mercredi 23 novembre 2011

Chapitre 18 de Limonade - Episode 2

L’apprentie sorcière réprima l’inquiétude suscitée par cette disparition. Elle reporta son attention sur la femme qu’elle était venue consulter. Avec ses longs cheveux noirs striés de blanc et sa tunique ample, Évelyne ressemblait davantage à une bohémienne qu’à une adepte des arts occultes. Son regard clair s’animait cependant d’un éclat trahissant une perspicacité au-delà de celle des personnes ordinaires.
— Tout va bien ? s’inquiéta la voyante.

Au ton de sa voix, Émilie comprit que son interlocutrice ressentait son trouble. Tout en tâchant d’imaginer une explication crédible pour son attitude distraite, elle répondit :
— Oui, oui, marmonna-t-elle, j’ai cru entendre quelque chose dans le jardin.
— Ah, ce doit être Lucifer qui se promène.

Pour être déjà venue, la jeune fille savait que ce nom diabolique appartenait à un chat noir aux yeux d’un vert phosphorescent et aux griffes acérées, un vrai chat de sorcière. Elle esquissa un vague sourire destiné à rassurer la femme qui l’invita à entrer.

Avant de franchir la porte, Émilie se remémora les consignes qu’Anne-Sophie lui avait répétées durant tout le trajet. Elle devait retenir la voyante dans son salon pendant une demi-heure, puis repartir en s’efforçant d’avoir l’air naturel. L’emploi d’une formule de silence devant le portillon avait été un ajout de dernière minute de la part de sa compagne, mais jamais il n’avait été question que celle-ci disparaisse.

Un dernier regard au jardin désert assura à la jeune fille qu’elle se retrouvait seule. Elle hésita à rebrousser chemin, puis, finalement, s’engagea dans le couloir baigné d’une lueur orangée.

Au moment de refermer la porte, le battant buta sur quelque chose.
— Laisse-la ouverte, souffla une voix désincarnée semblable à celle qu’Anne-Sophie prenait pour chuchoter ses ordres lors des cérémonies.

Un courant d’air tiède frôla le bras d’Émilie. Affolée, elle le ramena précipitamment contre sa poitrine.
— Anne-So, tu es là ?
— Chut !

L’expression impérieuse pouvait sans mal être attribuée à la sorcière bien que celle-ci soit invisible. Un miroitement de l’air à l’endroit d’où provenait la voix signalait sa présence malgré le sortilège qu’elle employait pour ne pas être vue. Émilie perdit le phénomène optique de vue au détour de l’escalier menant à l’étage.

Déçue du manque de confiance témoignée par Anne-Sophie, elle la laissa à ses activités mystérieuses et pénétra dans le salon. Déjà installée dans son fauteuil, Évelyne Pomarec avait étalé les arcanes de tarot sur la table devant elle.
— Vous n’auriez pas plutôt des runes ? demanda Émilie.

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