lundi 21 novembre 2011

Chapitre 18 de Limonade - Episode 1

Au moment de pousser le portillon encadré d’hortensia au feuillage doré, les deux filles échangèrent un regard lourd de sens.
— Il est temps de régler les choses à notre manière, déclara Anne-Sophie.
— Oui.

Sa compagne, plus jeune de deux ans, baissa les yeux vers le goudron à ses pieds. Elle s’agenouilla sur le trottoir et, à l’aide d’une craie blanche, traça une série de runes. Une onde de pouvoir parcourut son bras avant d’imprégner les symboles dessinés devant le portail.
— Silence, imposa-t-elle aux runes avant de s’engager dans le jardin.

Lorsqu’Émilie posa le pied sur l’allée recouverte de gravillons, les pierres n’émirent pas le moindre crissement.
— Ça a marché, dit-elle en se retournant vers sa compagne, une étincelle de fierté dans les yeux.
— Bien sûr que ça a marché, je te rappelle que je t’ai donné mon amulette.

La sécheresse de cette réponse serra le cœur de l’adolescente. En temps normal, elle manquait de talent pour insuffler sa volonté aux runes. Le don d’Anne-Sophie lui en donnait désormais la capacité, mais ce cadeau avait un prix : accompagner cette dernière chez une voyante, et, bien sûr, garder cette petite aventure secrète.

Ce fut sur ces pensées qu’elle s’avança à travers le carré de verdure qui séparait le pavillon de la rue Courteline. De part et d’autre de l’allée, la pelouse était recouverte d’un tapis de feuilles mortes allant du jaune pâle au brun, en passant par le rouge écarlate de la vigne vierge dont les vrilles grimpaient le long des murs. Comme laissé à l’abandon, le jardin se parait des couleurs de l’automne.

Distraite de son observation des lieux par un picotement désagréable sur sa nuque, Émilie hâta le pas. Sans un bruit, ses mocassins écrasèrent les feuilles sèches accumulées contre les marches du perron. Alors qu’elle pressait le bouton de la sonnette, une vibration semblable à celle qu’elle avait ressentie en traçant les runes fusa dans son dos.

La jeune fille s’apprêtait à se retourner lorsque le battant s’ouvrit.
— Excuse-moi Émilie, commença la voyante sur le seuil, je ne t’avais pas entendue arriver.

Intriguée qu’Évelyne Pomarec s’adresse exclusivement à elle, Émilie jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. À l’exception de la chute des feuilles, aucun mouvement n’agitait la pelouse envahie d’herbes folles ; Anne-Sophie s’était volatilisée.

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