid contre se griffure lui arracha une grimace. Cependant, au contact du sang, les runes gravées vibrèrent d’une énergie nouvelle.

Stupéfaite, Anne-Sophie activa le pouvoir du bijou. En dépit de l’usage qu’elle en avait fait quelques minutes plus tôt, l’enchantement avait retrouvé toute sa puissance.

L’espace d’un court instant, les mains de la jeune fille se couvrirent d’un miroitement chamarré avant de se fondre dans le décor en arrière-plan. La netteté de l’illusion était bien supérieure à celle du début de son intrusion.

Assurée d’être indétectable, Anne-So quitta la chambre comme elle était venue. En passant devant la porte du salon, elle tendit l’oreille afin de surprendre les paroles échangées par Émilie et la voyante.
— Cette carte n’est pas négative en elle-même, expliquait Évelyne Pomarec, mais elle implique de grands changements, une remise en question profonde de ton identité. Par contre, celle-là est beaucoup plus négative…
— C’est la mort.
— Oui, l’arcane treize, celle qui ne porte pas de nom.

Rassurée qu’il s’agisse d’un simple tirage de carte, la jeune sorcière se faufila jusqu’à la porte d’entrée et sortit dans le jardin. Émilie de tarderait pas à la rejoindre et, ensemble, elles pourraient passer à la seconde étape de son plan.

vendredi 25 novembre 2011

Chapitre 18 de Limonade - Episode 3

Tandis que la consultation divinatoire se poursuivait au rez-de-chaussée, Anne-Sophie gravit les marches escarpées jusqu’à la chambre sous les combles. Autour de son poignet, le bracelet en argent gravé de symboles magique perdait graduellement de son pouvoir. Avant que les effets de l’enchantement d’invisibilité ne se dissipent, elle le retira pour le glisser dans le sac rond qui pendait contre sa hanche.

Après avoir refermé la porte derrière elle pour ne pas être dérangée, la jeune sorcière porta un regard critique sur le mobilier qui l’entourait. Persuadée que Fabrice était tombé sous l’influence d’un sorcier inconnu, elle avait utilisé les cheveux accrochés à son casque afin de retrouver la trace de l’exorciste amateur. À présent, elle espérait découvrir des preuves de son intuition ou, à défaut, un moyen de se débarrasser de l’importun.

Au premier abord, la pièce dans laquelle elle se trouvait n’avait rien de l’antre d’un magicien. Le désordre du bureau et les dessins accrochés au mur donnaient à la chambre un côté artiste. D’après les livres de cours étalés parmi les croquis, le garçon qui habitait ici n’était qu’en seconde. Selon les étiquettes collées çà et là, ce dernier se prénommait Corentin.

Une sensibilité familière, presque magique, émanait du bric-à-brac qui encombrait le plan de travail. Anne-Sophie sortit une fine poudre de craie de son sac et en jeta une pincée en l’air. Malgré les paroles magiques qu’elle prononça, la poussière blanche se dispersa dans l’air.
— Aucun objet de pouvoir ! Mais ce n’est pas possible, pesta la jeune fille.

L’absence d’artefact dans cette chambre la laissa perplexe. Chaque sorcier en possédait au moins un, pour l’aider à canaliser son énergie lors des rituels ou pour amplifier ses pouvoirs.

En examinant les livres qui gisaient au pied du lit, Anne-Sophie obtint néanmoins la confirmation que le dénommé Corentin s’intéressait de près la magie. Plusieurs ouvrages traitaient les propriétés magiques des plantes, et d’autres étaient consacrés aux runes.

mercredi 23 novembre 2011

Chapitre 18 de Limonade - Episode 2

L’apprentie sorcière réprima l’inquiétude suscitée par cette disparition. Elle reporta son attention sur la femme qu’elle était venue consulter. Avec ses longs cheveux noirs striés de blanc et sa tunique ample, Évelyne ressemblait davantage à une bohémienne qu’à une adepte des arts occultes. Son regard clair s’animait cependant d’un éclat trahissant une perspicacité au-delà de celle des personnes ordinaires.
— Tout va bien ? s’inquiéta la voyante.

Au ton de sa voix, Émilie comprit que son interlocutrice ressentait son trouble. Tout en tâchant d’imaginer une explication crédible pour son attitude distraite, elle répondit :
— Oui, oui, marmonna-t-elle, j’ai cru entendre quelque chose dans le jardin.
— Ah, ce doit être Lucifer qui se promène.

Pour être déjà venue, la jeune fille savait que ce nom diabolique appartenait à un chat noir aux yeux d’un vert phosphorescent et aux griffes acérées, un vrai chat de sorcière. Elle esquissa un vague sourire destiné à rassurer la femme qui l’invita à entrer.

Avant de franchir la porte, Émilie se remémora les consignes qu’Anne-Sophie lui avait répétées durant tout le trajet. Elle devait retenir la voyante dans son salon pendant une demi-heure, puis repartir en s’efforçant d’avoir l’air naturel. L’emploi d’une formule de silence devant le portillon avait été un ajout de dernière minute de la part de sa compagne, mais jamais il n’avait été question que celle-ci disparaisse.

Un dernier regard au jardin désert assura à la jeune fille qu’elle se retrouvait seule. Elle hésita à rebrousser chemin, puis, finalement, s’engagea dans le couloir baigné d’une lueur orangée.

Au moment de refermer la porte, le battant buta sur quelque chose.
— Laisse-la ouverte, souffla une voix désincarnée semblable à celle qu’Anne-Sophie prenait pour chuchoter ses ordres lors des cérémonies.

Un courant d’air tiède frôla le bras d’Émilie. Affolée, elle le ramena précipitamment contre sa poitrine.
— Anne-So, tu es là ?
— Chut !

L’expression impérieuse pouvait sans mal être attribuée à la sorcière bien que celle-ci soit invisible. Un miroitement de l’air à l’endroit d’où provenait la voix signalait sa présence malgré le sortilège qu’elle employait pour ne pas être vue. Émilie perdit le phénomène optique de vue au détour de l’escalier menant à l’étage.

Déçue du manque de confiance témoignée par Anne-Sophie, elle la laissa à ses activités mystérieuses et pénétra dans le salon. Déjà installée dans son fauteuil, Évelyne Pomarec avait étalé les arcanes de tarot sur la table devant elle.
— Vous n’auriez pas plutôt des runes ? demanda Émilie.

lundi 21 novembre 2011

Chapitre 18 de Limonade - Episode 1

Au moment de pousser le portillon encadré d’hortensia au feuillage doré, les deux filles échangèrent un regard lourd de sens.
— Il est temps de régler les choses à notre manière, déclara Anne-Sophie.
— Oui.

Sa compagne, plus jeune de deux ans, baissa les yeux vers le goudron à ses pieds. Elle s’agenouilla sur le trottoir et, à l’aide d’une craie blanche, traça une série de runes. Une onde de pouvoir parcourut son bras avant d’imprégner les symboles dessinés devant le portail.
— Silence, imposa-t-elle aux runes avant de s’engager dans le jardin.

Lorsqu’Émilie posa le pied sur l’allée recouverte de gravillons, les pierres n’émirent pas le moindre crissement.
— Ça a marché, dit-elle en se retournant vers sa compagne, une étincelle de fierté dans les yeux.
— Bien sûr que ça a marché, je te rappelle que je t’ai donné mon amulette.

La sécheresse de cette réponse serra le cœur de l’adolescente. En temps normal, elle manquait de talent pour insuffler sa volonté aux runes. Le don d’Anne-Sophie lui en donnait désormais la capacité, mais ce cadeau avait un prix : accompagner cette dernière chez une voyante, et, bien sûr, garder cette petite aventure secrète.

Ce fut sur ces pensées qu’elle s’avança à travers le carré de verdure qui séparait le pavillon de la rue Courteline. De part et d’autre de l’allée, la pelouse était recouverte d’un tapis de feuilles mortes allant du jaune pâle au brun, en passant par le rouge écarlate de la vigne vierge dont les vrilles grimpaient le long des murs. Comme laissé à l’abandon, le jardin se parait des couleurs de l’automne.

Distraite de son observation des lieux par un picotement désagréable sur sa nuque, Émilie hâta le pas. Sans un bruit, ses mocassins écrasèrent les feuilles sèches accumulées contre les marches du perron. Alors qu’elle pressait le bouton de la sonnette, une vibration semblable à celle qu’elle avait ressentie en traçant les runes fusa dans son dos.

La jeune fille s’apprêtait à se retourner lorsque le battant s’ouvrit.
— Excuse-moi Émilie, commença la voyante sur le seuil, je ne t’avais pas entendue arriver.

Intriguée qu’Évelyne Pomarec s’adresse exclusivement à elle, Émilie jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. À l’exception de la chute des feuilles, aucun mouvement n’agitait la pelouse envahie d’herbes folles ; Anne-Sophie s’était volatilisée.

vendredi 11 novembre 2011

Les 8es rencontres de l'imaginaire de Sèvres

Cette année, j'ai l'occasion de donner un coup de main à l'association Transition sur leur stand des huitièmes rencontres de l'imaginaire qui se dérouleront à Sèvres (près de Paris) le samedi 10 décembre. Je serais donc présente sur le salon pour tenir compagnie aux membres de l'association et vendre des fanzines.

Personnellement, je compte bien en profiter pour me procurer les derniers numéros d’Éveil et de Pénombre. Vous pourrez donc vous attendre à un compte-rendu de mon premier salon de littérature côté exposant, en attendant de faire des dédicaces pour Limonade, et aux critiques des fanzines durant le mois de décembre.

Si vous voulez-vous faire une idée de Transition et de ses publications, leur site a été amélioré récemment (Transition, l'autre réalité) et le forum d'Actu SF donne des informations utiles (les rencontres de l'imaginaire 2011).

mercredi 9 novembre 2011

Le protectorat de l’ombrelle : Sans forme


Une fois n’est pas coutume, je n’ai pas attendu des mois et des mois avant de lire ma dernière acquisition en date : Sans forme, le second tome du protectorat de l’ombrelle. Il s’agit donc du deuxième volet des aventures d’Alexia, qui entretemps a pris le nom de son époux, rédigé par Gail Carriger.

Pas de réels changements depuis le premier tome de la série, l’intrigue est très linéaire et souffre d’une atmosphère bardée de clichés. Les interactions entre les personnages apportent un rythme certain et les rebondissements s’enchaînent à grande vitesse. J’ai néanmoins applaudi l’apparition d’une ombrelle toute neuve, bardée de gadget digne de James Bond (et pour le coup, un brin exagérée) et certains personnages très sympathiques, parmi lesquels une inventrice française et une momie. A mon grand regret, le côté Egypte Ancienne n’a pas été exploité en profondeur et le voyage en dirigeable m’a semblé bien longuet.

C’est d’ailleurs un reproche récurent concernant la plupart des aspects de ce roman : l’auteur se contente de survoler son univers et ses personnages qui, à de rares exceptions, manquent de relief. Pourtant, à travers les éléments qui apparaissent au détour d’un dialogue ou d’une description, l’auteur laisse à penser qu’elle a créé un univers original. Dommage, qu’elle ait une tendance marquée à la rétention d’information.

Je déplore aussi la non-résolution de certains détails qui ne se justifie que par la nécessité d’attiser l’envie des lecteurs d’acheter de tome suivant. Je dois reconnaître que cette technique marche plutôt bien, mais je trouve cela assez déloyal en fin de compte. A mon avis, Le protectorat de l’ombrelle a bien assez de potentiel pour accrocher un public autrement qu’avec des ficelles aussi grossières, et pas toujours très cohérentes.

Je vous laisse juger d’après la quatrième de couverture écrite sur le même ton que le précédent opus :
« Miss Alexia Tarabotti est devenue Lady Alexia Woolsey.
Un jour qu’elle se réveille de sa sieste, s’attendant à trouver son époux gentiment endormi à ses côtés comme tout loup-garou qui se respecte, elle le découvre hurlant à s’en faire exploser les poumons. Puis il disparaît sans explication… laissant Alexia seule, aux prises avec un régiment de soldats non-humains, une pléthore de fantômes exorcisés, et une reine Victoria qui n’est point amusée du tout.
Mais Alexia est toujours armée de sa fidèle ombrelle et des dernières tendances de la mode, sans oublier un arsenal de civilités cinglantes. Et même quand ses investigations pour retrouver son incontrôlable mari la conduisent en Écosse, le repère des gilets les plus laids du monde, elle est prête ! »

Pour finir, je n’irais pas jusqu’à affirmer que ce roman m’a déçue. Cependant, il n’en reste pas moins que, une fois l’effet de surprise passé, l’auteur ne parvient pas donner une profondeur suffisante à cette série. J’attends cependant de mettre la main sur le troisième tome pour être fixée.

lundi 7 novembre 2011

Sometimes, I'm a dragon too...


Voilà, après près d'un an de silence, je parasite une nouvelle fois le limo-blog! Pas de film, mais un livre, again! (Si vous vous demandez si j'ai un problème avec Batman, ma réponse est: "Pas du tout.")

Et donc en cette heure avancée de la nuit , je vais parler d'une petite perle que j'ai lu il y a quelques mois de celà.


Dragon déchu, de Peter Hamilton . Hummm! De la SF spatiale comme on les aime , avec tout pleins de vaisseaux, de nanotech, de nouvelles colonies et de space invaders (qui ne sont pas ceux que l'on croit) dedans! So yummy!

Bon, avant de donner mon avis, un petit résumé, histoire de vous mettre à l'aise.

"Au XXIVe siècle , à l’aide de la technologie des trous de vers , l’humanité a colonisé plusieurs dizaines de systèmes planétaires, dans un rayon d'une centaine d'années - lumière autour de la Terre. Les voyages intersidéraux coûtant très chers, ceux-ci sont devenus le monopole de grandes compagnies. Mais ces compagnies ne retrouvant pas de bénéfice dans la colonisation , le commerce interstellaire étant pénalisé par les coûts prohibitifs des voyages, la colonisation est arrêtée dès 2285.
En cette fin du XXIVe siècle, les compagnies, comme la compagnie Sino-Australienne Z-B, Zantiu-Braun, procèdent à des opérations de « retour sur investissement », consistant en des expéditions militaires de pillage plus ou moins légal sur les planètes colonisées.
Sur la planète Amethi, Lawrence Newton , adolescent et fils d’un des principaux personnages de la planète, ne rêve que de devenir capitaine de vaisseau spatial . Après une trahison qui le hantera toute sa vie , il s’enfuit de son monde natal à la poursuite de son rêve.
Vingt ans plus tard, il est devenu sergent de Zantiu- Braun, ayant échoué à devenir pilote de vaisseau.
Devenu cynique au fil des ans, Lawrence décide de profiter de ce qui est sa seconde mission sur la planète Thallspring pour réaliser son propre retour sur investissement , en exploitant une richesse ignorée de la société.
Cependant, la campagne sur Thallspring se passe beaucoup moins bien que prévu pour Zantiu-Braun, et Lawrence se retrouve impliqué dans un conflit entre deux groupes antagonistes."


Cela vous a-t-il intrigué? Et bien moi, oui. Certes, le titre n'y est pas pour rien ( comment ça, moi? une fixette sur les dragons? tssss!), et le fait qu'on puisse mettre un dragon dans de la SF m'a vraiment titillé la curiosité.

J'ai... tout de suite accroché , ou presque . C'est quand même un petit pavé de près de 950 pages. Le personnage principal est un sergent désabusé, avec un vieux rêve qui, on l'apprend au fur et à mesure des chapitres, n'en est plus vraiment un. Je ne tiens pas à spoiler, donc je ne dirais rien à part:
Lisez le!

Vraiment, c'est bien écrit, avec une ou deux longueurs que l'on pardonnera très facilement au vue des scènes d'actions très bien décrites. Les personnages sont complets, aussi détestables, cyniques, arrogants ou paumés soient- ils. La trame est merveilleusement bien faite, tous les fils se mettent en place pour un final qui m'a fait répéter pendant une dizaine de minutes "Très bien, vraiment très bien!" et c'est vraiment très rare . Mon dernier coup de coeur de cette envergure fut pour les salauds gentilshommes et ce cher Locke Lamora (si Loutre n'en a pas déjà parlé, je blablaterais deux mots dessus un jour!).

Enfin bref, un grand hourra pour Hamilton, et ses autres livres vont bientôt rejoindre ma bibliothèque personnelle.

Jean Charles, pseudo-drake bibliophage, will be back!.

vendredi 4 novembre 2011

Chapitre 17 de Limonade - The end

En dépit d'une mise à jour aléatoire, ce chapitre 17 a fini par être mis en ligne dans son intégralité. Pour mémoire, il a commencé ici, et sur un suspense insoutenable. J'ose espérer que les mystères laissés par le chapitre 16 ont trouvé une réponse satisfaisante.

Le chapitre 18 est actuellement en cours d'écriture, mais j'ai quelques chroniques de livres qui attendent. Il y a aura donc une interruption d'une semaine ou deux, le temps de prendre de l'avance sur le roman et de vous faire partager mes coups de cœurs littéraires du moment.

mercredi 2 novembre 2011

Chapitre 17 de Limonade - Episode 11

Après avoir épuisé sa panoplie de mimiques, Corentin s’adossa contre un rayonnage.
— Sur le moment, je me suis juste senti bizarre, un peu comme si j’allais m’endormir debout. J’ai essayé de me pincer pour rester éveillé, mais ça ne marchait pas. C’est à ce moment que j’ai compris que ma vision était bonne, et que j’avais été stupide de refuser d’y croire.

La gorge sèche, l’adolescent toussota dans son poing, puis poursuivit :
— J’étais dans le bus, alors je ne pouvais pas faire grand-chose. Je me suis focalisé sur la sensation et j’ai essayé de me concentrer pour la faire partir, pour que la torpeur disparaisse. A ce moment, je ne savais même plus pourquoi je faisais ça, mais j’ai continué. Et puis tout à coup, j’ai senti comme une vague de chaleur à l’intérieur de moi.

Le retour du libraire interrompit le récit.
— Vous avez de la chance, dit-il aux deux garçons. Il m’en reste juste un exemplaire de chaque. Lequel voulez-vous ?
— Je ne sais pas trop, hésita Corentin, je peux les feuilleter pour comparer ?
— D’accord, mais faites-y très attention.

Avec précaution, il prit les deux ouvrages des mains du libraire.
— Comment tu comptes trouver le bon ? s’enquit Fabrice.
— Au hasard, en général ça marche plutôt bien.

En guise de démonstration, Corentin ouvrit chacun des volumes en plein milieu. Sur l’un, il tomba sur une double page consacrée aux substances censées préserver des pertes de mémoire et, sur l’autre, un laïus incompréhensible sur la structure électrique du cerveau.
— Je pense qu’on va prendre La magie des minéraux et des végétaux, trancha l’apprenti magicien.

Alors que le libraire replaçait l’ouvrage non-retenu dans le rayonnage, les yeux bleus de Corentin se figèrent sur la couverture d’un roman. Suivant le regard de son ami, Fabrice prit le livre pour l’observer.
— C’est ça qui te met dans un état pareil ? Le golem, mythe ou réalité.

Un hochement de tête nerveux lui répondit alors que le benjamin se détournait.
— J’ai un mauvais pressentiment, avoua-t-il d’une voix blanche, très mauvais.

lundi 31 octobre 2011

Chapitre 17 de Limonade - Episode 10

Dès que le libraire eut quitté les lieux, Fabrice se tourna vers son ami. Un demi-sourire éclairait son visage lorsqu’il demanda :
— Tu ne m’as toujours pas raconté comment Gwen a fait pour t’empoisonner.
— Mais si je te l’ai dit, elle a versé une potion d’oubli dans mon thé.

L’adolescent soupira ostensiblement lorsque le visage de Corentin se rembrunit. Cette réaction lui apporta la certitude que ce dernier ne lui avait pas raconté toute l’histoire.
— Merci, ça j’avais compris.
— Ben alors, pourquoi tu…
— Ce que je veux savoir, l’interrompit-il d’une voix assez forte pour couvrir ses protestations, c’est dans quelles circonstances c’est arrivé. Tu m’avais dit que tu ne la voyais plus depuis la rentrée.
— Elle m’a envoyé un mail, concéda le benjamin du bout des lèvres.
— Et c’est tout ?

En désespoir de cause, Corentin finit par relater ses retrouvailles avec Gwenaëlle en passant sous silence leur conversation en dehors du café. A mesure qu’il parlait, le sourire de son compagnon s’élargit.
— Mais pourquoi tu te marres ?
— Tu avais un rencard avec Gwen !
— Non, c’était un piège, pas un rencard ! Et puis, je te rappelle que c’est ton ex, tu ne devrais pas avoir l’air aussi content pour moi.

Fabrice haussa les épaules. En vérité, il se sentait soulagé que son ami parvienne à tirer ses sentiments pour la jeune fille au clair. Cela atténuait sa culpabilité de l’avoir abandonnée juste avant les vacances alors que deux des membres de sa famille venaient d’être hospitalisés.

Un point demeurait cependant obscur à ses yeux.
— Dis-moi, comment tu as découvert qu’elle avait ajouté quelque chose dans ton verre ?
— J’ai eu une vision.
— Je sais, mais tu m’as aussi raconté que tu n’as pas cru à cette prémonition.

En fin de compte, faire passer Corentin aux aveux se révélait bien plus drôle que Fabrice ne l’aurait imaginé. Bien que ce soit inconscient, son ami faisait tout un cinéma, regard fuyant, rouge aux joues et autres trémoussements, lorsqu’il le questionnait sur des sujets inconfortables.

vendredi 28 octobre 2011

Chapitre 17 de Limonade - Episode 9

En descendant de moto devant la Table d’Hermès, la libraire ésotérique dont le site Internet assurait la présence des ouvrages sur la mémoire, les deux garçons eurent un temps d’hésitation.
— Je ne m’attendais pas vraiment à ça, commença Corentin.
— Moi non plus, renchérit son ami, étonné de la présence d’un présentoir dédié au régime Okinawa juste derrière la vitrine.

Malgré son étonnement, Fabrice franchit la porte en premier. L’odeur d’encens et de tisane qui flottait dans la boutique était si intense qu’elle en devenait écœurante. Ce parfum aurait davantage convenu à une cave obscure qu’à la pièce où il se trouvait.

Au premier plan, une nuée d’ouvrage de diététique promettait une vie plus saine grâce aux plantes tandis qu’une étagère croulait sous les plantes en sachets et les produits d’artisanat tibétain.
— Soyez les bienvenus, le salua depuis le comptoir un homme d’une quarantaine d’année au visage mangé d’une barre poivre et sel.

Vaguement intimidé par le regard méprisant du libraire, l’adolescent marmonna une réponse vague avant de s’enfoncer entre les rayonnages de livres. Lorsque Corentin le rejoignit au fond de la pièce, il ne put s’empêcher de persifler à voix basse :
— Et dire que tu avais peur de tomber sur un repaire de New-Age.
— Chut ! On est venu ici pour les bouquins.

Ravalant ses sarcasmes, Fabrice commença à parcourir les tranches des livres alignés sur tout un pan de mur. Bien que les titres présentés soient davantage portés sur l’occulte que ne le laissait penser la devanture de la boutique, les ouvrages qu’ils cherchaient restaient invisibles.
Le pouvoir des runes, c’est pas un truc qui pourrait t’intéresser ?
— Si, répondit son compagnon en retournant le livre en question, mais il est largement hors de mes moyens.

Avec une expression à la fois méfiante et curieuse, le libraire surveillait les deux adolescents occupés à fouiner parmi sa bibliothèque.
— Vous cherchez quelque chose ? demanda-t-il sans conviction.
— Oui, répondit Corentin en sortant la liste de sa poche. Vous auriez La résilience mémorielle ou La magie des minéraux et des végétaux ?

Devant le regard surpris de son interlocuteur, il ajouta :
— C’est pour l’anniversaire de ma tante, elle est passionnée par tous ces trucs.
— Je vais aller voir si j’en ai encore en réserve.

mercredi 26 octobre 2011

Chapitre 17 de Limonade - Episode 8

La négligence avec laquelle Corentin avait jeté le livre sur l’oreiller en disait long sur le manque d’intérêt de son contenu. Le titre en paraissait pourtant prometteur : Influence des plantes sur la mémoire.
— Tu n’as rien trouvé là-dedans ? demanda son compagnon.
— Non, ils expliquent plus ou moins quels sont les ingrédients à mettre dans une potion et leurs effets. Sauf qu’ils n’expliquent pas comment c’est possible d’y résister.
— Et tu as une autre piste ?

Après un hochement de tête affirmatif, l’adolescent quitta le lit pour ramasser un morceau de papier sur son bureau. Il gribouilla l’une des lignes, puis le tendit à Fabrice.
— Je suis allé faire un tour sur le net, expliqua-t-il, et j’ai trouvé une liste de livres en rapport avec les sortilèges et les élixirs d’oubli.

A son tour, Fabrice examina les titres énumérés sur la feuille.
— Il reste juste deux livres, La résilience mémorielle et Du souvenir à l’oubli, la magie des minéraux et des végétaux que tu n’as pas barré. Tu as lu tous les autres ?
— Oui, et mes recherches n’ont pas été concluantes, soupira Corentin.

D’un regard las, il balaya les ouvrages éparpillés au pied de son lit et sur son bureau.
— J’ai peur que ce soit encore des trucs New-Age…
— Mais s’il y a des infos utiles, tu vas en avoir besoin.

Cette perspective sembla insuffler un peu d’optimisme dans la carcasse dégingandée de l’adolescent. Celui-ci se mit à faire les cent pas dans sa chambre jusqu’à ce que son ami l’arrache à ses réflexions.
— Je suppose que ce n’est pas le genre de bouquins qu’on trouve à la bibliothèque.
— Non. Une librairie dans le centre est sensé en avoir et…
— Je t’y emmène, l’interrompit Fabrice, impatient de se rendre enfin utile.

lundi 24 octobre 2011

Chapitre 17 de Limonade - Episode 7

Un sourire un brin vengeur retroussa la bouche de Corentin.
— De toute façon, je n’avais pas vraiment envie de l’aider, celui-là.
— Sur ce point, on est d’accord !

Plutôt que de laisser la glace se reformer entre eux, Fabrice prit son courage à deux mains.
— J’ai pas non plus été très sympa avec toi. Je n’aurais pas dû parler de tes dessins aux autres.
— C’est pas important…
— Alors qu’est-ce que tu trouves important ?

La question, prononcée sur un ton vibrant d’incompréhension et de colère, fit écarquiller les yeux de l’adolescent. La légère rougeur qui entourait l’iris bleuté de Corentin trahissait des larmes contenues. Il se moucha en silence, puis ramena ses genoux contre sa poitrine.

— Mais, qu’est-ce qui s’est passé ? s’inquiéta Fabrice devant une détresse aussi visible.
— Gwen est vraiment une sorcière, hoqueta son ami.

Au lieu de l’enfoncer en affirmant qu’il s’agissait d’une évidence, l’adolescent lui posa une main sur l’épaule. Il aurait pourtant voulu faire davantage, mais un sentiment de gêne l’en empêchait.
— Elle a essayé de m’empoisonner, continua Corentin en étouffant ses pleurs.
— Comment ça !
— J’ai une vision d’elle en train de verser une potion dans mon thé, mais j’ai pas voulu y croire…
— Et tu as bu la potion ?

Effondré, Corentin hocha la tête.
— Pourtant, tu n’es pas malade ?
— Non, c’était pas un poison. Gwen voulait juste que j’oublie tout ce qu’elle m’avait raconté.

La crise de larmes étant passée, Fabrice s’écarta de son ami. Bien qu’il se réjouisse que son compagnon ait fini par admettre la vérité sur Gwenaëlle, son chagrin faisait peine à voir. Un point restait néanmoins en suspend.
— Comment tu te souviens ce qu’elle a fait si tu as bu sa potion d’oubli ?
— Je ne sais pas, c’est pourquoi j’étais en train de chercher une réponse dans les livres de ma tante.

vendredi 21 octobre 2011

Chapitre 17 de Limonade - Episode 6

De plus en plus surpris, le nouveau venu s’efforça de gommer le masque d’étonnement qui déformait ses traits. Prenant un air dégagé, il entra dans la chambre de Corentin.
— C’est un truc de famille ? demanda-t-il.
— Quoi ?
— Deviner qui est derrière la porte.

Corentin replia ses longues jambes qui occupaient tout l’espace de son lit.
— Ta moto fait un boucan de tous les diables. On l’entend venir de loin, et l’escalier grince.
— Ok, j’ai compris.

Mine de rien, Fabrice dut admettre qu’il était un peu déçu qu’aucune magie ne soit à l’œuvre. Il se laissa tomber aux côtés de son ami sur la couette bleue aux motifs géométriques.
— Fais attention au chat, l’avertit ce dernier.

La mise en garde arriva cependant trop tard. Le renflement sous les couvertures émit miaulement indigné avant de se frayer un passage jusqu’au pied du lit.
— Ca lui apprendra, à cette sale bête, maugréa Fabrice qui n’avait pas échappé à un coup de griffes.

La sale bête en question feula à l’attention de l’intrus, puis s’enfuit par la porte entrouverte.
— Qu’est-ce que tu veux ? s’enquit Corentin en reposant sur l’oreiller le livre qu’il était en train de lire.
— M’excuser pour hier.
— Oh, c’était pas si important.

La désinvolture de l’adolescent ressemblait davantage de l’abattement qu’à de l’indifférence. Curieux d’en connaître la cause, Fabrice insista :
— Quand même, tu t’es fait salement insulter par mon pote.
— Je ne suis pas sûr qu’il pensait vraiment ce qu’il m’a dit. Il y avait une ombre sur lui.
— Tu veux exorciser Moucky ? demanda-t-il, incrédule.

Surpris par le ton de sa voix, Corentin le dévisagea.
— Tu penses que ça serait une bonne idée ?
— Non !

Plus que de faire subir une douche froide à son ancien acolyte, Fabrice craignait que davantage de magie ne répandre des rumeurs déplaisantes sur son ami. Une pointe de jalousie venait se mêler à son inquiétude pour la réputation du garçon.

mercredi 19 octobre 2011

Chapitre 17 de Limonade - Episode 5

L’adolescent avait moins de mal à feindre la colère que l’indifférence. Les sentiments d’Anne-So à son égard étaient évidents et il culpabilisait de les utiliser de la sorte. Il s’était cru assez fort pour arriver à obtenir davantage d’informations sur le fameux club d’histoire et son professeur, mais il n’avait plus le courage de continuer ainsi.

Abandonnant là sa compagne, Fabrice dévala les marches du palais sans un regard en arrière. Il courut presque pour récupérer sa moto, puis se hâta de démarrer. Avec un vrombissement agressif, son véhicule se faufila dans les rues encombrées du centre-ville.

Alors qu’il approchait de l’embranchement en direction de Saint-Jacques, Fabrice hésita. Si rentrer maintenant chez lui revenait à passer une soirée de plus à ruminer son sentiment de culpabilité, il préférait encore rester à Rennes. Il réalisa alors que, en dépit de ses intentions, il n’avait toujours présenté aucune excuse à Corentin pour son comportement de la veille.

D’un coup de volant, il quitta la voie de sortie pour se diriger vers la rue Courteline. Grace à l’habitude, il trouva tout de suite où se garer devant le domicile de la tante de son ami. Pourtant, au moment de sonner à la porte, il s’interrogea sur le bien fondé de sa venue. Après tout, il risquait de déranger les occupants du pavillon.

En guise de réponse, la porte d’entrée s’ouvrit sur la silhouette fine d’Evelyne.
— Mais entre donc Fabrice ! Tu ne vas pas rester planté ici toute l’après-midi.

Impressionné malgré lui, l’adolescent traversa le jardin et referma la porte derrière lui.
— J’avais peur de vous déranger, s’excusa-t-il auprès de la voyante qui, une tasse de café à la main, le regardait en souriant.
— Je ne travaille pas le dimanche, et mon neveu est déjà rentré. Je suppose que c’est lui que tu es venu voir.

Fabrice acquiesça, puis monta directement jusqu’au grenier. Il arriva essoufflé devant la porte close de la chambre de son ami.
— Tu peux entrer, cria celui-ci depuis l’intérieur de la pièce.

lundi 17 octobre 2011

Chapitre 17 de Limonade - Episode 4

La voix de sa compagne ramena immédiatement Fabrice à ses préoccupations initiales.
— Le sortilège peut être brisé. La preuve, même un amateur a réussi à te libérer de son emprise.

L’adolescent se garda bien de la contredire. Il avait la nette impression que, tant que les sorcières du lycée Notre Dame ignoraient l’existence de Corentin et ses pouvoirs, son ami aurait plus de chances de les tenir à distance.

Ravalant ses scrupules, il incita Anne-Sophie à en révéler davantage :
— C’est pas un banal charme d’amour que Gwen a utilisé sur moi. Entortiller deux mèches de cheveux ou écrire un prénom sur un bout de papier, c’est des conneries.
— Oui, elle a utilisé de la vraie magie.
— Comment tu sais tout ça ?

À nouveau, la jeune fille rougit et bafouilla :
— Je l’ai entendu en parler avec sa copine, Émilie. Je ne savais pas ce qu’elles préparaient.

Même si l’innocence d’Anne-So ne faisait aucun doute pour lui, Fabrice haussa un sourcil interrogateur. Si sa compagne avait utilisé un sortilège d’amour sur lui, elle se serait assurée d’en être la bénéficiaire.
— C’est sûr que c’est trop bizarre, gloussa-t-elle. De la vraie magie, c’est n’importe quoi !
— Dommage, répliqua l’adolescent avec une expression grave, je commençais à y croire.

Sur ses mots, il dégagea sa main de l’étreinte de la jeune fille. En silence, il se leva du banc, ramassa les deux casques posés sur le sol et s’apprêta à retrouver sa moto.

Toujours assise, Anne-Sophie lui jeta un regard effaré.
— Attends ! lui cria-t-elle avant qu’il ne sorte de la galerie.

Plusieurs personnes la dévisagèrent, l’air tantôt intrigué et tantôt moqueur, quand elle se leva en vitesse pour rejoindre Fabrice. Sa démarche maladroite et le claquement sec de ses talons firent naître quelques sourires sur les visages des spectateurs.

Lorsqu’elle arriva à proximité, Fabrice déclara, très calme :
— Tu reproches à Gwen de me mentir et de vouloir me manipuler, mais dans le fond tu es pareille. Tes histoires de sortilèges et de vraie magie, ce n’est qu’un tissu de mensonges.
— Pas du tout !
— Je ne veux plus entendre parler de ça ! Je ne sais pas ce que tu essayes de faire, mais ça ne marche pas avec moi !

vendredi 14 octobre 2011

Chapitre 17 de Limonade - Episode 3

Avant même que l’adolescent ne pose sa première question, la jeune sorcière le prit de vitesse.
— Tu m’as proposé ce rendez-vous uniquement pour récupérer ton casque, ou tu avais autre chose en tête ?
— Je pense que ça ne va pas te plaire, répondit-il dans un soupir, mais je crois que je suis encore amoureux de Gwen.

La ruse de Fabrice fonctionna au-delà de ses espérances. Anne-Sophie bondit sur ses pieds, les poings serrés par la colère.
— Mais tu n’as pas encore compris qu’elle se sert de toi !

Il répondit à cette accusation par un regard triste et vaguement interrogateur.
— Pourquoi elle ferait ça ?
— Parce que c’est une petite garce ! Dès qu’elle apprend quelque chose, elle l’utilise pour faire du mal, pour gagner en pouvoir !

Fabrice se permit un léger sourire. D’une main, il saisit le bras de sa compagne pour l’inciter à se rasseoir.
— Anne-So, je ne comprends rien du tout à ce que tu racontes…
— Souviens-toi, bon sang ! Au téléphone, tu m’as dit que tes sentiments pour Gwen avaient disparu quand ce garçon bizarre t’avait jeté un sort.
— J’ai pas envie de parler de ça, se plaignit l’adolescent, sincèrement inquiet à l’idée de mêler Corentin à cette affaire.

Anne-Sophie lissa les plis de sa jupe, puis elle déposa sa bourse sur ses genoux.
— Écoute-moi bien, parce que ce je vais te raconter est un secret, commença-t-elle en baissant la voix. Je suis presque sûre que Gwen a utilisé un charme d’amour sur toi.

Imitant l’air ébahi de circonstance, Fabrice plongea ses yeux dans ceux de la jeune fille. Sur le coup, il n’avait pas réalisé qu’elle avait pris sa main dans la sienne, mais des ongles vernis s’enfonçaient désormais dans sa peau. Désireux de ne pas rompre le fil de confidence, il serra les dents et resta immobile.

Vus de l’extérieur, lui et Anne-So devaient sembler en plein flirt. Cette scène avait pourtant quelque chose d’improbable sous les dorures majestueuses et les murs austères de la galerie des pas perdus.

mercredi 12 octobre 2011

Chapitre 17 de Limonade - Episode 2

Une fois arrivé en haut de l’escalier, Fabrice se retourna pour observer la jeune fille avec davantage d’attention. Il ne devait pas perdre de vue que, bien qu’il la connaisse depuis des années, Anne-So était devenue une sorcière. La chaleur qui émanait de l’attrape-rêve de Charline contre son torse en était une preuve suffisante.

La tenue qu’elle avait revêtue pour leur rendez-vous ressemblait beaucoup à l’uniforme du lycée Notre-Dame, à la différence de sa couleur. Au lieu du bleu marine et du blanc cher à l’établissement catholique, elle ne portait que du noir. Des plis de sa jupe au col rond de son chemisier, aucun de ses habits ne dérogeait à cette règle, pas même le sac à main en forme de bourse qui rebondissait contre sa hanche.

En constatant qu’il la regardait avec intensité, Anne-Sophie battit des cils.
— Tu t’habilles toujours en noir ? demanda l’adolescent.
— Oui, c’est ma couleur préférée.

Fabrice se promit de questionner Corentin à propos de la symbolique des couleurs en magie, mais il avait déjà l’impression de connaître sa réponse. De la même façon, il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter du contenu du sac de sa compagne. La manière dont elle le couvait du regard lui faisait craindre le pire et il n’avait nulle envie de se retrouver engagé dans une seconde relation d’origine surnaturelle.

Le temps qu’ils franchissent les lourdes portes ouvragées du palais du parlement, ses pensées avaient retrouvé toute leur cohérence. Il avait choisi de revoir Anne-So afin d’en apprendre davantage sur Gwenaëlle et le cours de magie du lycée Notre-Dame.

Dès qu’ils furent à l’intérieur, Fabrice se laissa guider vers un banc situé sous l’une des hautes fenêtres de la salle des pas perdus. Bien qu’une faible lumière filtre des nuages, les ors de la galerie étincelaient.

lundi 10 octobre 2011

Chapitre 17 de Limonade - Episode 1

Moins d’une heure après le départ de Corentin, Fabrice prit congé de Charline et de Jérôme, son jeune frère. Les oreilles encore remplies des couinements électroniques du jeu de combat sur console auquel il avait joué avec Jérôme, il serrait entre ses doigts l’attrape-rêve réalisée par la jeune gothique. Comme elle le lui avait recommandé, il passa la lanière de cuir par-dessus son cou et glissa le pendentif sous son tee-shirt, le cercle de bois en contact avec sa peau.

Avec quelques minutes de retard, il arriva sur la place devant le palais du parlement. Sur les marches qui menaient à l’édifice, il reconnut la silhouette longiligne d’Anne-Sophie et il adressa un signe de la main. Elle le rejoignit aussitôt sur le bord du trottoir, un casque de moto éraflé à la main.
— Super ! s’exclama Fabrice avec une joie feinte. Tu as pensé à prendre mon casque.

Peu enthousiaste à l’idée de rester en extérieur sous un ciel lourd, il proposa à la jeune fille d’aller s’abriter à l’intérieur du bâtiment. Il laissa donc sa moto dans une rue perpendiculaire de peur que l’un des agents en patrouille devant de palais ne vienne confisquer son véhicule.

Fabrice eut tout juste le temps de boucler son antivol avant qu’Anne-So ne se mette à parler. Par chance, elle n’aborda aucun sujet en rapport avec la magie.
— Qu’est-ce que tu deviens depuis le collège ? demanda-t-il pour gagner du temps.
— Eh bien, je suis entrée à Notre-Dame, et maintenant je suis en terminale Eco.
— C’est vrai que tu as toujours été très forte en histoire.

La remarque accidentelle de l’adolescent eut un résultat inattendu. Les joues d’Anne-Sophie prirent une teinte cramoisie tandis que le reste de son visage demeurait blanc. Elle trotta un moment sur les pas de Fabrice sans autre son que le claquement des talons de ses bottes sur les dalles de l’esplanade.

dimanche 9 octobre 2011

Chapitre 16 de Limonade - The end

Encore un chapitre de Limonade supplémentaire qui vient de s'achever, ce qui amène le pourcentage d'avancée du roman à deux tiers. Il me reste donc huit chapitres à écrire avant de vous livrer les ultimes rebondissements de cette aventure.

En attendant, le chapitre 16 débute ici et, dès lundi prochain, vous aurez le premier épisode du chapitre 17.

lundi 3 octobre 2011

Chapitre 16 de Limonade - Episode 10

L’adolescent tâcha de remettre dans l’ordre dans ses pensées. Il ne parvenait pas accorder de crédit à ce qu’il venait de voir : Gwen en train de rajouter quelque chose dans sa tasse. Compte tenu de ses mines de conspiratrice et de la teneur de leur conversation, il aurait dû s’attendre au pire. Cependant, il ne pouvait admettre que son amie essaye de lui nuire. En tout cas, pas après de telles confidences.

— Ce n’est qu’une vision, affirma-t-il à son reflet dans le miroir. Rien ne prouve que Gwen veuille m’empoisonner.

En dépit de toute la conviction qu’il mettait dans ses paroles, Corentin retourna dans la salle avec une boule d’appréhension au creux de l’estomac.

En arrivant à la table, il constata immédiatement que la tasse qu’il avait laissée vide était à présent pleine de thé.
— Il est bon à boire, tu sais, déclara Gwenaëlle avec un sourire d’ange.

Les recoupements entre sa vision et la scène qui se déroulait sous ses yeux achevèrent de plonger Corentin dans l’hébétude la plus complète. Il se rassit en silence, les yeux rivés sur le liquide brun-rouge, puis releva la tête en direction de son amie.

Un seul regard sur le visage de Gwenaëlle suffit à dissiper son appréhension. L’adolescent porta la tasse à ses lèvres et avala d’un trait le thé qu’elle contenait. A son corps défendant, il lui trouva un goût étrange, mais attribua cette saveur âcre aux réflexions qui agitaient son esprit.

Lorsqu’il reposa la tasse sur sa soucoupe, soulagé d’avoir fait le bon choix, il perçut une émotion similaire dans les yeux de son amie.
— Merci de m’avoir crue, dit-elle avec un sourire triste.

vendredi 30 septembre 2011

Chapitre 16 de Limonade - Episode 9

La suite du récit de Gwenaëlle ressemblait comme deux gouttes d’eau aux événements que Charline avait consignés dans son cahier. Cependant, Corentin fit tout son possible pour mémoriser chaque détail de ce que lui racontait son amie.

Entre le laboratoire de chimie détourné pour des cours de potions, la salle de classe sous les toits et les réunions secrètes dans le dortoir à la nuit tombée, il avait désormais un aperçut de la vie que menait Gwenaëlle au lycée Notre-Dame.

À sa joie de retrouver enfin son rôle de confident succéda une pointe d’amertume.
— Pourquoi est-ce que tu ne m’en as pas parlé avant ?
— Je trouvais ça merveilleux ! Arrêter d’être quelqu’un d’ordinaire, devenir maître de son destin…
— Tu n’as jamais été quelqu’un d’ordinaire pour moi.

L’exhalation de Gwen retomba aussitôt. Elle baissa les yeux sur les deux tasses côte à côte sur la minuscule table du café. Gêné de son aveu qui ressemblait fortement à une déclaration, Corentin se leva.
— Je reviens tout de suite.

Attentif à ne pas se prendre les pieds dans les parapluies repliés des autres clients, l’adolescent disparut dans les toilettes. Un début de migraine lui enserrait le crâne comme un étau et sa vision se dédoublait. Pour atténuer la douleur, il s’aspergea le visage d’une giclée d’eau froide.

Derrière ses paupières closes, une nouvelle vision éclata.

Corentin eut l’impression d’être revenu en face de Gwenaëlle. Pourtant, dans le reflet qu’il devinait dans la vitre du bar, la jeune fille était seule. Après avoir jeté un regard à la ronde, elle extirpa une petite fiole de sa poche et en versa deux gouttes dans la tasse vide qui se trouvait devant lui. Ensuite, elle la remplit de thé, ajouta un sucre et mélangea le tout.

L’instant suivant, Corentin se tenait au rebord du lavabo des toilettes, le dos appuyé contre le mur carrelé.
— Mais qu’est-ce qu’elle fabriquait ? articula-t-il avec difficulté.

mercredi 28 septembre 2011

Chapitre 16 de Limonade - Episode 8

Sous l’effet de la surprise, Corentin manqua de renverser la théière placée près de lui. Il la rattrapa de justesse, puis reporta son attention vers son amie.
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— C’est une longue histoire, soupira-t-elle.

La bouche de Gwenaëlle disparut derrière sa tasse. Pendant qu’elle buvait quelques gorgées de son thé, Corentin s’efforça de remettre de l’ordre dans ses pensées. Le moment lui semblait particulièrement mal choisi pour révéler ce qu’il savait à propos du professeur en question.

— Au début de l’année, commença Gwen, je suis allée à un cours d’approfondissement en histoire.
— Tu m’en avais parlé, c’est des trucs sur la mythologie.
— Oui. Le premier trimestre, on a étudié toutes les mythologies, grecques, égyptiennes, nordiques, celtes…
L’adolescent n’eut aucun mal à faire le lien entre la fin de cette énumération et les runes dont Charline lui avait parlé. Pourtant, il résista au désir de montrer ses connaissances et garda le silence.

En face de lui, son amie continua à parler d’une voix de plus en plus nouée :
— Quand on a commencé à voir les runes, les cours ont été l’occasion de faire des expériences. Kaenel nous a montré un très ancien jeu de divination celte, et les prédictions qu’il a faites étaient incroyables.
— Tu veux dire délirantes ?
— Non, elles étaient incroyablement précises. Il a parlé de ma famille.
— C’est un peu normal, il avait dû lire ton dossier.

Cette manifestation de scepticisme valut à Corentin d’être foudroyé par un regard noir.
— Il a dit que j’allais avoir une petite-sœur, avant même que mon père en parle à Ghislain !
— Là, j’avoue que c’est très fort.

Gwenaëlle acquiesça.
— Forcement, j’ai eu envie de comprendre comment il faisait. Et je suis allée aux autres cours…

La voix de la jeune fille mourut dans sa gorge. Impuissant, Corentin vit des larmes perler au coin de ses yeux. Elle les essuya avec sa manche, but une nouvelle gorgée de thé aux fruits rouges et conclut :
— Bref. Grâce aux cours de Kaenel, je suis devenue une sorcière.

lundi 26 septembre 2011

Chapitre 16 de Limonade - Episode 7

Le trajet jusqu’au café le plus proche fut l’occasion pour Corentin de faire preuve de sa maladresse proverbiale. En tout juste un quart d’heure, il réussit à mettre les pieds dans une flaque si profonde que ses baskets en furent imbibées d’eau glaciale, à s’éborgner sur les baleines du parapluie de Gwenaëlle et à trébucher en traversant la salle dans le sillage de son amie.
— Tu es toujours aussi malchanceux, remarqua-t-elle.
— Ça dépend des jours.

Avant de commettre une autre bêtise, l’adolescent se cala au fond de sa chaise et replia ses longues jambes sous la table. Pendant ce temps, Gwen prit possession de la banquette avec des manières fortement semblables à celles de Lucifer. Elle héla un serveur, puis examina la carte avec intensité.
— Qu’est-ce que tu vas prendre ? s’enquit Corentin afin de rompre la glace qui venait de se former un instant plus tôt.
— Un thé.
— Moi aussi.

Ils commandèrent la même chose au serveur qui porta sur eux un regard attendri. Ce dernier soupçonnait probablement un rendez-vous d’amoureux, mais Corentin avait la désagréable intuition que les choses allaient très vite devenir beaucoup plus compliquées.

Sans être capable d’expliquer cette prémonition autrement que par l’attitude tantôt cajoleuse et tantôt distante de Gwenaëlle, il la laissa mener la conversation. Il s’installa dans un mutisme interrogateur tandis que leurs tasses arrivèrent, accompagnées de biscuits à la cannelle et de sucres emballés.

Nullement intimidée, Gwen remplit sa tasse d’un liquide fumant au parfum de fruits rouges. Bien que sa lenteur se révèle crispante pour son vis-à-vis, elle ajouta un demi-sucre à son thé et le remua jusqu’à sa totale dissolution. Enfin, elle releva les yeux vers Corentin avec une moue anxieuse qui suffit à effacer toute méfiance des pensées du garçon.
— J’ai des problèmes avec un professeur du lycée.
— Ah bon, lequel ?
— Mon professeur d’histoire, David Kaenel.

vendredi 23 septembre 2011

Chapitre 16 de Limonade - Episode 6

Le compliment raviva la rougeur qui embrasait les joues de Corentin. Il s’efforça néanmoins de se calmer et reprit d’une voix à peine tremblante :
— Et de quoi voulais-tu parler ?

Au regard de Gwenaëlle, il comprit qu’elle n’était pas encore prête à aborder le sujet. Il se résigna néanmoins à son silence.
— Ça se passe bien dans ton lycée ?
— Oui, si on oublie l’uniforme et la prière quotidienne. Et toi ?
— Pas de prière, pas d’uniforme, c’est le paradis quoi…

Le rire de Gwen évoqua une caresse, ce qui ne fit rien pour atténuer le trouble que Corentin ressentait en sa compagnie. Il était forcé d’admettre que la nature de ses sentiments pour elle n’était plus exactement la même que les années précédentes.

À la dérobée, il jeta un coup d’œil vers elle. Sous son blouson de toile noire, elle portait un pull aux rayures couleur menthe et chocolat et un pantalon en jean délavé. Sa coiffure s’accordait avec la décontraction de sa tenue ; les deux nattes qui prenaient naissance derrière ses oreilles retombaient sur ses épaules.

Tout à son observation attentive de la jeune fille, Corentin tentait de graver chaque détail dans sa mémoire. Elle intercepta soudain son regard et sourit.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il un ton trop haut.

Gwenaëlle éclata de rire à nouveau.
— J’en étais sûre !
— De quoi ?

Elle se percha sur la pointe de ses chaussures pour murmurer à son oreille :
— Tu es amoureux de moi.

Stupéfait par cette affirmation, Corentin ne songea pas pour autant à nier. De toute manière, la satisfaction de Gwen à cette idée lui ôtait toute envie de la contredire.

Ils gardèrent le silence un long moment pendant qu’une pluie drue recommençait à tomber.
— On devrait aller se mettre à l’abri, suggéra Gwenaëlle.

mercredi 21 septembre 2011

Chapitre 16 de Limonade - Episode 5

Le plus gros de l’averse était déjà passé lorsque Corentin se retrouva dans la rue. Quelques gouttes continuaient de tomber sur le trottoir détrempé, mais il lui suffit de remonter sa capuche pour s’en protéger.

Un regard à sa montre apprit à l’adolescent qu’il était presque en retard. Il accéléra l’allure pour attraper un bus en direction de Grand Quartier, puis courut une fois arrivé à destination. Les arbres du square de la Motte se dessinaient de l’autre côté de la route, protégés par de hautes grilles en fer.

Une silhouette blottie sous un parapluie à fleurs jaunes se tenait sur le côté de la porte d’entrée. Sa présence coupa les jambes de Corentin. Dans son dernier message électronique, il avait proposé ce lieu de rendez-vous à Gwen sans trop y croire.

Reprenant le contrôle de ses émotions, le garçon se hâta de traverser la route.
— Salut Cory ! lança-t-elle dès qu’il fut à portée de voix.

Devant la bonne humeur évidente de Gwenaëlle, Corentin sentit son cœur s’affoler. Une désagréable chaleur monta à son visage tandis qu’il l’embrassait sur la joue.
— C’est gentil d’être venu. Avec ce que je t’avais dit dans la forêt, j’avais peur que tu ne fasses la gueule.
— Mais non, Gwen. Tu sais bien que je ne t’en veux jamais.

Le sourire fugitif qui apparut sur les lèvres de la jeune fille trahit sa satisfaction de conserver malgré tout l’affection indéfectible de son ami d’enfance. Pourtant, ses doigts jouaient avec l’une des longues mèches blondes qui encadraient son visage.

Comme elle gardait le silence, Corentin dut se forcer à amorcer la conversation.
— J’avoue que ça m’a surpris que tu demandes à me voir.
— Pourquoi ?
— Tu n’as pas donné de signe de vie depuis la rentrée, et puis tu ne réponds pas à mes messages d’habitude.

Les reproches voilés contenus dans les paroles de l’adolescent glissèrent sur Gwen comme les gouttes sur son parapluie jaune. Elle se contenta d’éluder ces accusations d’un simple haussement d’épaules.
— J’ai besoin de parler à quelqu’un, et il n’y a que toi en qui j’ai confiance.

lundi 19 septembre 2011

Chapitre 16 de Limonade - Episode 4

La résignation de son ami stupéfia Fabrice. Jusqu’à présent, l’apprenti exorciste avait fait preuve d’une détermination sans faille pour aider Gwenaëlle. Même Charline sembla surprise de ce revirement.
— En fait, expliqua Corentin, j’ai l’impression que je ne me pose pas les bonnes questions. Il y a forcement des choses à faire, mais je n’arrive pas à savoir quoi.
— Et comment tu comptes t’y prendre ?

Le ton de Fabrice trahissait une pointe d’amertume. Alors qu’il envisageait quelques heures plus tôt de tout laisser tomber, il n’admettait pas que son complice éprouve des doutes similaires.

Le silence de Corentin et son regard fuyant le firent grincer des dents. Encore une fois, Charline fut contrainte de pacifier les relations entre les deux garçons. Elle jeta un coup d’œil de connivence à Fabrice, puis déclara :
— On te laisse une semaine pour nous dire quel est ton nouveau plan.
— Mon plan ?
— Tu ne peux pas abandonner maintenant, et tu le sais très bien. Tôt ou tard, tu vas avoir une nouvelle idée pour aider ta meilleure amie.
— Et je n’aurais qu’à vous en parler la prochaine fois qu’on se verra ?

La jeune gothique acquiesça.
— La prochaine fois, c’est dimanche prochain, précisa-t-elle. Une copine m’a donné une recette de cookies et j’ai besoin de cobayes pour la tester.
— S’ils sont aussi bons que ton gâteau, je signe de suite !

Plus que la pâtisserie, Fabrice appréciait surtout que Charline exprime à voix haute ses inquiétudes. Bien qu’il soit persuadé qu’elle s’appuyait sur ses talents de divinatrice pour y parvenir, sa compagnie devenait précieuse.

Soudain, Corentin se leva de table.
— Désolé de devoir partir si vite, s’excusa-t-il, mais je n’avais pas prévu de rester aussi longtemps.
— Tu as un rendez-vous ? s’enquit Charline avec un sérieux glacial.

L’adolescent hocha la tête.
— Je n’aimerais pas être en retard.

Sur ces mots, il salua ses deux amis et quitta l’appartement.

vendredi 16 septembre 2011

Chapitre 16 de Limonade - Episode 3

Les deux garçons échangèrent un regard peiné, chacun regrettant les paroles prononcées lors de leur malheureuse dispute de la veille. Ils restèrent néanmoins muets jusqu’à l’intervention de la gothique armée de son gâteau au chocolat. Elle leur servit des parts généreuses tandis qu’elle-même se contentait d’une mince tranche.

— Tu es sûre que tu manges assez ? s’inquiéta Corentin en considérant les bras chétifs de son amie qui dépassaient de son t-shirt.
— Je n’ai pas faim.
— Oh.

Les sourcils froncés de Fabrice le convainquirent de se taire. La minceur de Charline n’avait rien de naturel, mais aborder le sujet n’apporterait rien de bon.

— Donc, tu nous as invités tous les deux pour qu’on se réconcilie ? demanda Fabrice pour changer de sujet.

La bouche pleine, la jeune fille hocha la tête, puis elle fit passer son morceau avec un verre de jus de fruit.
— En fait, je t’ai invité toi. Corentin avait déjà prévu de venir me rendre mes cahiers.

Le regard de Fabrice passa de l’un à l’autre.
— Je n’étais pas au courant, se récria Corentin. Je ne lui ai pas parlé de l’embrouille avec ton copain.
— Exact, plastronna Charline. Je voulais voir si j’avais encore mon pouvoir de divination.
— Et ?

Le sourire qui étira les lèvres maquillées de violine de la gothique valait largement une réponse.

L’atmosphère était à présent beaucoup plus détendue. Tandis que les garçons se servaient une nouvelle part de gâteau, ils échangèrent leurs impressions à propos de leur intrusion dans le laboratoire de Kaenel.

Le récit de leur aventure fut accueilli par les commentaires impressionnés de leur hôtesse.
— J’aurais jamais osé mettre les pieds dans sa cave, admit-elle.
— En fait, c’était pas une très bonne idée d’y aller.

L’affirmation de Corentin jeta un froid sur la cuisine.
— Fabrice a failli rester prisonnier dans un cristal, et on n’a rien découvert là-bas.
— Qu’est-ce que vous comptez faire ?
— Je ne sais pas.

mercredi 14 septembre 2011

Chapitre 16 de Limonade - Episode 2

Il se trouvait à présent devant la porte, une légère appréhension nichée au fond de la gorge. À peine eut-il le temps de frapper deux coups que le battant s’ouvrit sur une Charline rayonnante.
— Super, tu as pu venir !
— Oui. Je n’avais pas vraiment le choix, il me semble.

La sorcière wiccante coupa court à ses récriminations en l’invitant à entrer. Une délicieuse odeur de chocolat flottait dans l’entrée. Derrière la télévision allumée, un garçon agitait une manette avec fureur.
— Prends ça Frankenstein !

Fabrice reconnut le timbre fluté de l’enfant qui lui avait répondu à l’interphone. Celui-ci ne semblait cependant pas faire attention à lui, trop occupé par le boss contrôlé par la console.
— Tu viens, l’appela Charline depuis le couloir.

À regrets, l’adolescent s’arracha à la contemplation de l’écran aux couleurs vives. Les trop rares occasions où il était parvenu à échapper à la vigilance de ses parents pour s’adonner aux jeux vidéo lui laissaient un souvenir émerveillé.

Finalement, il rejoignit Charline sur le seuil de la cuisine.
— Pourquoi tu voulais que je vienne ?
— Il y a des choses qu’il faudrait tirer au clair.

Devant la grimace pleine d’incompréhension de Fabrice, elle ajouta avec un sourire malicieux :
— Ce n’est pas avec moi que tu dois t’expliquer…

Sur ces mots, la gothique recula dans la cuisine pour ouvrir le four. Le parfum aromatique du gâteau au chocolat se répandit dans la pièce. Pourtant, la perspective d’en manger un morceau perdit de son attrait lorsqu’il aperçut la silhouette de Corentin voûtée au-dessus d’une tasse.

Ne sachant quelle attitude prendre avec lui, Fabrice préféra lui laisser l’initiative. Visiblement, son ami partageait son embarras, car il garda la bouche close.

Au bout d’une minute qui leur parut durer une éternité, Charline mit fin au silence en déclarant :
— C’est pas bientôt fini vos bêtises !

lundi 12 septembre 2011

Chapitre 16 de Limonade - Episode 1

D’un geste énergique, Fabrice boucla son antivol autour de la roue avant de sa moto. Après s’être assuré qu’elle était solidement attachée à la grille du trottoir, il se redressa, son casque sous le bras. La rue où il venait de se garer ne lui était pas familière. Pourtant, il la remonta sur quelques mètres en courant presque pour se mettre à l’abri de la pluie qui menaçait.

Arrivé sous le porche, il écrasa le bouton de la sonnette qui mentionnait le nom « Kim ».
— C’est qui ? demanda une voix enfantine entre deux grésillements.
— Je suis Fabrice, un ami de Charline.

Le bruit indistinct d’une conversation lui parvint déformé par la piètre qualité de l’interphone, puis un son aigre à lui faire grincer les dents résonna. Poussant le lourd battant de bois peint en bleu, l’adolescent prit néanmoins la peine de remercier son interlocuteur. Il gravit les marches de l’escalier à vis quatre à quatre, pressé de savoir ce que la jeune sorcière lui voulait.

En effet, Charline avait téléphoné chez lui en début de matinée. Hélas, il n’était pas encore levé à ce moment. Après le départ précipité de Corentin, il avait tenté de profiter de sa soirée avec ses amis, en vain. Leur dispute n’avait cessé de lui tourner dans la tête, l’empêchant même de dormir après le départ de la bande.

Au cours de sa nuit d’insomnie, il avait amplement eu l’occasion de réfléchir à sa conception de l’amitié et de la trahison. Conscient qu’il allait devoir choisir entre ses camarades de classe et son ami lunaire, Fabrice était piégé. Incapable de trancher, il était resté à contempler le plafond de sa chambre plongé dans les ténèbres. L’odeur résiduelle d’alcool et de tabac bon marché qui imprégnait sa couette avait fini par l’abrutir suffisamment pour qu’il sombre dans un sommeil lourd et agité bien après minuit.

À cause de son réveil tardif, c’était sa mère qui avait intercepté l’appel de la gothique. Depuis, cette dernière ne cessait de le harceler pour obtenir des informations sur la jeune fille qu’elle avait eue au bout du fil. Ne connaissant même pas son numéro, Fabrice s’était vu contraindre de se rendre sans discuter à l’adresse indiquée dans le message s’il voulait connaître la raison de ce coup de téléphone.

lundi 5 septembre 2011

Le protectorat de l’ombrelle : Sans âme


Ce roman de Gail Carriger me faisait déjà de l’œil bien avant sa traduction française. Il faut dire les éléments mis en avant par l’éditeur sont alléchants : des vampires, des loups-garous et une ombrelle. Tout cela ressemble à de la bit-lit traditionnelle, mais assaisonnée à la mode victorienne. J’avais cependant un peu peur de tomber sur une resucée insipide des autres succès du genre avec pour seules originalités une crinoline et un parapluie.

Heureusement, « Sans âme » tire son épingle du jeu (si cela n’avait pas été le cas, je n’en aurais pas parlé ici). Certes, la qualité littéraire n’est pas toujours au rendez-vous, les rebondissements sont prévisibles et certaines incohérences ont visiblement échappé aux correcteurs. Il n’en reste pas moins que ce roman est un moment de lecture agréable à mi-chemin entre les aventures de Mercy Thompson et les œuvres de Jane Austen.

Pour supporter un tel mélange, l’auteur a réussi à créer une héroïne atypique pour son siècle. Alexia Tarabotti est une vieille fille de vingt-six ans bien décidée à renoncer aux joies du mariage tant qu’elle dispose d’une bibliothèque bien garnie. Elle est cependant affligée d’une curieuse affection héritée de son défunt père : elle n’a pas d’âme.

Le côté métaphysique d’une telle absence est assez peu abordé au cours du roman. Cependant, ses effets sur les créatures surnaturelles sont régulièrement exploités dans le déroulement de l’intrigue. D’un simple contact, Alexia est capable de priver un vampire ou un loup-garou de ses attributs surnaturels, ce qui peu se révéler fort pratique lors de la pleine lune ou lorsqu’un vampire tente de la mordre.

C’est d’ailleurs sur cette dernière situation que s’ouvre le roman. Néanmoins, il ne faudrait pas croire que la suite sera du même ordre concernant l’action. Il devient très vite évident que l’aspect romance est prépondérant dans ce premier tome sans que cela nuise cependant au déroulement de l’intrigue.

Comme le résumé de l’éditeur est plutôt bien fait, et surtout qu’il rend justice à l’humour déployé par l’auteur pour échapper au style compassé auquel le lecteur pourrait s’attendre, je ne vais pas m’embêter à en faire moi-même.
« Alexia Tarabotti doit composer avec quelques contraintes sociales. Primo, elle n’a pas d’âme. Deuxio, elle est toujours célibataire et fille d’un père italien, mort. Tertio, elle vient de se faire grossièrement attaquer par un vampire qui, défiant la plus élémentaire des politesses, ne lui avait pas été présenté. Que faire ? Rien de bien, apparemment, car Alexia tue accidentellement le vampire. Lord Maccon – beau et compliqué, Écossais et loup-garou à ses heures – est envoyé par la reine Victoria pour enquêter sur l’affaire. Des vampires indésirables s’en mêlent, d’autres disparaissent, et tout le monde pense qu’Alexia est responsable. Découvrira-t-elle ce qui se trame réellement dans la bonne société londonienne ? Qui sont vraiment ses ennemis, et aiment-ils la tarte à la mélasse ? »

Mon avis sur ce premier tome du Protectorat de l’ombrelle tient en peu de mots : une chouette lecture distrayante et accrocheuse, à condition de mettre son exigence littéraire de côté.

vendredi 2 septembre 2011

La confrérie de l'horloge


J’ai eu un coup de cœur pour l’illustration de la couverture de ce roman pour adolescents. Une vue de Londres en pleine nuit, avec du brouillard et un personnage drapé d’un cape noire en train d’escalader une façade. De plus, le texte présent au dos promettait une aventure fantastique aux relents de vapeur et de charbon dans une ambiance victorienne.

Histoire de commencer cette critique de façon positive, le roman tient ses promesses. Il y a des tas de mécaniques steam-punk tout au long du livre et l’aspect victorien des décors est très bien rendu à travers de petites touches réalistes.

Le seul défaut que j’ai trouvé à ce roman, qui reste néanmoins excusable car il s’agit d’un ouvrage jeunesse, est la relative linéarité de l’intrigue. Par contre, j’ai été agréablement surprise de la complexité des personnages. Même pour ceux qui n’ont qu’un rôle secondaire dans le livre, leurs motivations sont vraisemblables et les descriptions percutantes. Le corolaire, c’est qu’on a envie d’en apprendre davantage sur la manière dont ils ont été impliqués dans toute cette histoire.

Je déplore quand même une pointe de manichéisme, encore que l’homme pour lequel agissent les deux héros n’a pas toujours les mains propres. Cependant, ce roman a le mérite d’être à la fois intelligent et divertissant.

L’alternance des points de vue entre Modo, l’adolescent difforme élevé parmi les livres pour devenir l’espion parfait par la grâce d’un étrange pouvoir (unique touche fantastique du roman), et Octavia, la jeune voleuse des rues devenue une espionne de charme malgré ses seize ans, rend la lecture variée. De plus, l’auteur a pris soin d’intégrer par moment quelques chapitres où il met en scène les membre de la confrérie de l’horloge et leurs victimes dont une sorte de savant fou.

En résumé, ce livre est parfait pour les personnes qui ont aimé le film « La ligue des gentlemen extraordinaire », car on y retrouve une ambiance similaire. C’est hélas la seule référence qui me vienne à l’esprit, à part les polars victoriens de Lee Jackson (qui sont malheureusement plus soignés au niveau du contexte historique que de l’intrigue) et la série « A comme association » pour le duo de héros.

« Pour Modo, recueilli bébé et éduqué selon les instructions d’un certain monsieur Socrate, la vie pourrait être facile s’il n’était affublé un corps et un visage difforme. Par chance, il dispose de l’étonnante capacité de le modifier pendant un bref moment grâce à la force de son esprit. Jusqu’à son adolescence, il est resté coupé du monde. Cependant, les agissements de la mystérieuse Confrérie de l’Horloge menacent la couronne d’Angleterre et vont obliger M. Socrate à soumettre son agent à l’épreuve du feu. »

Je ne sais pas si cette critique vous a donné envie de lire « La confrérie de l’horloge », mais je sais que je risque de me laisser tenter par la suite, « La cité bleue d'Icaria ».

mercredi 31 août 2011

Chapitre 15 de Limonade - The end

Cela faisait un moment que je n'avais pas écrit de chapitre aussi long avec pas moins de 13 épisodes étalés sur tout le mois d'août.

Pour lire le premier, c'est en suivant ce lien et pour la suite il faudra attendre une bonne semaine. En effet, j'ai quelques chroniques victoriennes en attente de publication et des annonces à relayer.

J'espère que ceux qui auront lu ce chapitre, et les précédents, apprécient toujours autant les aventures de Corentin et Fabrice.

lundi 29 août 2011

Chapitre 15 de Limonade - Episode 13

Corentin prit conscience du sentiment de trahison qui croissait dans sa poitrine depuis que Mouky l’avait traité, entre autres choses, de personne qui « se la jouait artiste ». Manifestement, il n’avait même pas eu besoin d’imaginer cette insulte-là. Ses paroles venaient de faire voler l’amitié illusoire qui le liait à Fabrice.

L’adolescent ne jugea pas utile de s’attarder dans le silence de la cuisine. Il se leva, remonta le zip de son blouson et, sans prononcer un mot, sortit de la maison. Il crut entendre Fabrice l’appeler au moment où il ferma la porte, mais il refusait de s’attarder.

Au-dessus du lotissement de maisons neuves, le ciel se parait d’est en ouest d’un dégradé allant du bleu à l’or. À la lumière du crépuscule, les nuages gagnaient des teintes cuivrées resplendissantes.

Pour avoir consulté les horaires avant de partir, Corentin savait qu’un bus ne tarderait pas à passer. Néanmoins, il n’avait pas envie de poireauter à l’arrêt, là où Fabrice pourrait venir le trouver et poursuivre leur stupide dispute.

Les mains enfoncées dans les poches, l’apprenti magicien partit à grandes enjambées le long de la route qui le ramènerait à Rennes.

vendredi 26 août 2011

Chapitre 15 de Limonade - Episode 12

Bien qu’il se soit exprimé sur ton impassible, Corentin bouillonnait. Il venait d’entendre les pires insultes de sa vie, sa meilleure amie était en train de devenir une sorcière noire et, s’il comprenait ce que Fabrice tentait de glisser entre les lignes, celui-ci allait bientôt le laisser tomber.

Fabrice sembla se rendre compte que quelque chose n’allait pas dans l’attitude de son compagnon. Pourtant, il garda le silence, obligeant son ami à prendre les devants.
— En gros, tu as l’intention de me lâcher ?
— Mais non ! Pas du tout.

Ces dénégations arrivèrent cependant un instant trop tard pour paraître pleinement sincères. Corentin n’y vit que la confirmation de ce qu’il soupçonnait depuis à peine une minute. Pourtant, il n’en attendait pas moins de celui qui avait été son acolyte les semaines précédentes.

D’un regard absent, il dévisagea Fabrice qui tâchait encore de rattraper sa maladresse.
— Je n’ai pas l’intention de laisser tomber toute cette histoire ! J’ai juste besoin de faire une pause, de reprendre mes esprits.
— Alors que tout le monde est en danger à cause des ombres !
— Je te signale que c’est pas toi qui as failli rester coincé dans cette espèce de cristal.
— Non, mais je suis arrivé à te sortir de là. Et si tu avais été un peu plus prudent, tu n’aurais pas manqué d’y rester !

Sans même s’en rendre compte, les deux garçons avaient haussé le ton. À présent, ils criaient presque en se balançant leurs quatre vérités à la figure.
— Comment tu expliques que ton pote était au courant pour mes dessins ? Qu’est-ce que tu leur as raconté d’autre sur moi ? Que je vois des monstres sous mon lit, des fantômes dans les couloirs du lycée ?

Fabrice avala bruyamment sa salive. Pour la première fois de l’après-midi, il donnait l’impression d’être vraiment mal à l’aise.
— C’est pas secret que tu dessines très bien.
— Si, justement c’en est un !

mercredi 24 août 2011

Chapitre 15 de Limonade - Episode 11

Les deux protagonistes de la dispute se tournèrent d’un même mouvement vers la porte. Fabrice venait d’apparaître dans l’embrasure. D’un pas résolu, il marcha en direction de Mouky qui recula.
— Je vais pas te faire de mal, gronda le nouvel arrivant. Je vais juste te foutre dehors avec un coup de pied au cul !

Au ton de Fabrice, ce n’était pas des menaces en l’air. Bien qu’il ne soit pas beaucoup plus grand que son adversaire, la colère qui l’embrasait décuplait ses forces. Poussant son invité devenu indésirable devant lui, il quitta la pièce.

Estomaqué, Corentin mit plusieurs secondes à retrouver son calme. Le claquement de la porte d’entrée, suivi par la pétarade d’une mobylette lui signifia néanmoins que Mouky avait quitté les lieux.

Il attendit avec impatience le retour de son ami. Le soulagement qui s’empara de lui tenait autant de ne pas avoir été obligé se débarrasser tout seul de l’importun que de se savoir soutenu. Hormis en employant la magie, il ignorait de quelle manière il aurait pu le chasser. De plus, il ne voulait même pas penser aux conséquences s’il avait lancé un sortilège dangereux dans le feu de la dispute.

Lorsque Fabrice revint, il relégua ses préoccupations magiques au second ordre.
— Désolé que ça se soit terminé comme ça.
— Et encore, tu n’as entendu la pire, rétorqua Corentin.

Le soupir de son ami révéla qu’il en avait hélas entendu suffisamment pour connaître les accusations proférées par Mouky. Debout entre la table et l’évier, Fabrice se dandina d’un pied sur l’autre. Il ouvrit la bouche pour parler, puis la referma.

Ce comportement ne lui ressemblant pas, Corentin s’inquiéta :
— Quelque chose ne va pas ?
— Romain n’a pas tout à fait tort.

Devant ses yeux écarquillés, Fabrice rectifia :
— Je voulais dire Mouky. Son vrai nom, c’est Romain Moukinian.
— Oui. Et alors ?
— On est tout le temps ensemble au lycée. C’est normal que mes potes se posent des questions. Ils ne te connaissent pas.
— Avec ce qui vient de se passer, je n’ai pas envie de les connaître.

lundi 22 août 2011

Chapitre 15 de Limonade - Episode 10

Perdu dans les pensées, il n’entendit pas la remarque de Mouky. Cependant, le ton sur laquelle il l’avait prononcée, plus proche du crachat suintant que du lâcher de colombe, en disait long sur sa teneur. Devant sa face rubiconde et épaisse, l’apprenti magicien se retint de lui demande de se répéter.

Au lieu de cela, il l’observa avec attention éructer :
— Fabio est bizarre depuis que tu traînes avec lui. Mais je m’inquiète pas pour lui ! Il sait qui sont ses vrais amis.

Une forme sombre et peu naturelle surplombait le t-shirt vert de son interlocuteur. Elle irradiait une telle malveillance que Corentin comprit immédiatement qu’il s’agissait d’une autre de ces ombres maléfiques. Il devina des membres grêles dont les griffes s’enfonçaient dans les motifs psychédéliques.

Pourtant, Mouky ne semblait pas réaliser qu’une espèce de lutin noir et dépenaillé était perché sur son épaule.
— De toute façon, t’es quoi ? Je vais te le dire, t’es qu’une tapette de seconde qui se la joue artiste parce qu’il dessine des dragons et des sorcières gothiques.

Il n’en pouvait plus de l’entendre se moquer de lui. Pourtant, davantage que les mots employés, c’était l’ombre qui le faisait suffoquer de peur. L’augmentation graduelle de son don de double vue l’effrayait. Pour rien au monde, il ne souhaitait voir la réalité telle qu’il la représentait dans ses dessins.

Corentin devait néanmoins se faire une raison. Le démon malingre et le garçon courtaud avaient beau appartenir à deux réalités différentes, ils se confondaient pour le tourmenter, et cela ne pouvait plus durer.

Comme l’adolescent avait davantage d’expérience pour se débarrasser des chimères, il focalisa son attention sur le démon. À mesure qu’il le fixait, celui-ci paraissait de plus en plus maigre. D’une pichenette, il le renvoya dans le néant, ou les limbes ; enfin dans n’importe quel endroit où résidaient les démons.

Une sensation fugace, entre la vague d’électricité et la déflagration, balaya la cuisine, arrêtant net le monologue haineux de Mouky.
— Qu’est-ce que… coassa-t-il.
— Rien !

Toute l’assurance que Corentin avait tiré de son exorcisme réussi explosa dans ce simple mot. Elle suffit à sécher sur place son interlocuteur, pour un court instant hélas.
— T’es qui pour me parler comme ça ! J’te l’ai dit t’es rien qu’une…
— Ferme ta grande gueule !

vendredi 19 août 2011

Chapitre 15 de Limonade - Episode 9

Resté seul dans la pièce, l’adolescent passa en revue toutes les choses dont il aurait aimé parler avec Fabrice. Dans un soupir, il revit sa prise de bec avec Gwenaëlle et ses reproches en fin de compte pas aussi injustifiés que cela. D’une certaine manière, c’était de sa faute si le sortilège qui liait Fabrice à elle avait été brisé. Il portait donc la responsabilité de leur séparation.

Il regretta de ne pas avoir demandé à sa meilleure amie par quel raisonnement elle en était arrivée à penser que d’une part il connaissait bien son ex-copain et que d’autre part il avait joué un rôle important dans leur rupture. En effet, toutes ses interventions dans cette histoire découlaient de son emploi de la magie, ce dont il ne lui avait jamais parlé.

Ces soupçons firent resurgir cette hypothèse qu’il détestait tant : Gwen était devenue une sorcière. Étrangement, Corentin n’avait pas l’intention d’en toucher un mot à Fabrice. Il était persuadé que celui-ci n’avait plus le moindre doute concernant l’implication de Gwen et, plus que tout au monde, il voulait qu’il lui assure le contraire.

Le bruit de pas qui résonna dans le couloir l’arracha à ses pensées. Avec l’espoir que son ami soit revenu afin qu’ils puissent discuter, il se tourna vers la porte. Hélas, ce fut la silhouette pataude de Mouky qui se dessina dans l’embrasure.

Corentin ne parvint pas à cacher son dépit et, faute de mieux, il ignora le nouveau venu. Celui-ci semblait cependant avoir d’autres idées en tête, car il se planta en face de lui.
— C’est vrai cette histoire d’ex ?
— Bien sûr. Je connais Gwen depuis le primaire…

La voix de Corentin se cassa dans la gorge tandis qu’il réalisait que les années passées auprès de Gwenaëlle ne signifiaient plus rien. Son amie avait beaucoup trop changé et, par la force des choses, il avait suivi le même chemin.

mercredi 17 août 2011

Chapitre 15 de Limonade - Episode 8

Légèrement titubant, le garçon surnommé Mouky fit son entrée, accompagné par deux de ses compagnons. Bien que ces derniers le dominent d’une tête, il manifestait son ascendant sur eux en leur bourrant les côtes de coups de poings.
— Ben, qu’est-ce tu fous ? demanda-t-il à Fabrice.
— J’avais des trucs à lui dire.
— Et tu pouvais pas le faire en haut ?

Une ombre de défi planait dans l’attitude du nouveau venu. Les bras fermement calés sur les hanches, il tachait de se donner une contenance ferme en dépit du champignon au regard halluciné qui ornait son t-shirt.
— C’est une amanite tue-mouche ou un bolet de Satan ? demanda Corentin.

Cette tentative désespérée pour détendre l’atmosphère tomba à plat. Ni Moucky, ni Fabrice ne détournèrent les yeux. Pourtant, celui-ci reprit d’un ton acide :
— Je suis pas obligé de tout te raconter.
— Non, mais tu traînes tout le temps avec ce gars, dit-il en désignant l’intrus. Qu’est-ce ça cache ?
— Rien !

Les ricanements entendus qui fusèrent avec un temps de retard enflammèrent les joues de Corentin. Il envia le calme dont son ami faisait preuve, mais, en voyant ses poings contractés, il comprit qu’il ne s’agissait que d’une illusion.
— C’est le meilleur ami de mon ex, expliqua Fabrice. On s’est brouillés avant les vacances et je voulais savoir s’il y avait une chance qu’on se remette ensemble.

Ce mensonge dissipa l’ambiance électrique aussi rapidement qu’elle était apparue. Cependant, les yeux bruns de Mouky n’avaient rien perdu de leur éclat moqueur. Bien qu’il tende la main à son interlocuteur, la grimace qui déformait ses lèvres épaisses entachait leur réconciliation.
— Sans rancune, lança-t-il.
— Pas sûr…

La dérobade de Fabrice fut saluée par les rires idiots des deux spectateurs muets et imbibés de la scène. Pourtant, Corentin continuait de redouter que la querelle ne resurgisse sans prévenir. Il n’intervint pas lorsque son ami quitta la cuisine en emportant une bouteille destinée à satisfaire la soif de ses invités.

lundi 15 août 2011

Chapitre 15 de Limonade - Episode 7

Dès que les deux adolescents entrèrent dans la chambre, Corentin compris que les avertissements de son ami étaient d’une part justifiés et de l’autre largement en dessous de la vérité. Rien que la manière dont ces garçons se tenaient, avachis sur le lit ou les chaises avec des canettes à la main, le mettait mal à l’aise.

Il réprima un haut-le-cœur en respirant une bouffée de bière éventée et de tabac.
— Alors comme ça, c’est lui ton nouveau pote ! beugla l’un des squatteurs désigné sous le surnom de Mouky.

Fabrice acquiesça, puis adressa un regard d’excuse à son compagnon. En réponse, celui-ci concéda un sourire crispé aux airs de grimace. Avisant le pack de bière posé sur le bureau et dans lequel piochait allègrement la bande, Corentin annonça :
— Je vais me chercher à boire.

Sur ces mots, il tourna les talons et dévala les escaliers.

Arrivé dans la cuisine, il fouilla les placards pour en sortir un verre qu’il remplit au robinet. Une fois désaltéré, il s’autorisa un soupir. Son intention de parler de choses sérieuses, et magiques, avec son ami venait bel et bien de tomber à l’eau.
— Ça va ?

La voix de Fabrice résonna depuis le seuil de la pièce. Comme il lui tournait le dos, Corentin n’éprouva pas trop de difficultés à lui cacher sa déception.
— Oui oui, ça va ?
— Tant mieux.
— Je pense juste que je ne vais pas rester plus longtemps.

Les basquets de son ami couinèrent sur le carrelage impeccablement nettoyé de la cuisine, puis une chaise racla le sol tandis qu’il s’asseyait.
- Je me doutais bien que le courant n’allait pas passer avec mes potes.

L’apprenti magicien hocha la tête. Il mourrait d’envie de lui raconter sa rencontre avec Gwenaëlle pour connaître son opinion. Pourtant, avant qu’il n’ait le temps de formuler ses pensées, un vacarme retentit dans le couloir.

Chapitre 15 de Limonade - Episode 6

Trois jours après avoir rencontré Gwenaëlle dans la forêt, Corentin se retrouva à Saint-Jacques, un village composé en majeure partie de résidences flambantes neuves et qui ne cessaient de s’accroitre. Un autobus venait de le déposer à proximité du lotissement où vivait la famille de Fabrice. Les mains dans les poches, il examina les alentours.

Au premier abord, les arbres malingres des jardins et les façades au crépi encore immaculé confirmaient la récente installation des résidents. Les pavillons avaient tous une ressemblance, que ce soit dans les nuances d’ardoise ou pour le choix des huisseries. Il en résultait une impression étrange proche de celle qu’inspirait un décor de parc d’attraction.

Heureusement, les indications de son ami étaient précises et lui permirent de se retrouver dans le dédale d’impasses et d’allées. En moins d’un quart d’heure de marche, il arriva devant une maison dont la boîte aux lettres mentionnait le nom de Herrant. Un peu intimidé, l’adolescent sonna et attendit que quelqu’un vienne lui ouvrir. Comme personne ne vint, il jeta un regard de l’autre côté de la haie de thuyas.

Devant la porte du garage grande ouverte stationnaient trois scooters et deux motos. L’une d’entre elles appartenait à Fabrice, mais il ignorait que celui-ci recevait de la visite cet après-midi. Par une fenêtre entrouverte au premier étage, il entendit une musique agressive crachée à plein volume. Hélas, la chambre donnait sur le jardin et pas sur la rue. Corentin tenta de se manifester en vain.

En désespoir de cause, il écrasa une fois de plus le bouton de la sonnette. Au bout d’un long moment durant lequel il n’avait cessé d’appuyer, la porte d’entrée s’ouvrit.
— Tu peux arrêter ! lui cria Fabrice depuis le porche.
— Tu n’avais qu’à venir la première fois, répliqua-t-il sur le même ton.

Avec soupir faussement agacé, son ami traversa le jardin jusqu’à la haie. À travers les feuilles, il expliqua :
— Mes copains ont appris que mes parents n’étaient pas là ce week-end, alors ils se sont invités.
— Je vois.

En fait, Corentin était trop solitaire pour avoir été confronté à ce genre d’événement. Il s’efforça néanmoins de contrôler sa timidité lorsqu’il suivit son compagnon à l’intérieur.
— Ne fais pas attention à ce qu’ils racontent, le mit celui-ci en garde. Ils sont un peu bourrés, alors ça les rend particulièrement lourds.
— Je croyais que c’était tes copains.

Fabrice s’arrêta au beau milieu de l’escalier menant à sa chambre.
— Ils sont peut-être lourds, mais on est dans la même classe depuis des années.
— Ça les autorise à venir chez toi à l’improviste ?
— Laisse tomber, soupira-t-il après un silence gênant.

vendredi 12 août 2011

Chapitre 15 de Limonade - Episode 6

L’adolescent n’eut pas à feindre la surprise. Bien qu’il sache déjà que Fabrice avait mis fin à leur relation, le fait que Gwenaëlle le rendait responsable de leur rupture le pétrifiait. Par automatisme, son regard plongea vers le sol et il dut prendre sur lui pour garder les yeux au niveau du visage de son amie.
— Je suis désolé que tu ne sois plus avec Fabrice. C’est un gars sympa.
— Tu as quelque chose à voir là-dedans ?
— Non, se récria-t-il.

Corentin n’eut pas à feindre l’indignation. Toute son histoire avec Fabrice reposait sur les effets d’un enchantement avec lequel il n’avait pas le moindre lien. Pourtant, il préféra ne pas lui parler des événements surnaturels qui entouraient leur relation. Il refusait tout simplement d’admettre qu’elle ait le moindre lien avec l’enchantement et décida de ne pas semer le trouble dans son esprit.

Les yeux bleus de Gwenaëlle continuèrent de le foudroyer, mais il résista à la pression des aveux. La certitude de la protéger des influences néfastes de son professeur et du groupe de magie lui donna le courage d’affronter son regard.
— Comment veux-tu que j’ai joué un rôle dans cette histoire ?
— Je ne sais pas, concéda-t-elle. Je pensais que tu pourrais me l’expliquer.
— C’est triste que tu ne sois plus avec lui. Il ne te méritait pas…

Sur ces mots, il fit demi-tour pour quitter la clairière, le cœur battant la chamade. Il aurait aimé rester afin de réconforter Gwenaëlle, mais il ne sentait pas le courage de continuer à lui mentir.

Tandis qu’il s’éloignait, Corentin prit alors conscience que, pour une amoureuse éplorée, son amie avait admirablement bien gardé son calme. Toute sa colère était dirigée contre lui et non contre celui qui était censé lui avoir brisé le cœur. Cette incohérence ne manqua pas de titiller les soupçons qu’il s’efforçait d’étouffer.
— Gwen n’a rien à voir avec tous ses mauvais sortilèges, marmonna-t-il comme pour s’en convaincre.

mercredi 10 août 2011

Chapitre 15 de Limonade - Episode 5

Corentin envisagea un instant de représenter chaque champignon, mais le peu de place restante sur sa feuille l’en dissuada. Soudain, les feuilles mortes crissèrent sous les pas d’un visiteur. L’adolescent fouilla du regard les abords de la clairière jusqu’à remarquer une tache bleue se déplaçant entre les arbres.
— Ah, c’est toi, dit la nouvelle venue quand elle eut franchi le rideau de branchage.

L’apparition de Gwenaëlle laissa l’adolescent sans voix. Elle aussi avait dû marcher pendant un moment dans la forêt. Des mèches blondes s’échappaient de sa queue-de-cheval et formaient une auréole dorée autour de son visage. Tout comme lui elle avait les joues rosies et des traces brunes maculaient ses vêtements.
— Fais attention ! Il y a des champignons partout, indiqua Corentin.
— J’ai vu, figure-toi que c’est pour ça que je suis venue.

L’étincelle de surprise ravie qui dansait dans son regard démentait les paroles de Gwen. Vexé, pour la première fois depuis qu’il la connaissait, son ami sentit la colère poindre en lui.
— OK. Je vais te laisser en profiter tranquillement alors.

Il tourna les talons, prêt à rebrousser chemin et à rentrer chez ses parents. Cependant, sa compagne le retint.
— J’ai un truc à te dire.

Le cœur de l’adolescent s’emballa soudain, bien que le ton acide de Gwenaëlle lui laisse penser qu’il allait essuyer ses reproches.
— Tu connais Fabrice *nom de famille* ?
— Oui, on est dans le même lycée.
— Qu’est-ce que tu lui as raconté sur moi ?

Cette fois, il était évident que la jeune fille était furieuse. Son visage avait viré à l’écarlate, d’une teinte presque aussi soutenue que les amanites tue-mouches. Ne sachant que répondre, Corentin garda les yeux fixés sur les feuilles mortes à ses pieds. Il les releva néanmoins sous l’effet d’une colère grandissante. Cette émotion s’avéra suffisamment intense pour lui donner le courage de mentir à son amie tout en la regardant en face.
— Rien.
— Alors, comment tu expliques qu’il m’ait quitté si tu n’as à voir là-dedans ?

lundi 8 août 2011

Chapitre 15 de Limonade - Episode 4

Un peu essoufflé, il contourna un faisceau d’arbustes dont les branches nues servaient de support à une toile d’araignée piquetée de gouttes de pluie. Il prit garde à ne pas emporter les fils de soie sur son passage avec l’idée de reproduire dans un dessin leur tracé géométrique. Cette envie lui sortit néanmoins de la tête dès qu’il eut atteint le centre de la clairière.

Presque sous ses pieds surgissait des feuilles mortes un champignon de belle taille, au chapeau d’un rouge très vif. Corentin, qui ne s’intéressait qu’à son allure et non à ses qualités gustatives, en fut ravi. Son professeur de biologie avait proposé à sa classe, comme devoir de vacances facultatif, de réaliser une étude des champignons qu’ils croiseraient.

Il sortit donc de sa poche une feuille de papier pliée en quatre et un résidu de crayon gris, tout juste assez grand pour qu’il puisse le tenir entre ses doigts. Accroupi dans l’herbe humide, il s’appuya sur son genou afin de réaliser une esquisse de l’amanite tue-mouche qui se trouvait sous son nez.

En quelques traits, il croqua son pied qui émergeait des débris bruns, y ajouta les détails et l’effet de volume qui rendirent son dessin réaliste, puis s’attaqua au dôme rouge. Il résista à la tentation de transformer ce champignon en maison de lutin ou en gnome endormi. Depuis que Fabrice avait manqué de disparaître dans la prison de cristal, il se méfiait de son imagination plus que jamais.

Lorsque, son dessin achevé, il se releva, il découvrit la présence d’autres amanites aux alentours. Il y en avait plus d’une douzaine de toutes les tailles qui délimitaient un cercle.
- Un rond de sorcière, s’étonna-t-il à haute voix.

Ce n’était que la troisième ou quatrième fois qu’il tombait par hasard sur cette étrange configuration de champignons. La première fois, il ne devait pas avoir plus de huit ans, le récit qu’il en avait fait Gwenaëlle lui avait attiré un ricanement moqueur. Son amie s’était ensuite empressée de raconter cette anecdote à sa propre sauce, brodant de fantastiques aventures qui avaient tenu la classe en haleine une semaine durant.