mercredi 30 décembre 2009

Chapitre 1 de Limonade - Episode 7

À travers le velux de la chambre, le ciel commençait à s’obscurcir. Des nuages de plus en plus sombres s’accumulaient à l’horizon.
— Je vais devoir partir si je veux arriver chez moi avant d’être de nouveau trempé, dit Fabrice.
— D’accord. Je vais dire à ma tante que tu y vas. Elle pensait que tu resterais pour le dîner.

Corentin quitta la pièce en courant tandis que Fabrice enfonça ses vêtements en boule au fond de son sac à dos. Il récupéra son casque et descendit à son tour. L’escalier était abrupt et les semelles de ses baskets humides couinaient à chaque pas.

Arrivé sur le palier, il faillit percuter Corentin qui discutait avec une femme aux longs cheveux noirs. Elle devait avoir une cinquantaine d’années. Sa tunique aux motifs indiens et son jean usé la faisaient ressembler davantage à une hippie qu’à une sorcière. Elle cessa de parler à son neveu pour s’adresser au nouveau venu.
— Fabrice, tu ne devrais pas prendre la route ce soir ?
— Pourquoi ? Vous avez vu dans votre boule de cristal que j’allais avoir un accident.
— Non, répondit-elle en riant. J’ai lu dans Ouest France qu’il y avait une alerte à la tempête sur le département.

Devant la figure étonnée de l’adolescent, elle retourna chercher le journal en question.
— Tiens Fabrice. Tu peux vérifier que mes sources ne sont pas surnaturelles.
La une du journal mettait en garde ses lecteurs contre de très violentes intempéries. Comme pour appuyer cette information, la pluie se mit à marteler le toit.

Le journal dans les mains, Fabrice se sentait idiot. Il avait bien failli se retrouver pris sous cette pluie torrentielle si Corentin ne l’avait pas attaqué à coup d’incantations et d’eau bénite. Bien que cela ne l’enchante pas, il devait se résigner à passer la nuit ici.
— Je peux emprunter votre téléphone pour appeler à ma mère, demanda-t-il. Elle va s’inquiéter si je ne rentre pas ce soir.
— Pas de problème Fabrice. Le téléphone est dans mon bureau. Fais juste attention à ne pas marcher sur Lucifer.
— Le chat s’appelle Lucifer, précisa Corentin.

lundi 28 décembre 2009

Chapitre 1 de Limonade - Episode 6

De retour dans la chambre après s’être changé, Fabrice eut la surprise de se retrouver seul. Corentin n’était nulle part en vue. Le bureau couvert de feuilles de papier attira son attention. Au milieu des cahiers de cours et des polycopiés, apparaissait le coin d’un dessin.

Poussé par la curiosité, l’adolescent écarta les feuilles du dessus. Il ne s’agissait pas du gribouillage d’un lycéen désœuvré, mais d’une création fantastique. Un gigantesque serpent ailé enserrait entre ses anneaux un autre reptile plus petit. Une multitude de roses coulaient de leurs gueules en se répandaient sur les bords de la feuille.

Chaque détail de la scène avait été si minutieusement tracé au stylo bleu que l’ensemble paraissait réel. Des écailles des serpents aux pétales des roses, il n’y avait pas la moindre rature. Fabrice resta à contempler le dessin plusieurs minutes.

Il était tellement absorbé par le couple de serpents qu’il n’entendit pas Corentin revenir.
— Tu n’as qu’à le garder si tu le trouves bien, fit-il dans le dos de Fabrice. Personnellement, je n’aime pas trop les serpents, pourtant je n’arrête pas d’en dessiner.
Son invité reposa la feuille sur le bureau, un peu gêné d’avoir été surpris ainsi.

Sous son sourire de façade, Corentin fut déçu que Fabrice n’ait pas gardé le dessin des deux serpents. Même si ces créatures le mettaient mal à l’aise, il ne parvenait pas les jeter. Il l’avait fait le week-end précédent, au lieu de réviser un devoir de mathématiques et depuis il y pensait presque tous les jours.

vendredi 25 décembre 2009

Joyeux Noël

Pour être honnête, je ne suis guère inspirée quand à mon billet de Noël.
Initialement, ce devait un dessin, mais mon matériel à dessin n'est pas accessible en ce moment.

Je souhaite donc à tous mes lecteurs (et même aux autres, qui ne me lisent pas) un excellent Noël avec des cadeaux, de bons petits plats et des chats. J'insiste tout particulièrement sur les chats, car ils sont très importants.

Mon programme de fêtes contient de tout en abondance. C'est l'avantage de multiplier les repas de famille.

Encore joyeux Noël et à lundi pour un nouvel épisode de Limonade.

mercredi 23 décembre 2009

Chapitre 1 de Limonade - Episode 5

Fabrice observa les filets de fumée se faufiler par-dessous la porte. C’était déjà plus conforme à ce quoi il s’attendait, mais il n’en éprouvait aucune joie. Heureusement, la chambre de Corentin ne contenait rien qui soit en rapport avec de la magie. Un lit aux draps bleus, une étagère vide et une armoire dans laquelle Corentin fouillait à la recherche de vêtements susceptibles d’aller à Fabrice.

Les deux adolescents faisaient presque la même taille, mais leurs deux ans d’écart jouaient sur leurs carrures. Alors que Fabrice avait des épaules et des muscles solides, Corentin avait encore une silhouette d’un enfant que sa brusque croissance avait étirée. Leurs différences ne s’arrêtaient pas là.

Bien qu’ayant tous les deux des cheveux châtains, ceux de Fabrice, plus longs et plus sombres, avaient tendance à boucler. Il avait aussi une peau plus mate et des yeux d’un brun tirant sur le doré. En comparaison, Corentin paraissait éteint, presque lunaire, avec ses yeux gris bleutés et ses taches de rousseur.

Sa recherche ayant abouti, Corentin tendit à sa victime un jean et un pull soigneusement pliés.
— Ils sont un peu grands pour moi, donc ils devraient t’aller.
Fabrice prit les vêtements. Ils ne correspondaient peut-être pas à son style habituel, mais ils avaient l’avantage d’être secs.
— La salle de bain est à cet étage ?
— Non, au premier. Fais attention en descendant l’escalier, il est raide.
— J’ai vu ça tout à l’heure.

lundi 21 décembre 2009

Chapitre 1 de Limonade - Episode 4

Pour Fabrice, le trajet jusqu’à la maison de la tante fut un calvaire. À moto, le vent était encore plus mordant que sur le parking. Derrière lui, Corentin lui indiquait les directions à suivre en tirant sur sa manche.

Il dut s’y reprendre à deux fois avant de parvenir à verrouiller l’antivol de sa moto tellement il grelottait. Pendant ce temps, Corentin avait ouvert le portillon encadré d’hortensias mauves. Au bout d’une allée de gravier se dressait un petit pavillon typique de la banlieue rennaise avec ses murs blancs et son toit d’ardoises.

Compte tenu des événements qui avaient précédé, Fabrice se serait attendu à une habitation moins normale. Corentin n’avait pas perdu de temps, il l’attendait devant la porte ouverte.
— Tu vas finir par prendre froid si tu restes planté là.
Presque rassuré par la banalité de ce pavillon, Fabrice remonta l’allée et entra à l’intérieur.

Même si le couloir était faiblement éclairé par un plafonnier en pâte de verre orange, il avait un air normal avec son papier peint rayé. Ce n’était pas le cas des marmonnements et de la fumée d’encens qui filtrait sous la porte du salon.
— Ma tante est en pleine séance de divination, expliqua Corentin un peu gêné. On va plutôt aller directement dans ma chambre pour ne pas la déranger.
— Ta tante fait de la divination !
— Oui, elle est voyante. En général, elle se sert de cartes de tarot, mais de temps en temps ses clients demandent du spectaculaire.

vendredi 18 décembre 2009

Chapitre 1 de Limonade - Episode 3

Son premier acte censé fut donc de présenter ses excuses à l’intéressé. Il réalisa aussi que même si elles étaient acceptées avec le sourire, des excuses n’avaient jamais empêché quelqu’un d’attraper froid.
— Je sais que ça va te paraitre bizarre, mais si tu veux que je te prête des vêtements, tu n’as qu’à m’accompagner chez moi. Encore désolé de t’avoir arrosé.
— C’est la première fois qu’on me prend pour un sorcier maléfique. Je suis juste un peu surpris… et trempé, ajouta-t-il.

Maintenant que Corentin s’était calmé, Fabrice pouvait se préoccuper de l’état de ses vêtements. Son sweat-shirt avait absorbé la plus grosse partie de l’eau bénite, il le retira et le tordit en espérant le sécher un peu. La flaque qui se forma à ses pieds était de belle taille.
— J’ai pris le plus grand seau que j’ai trouvé chez ma tante, expliqua l’apprenti exorciste.
— Le livre aussi était le plus gros que ta tante gardait dans son grenier ?
— Pas dans le grenier, elle le range avec les autres dans le salon.

Corentin prit alors la mesure de l’énormité de ce qu’il venait de dire.
— Tu vas penser que ma tante est folle.
— Pas plus que toi…
À peine l’avait-il prononcée que Fabrice se rendit compte que sa phrase était particulièrement blessante.

Un courant d’air froid lui fit réaliser que son T-shirt était trempé. Il était complètement glacé et allait devoir accepter l’offre de son agresseur.
— Si je pensais que tu étais fou, est-ce que je te demanderais de me prêter un T-shirt ?
— Un pantalon aussi, ton jean est vraiment mouillé.

mercredi 16 décembre 2009

Chapitre 1 de Limonade - Episode 2

Sans vraiment s’en rendre compte, Corentin lui fit alors part des soupçons qu’il nourrissait à son égard. Très vite, son discours devint un mélange incohérent d’événements réels et de croyances infondées. Fabrice l’arrêta :
— J’ai bien tout compris, c’est parce que tu as peur pour Gwenaëlle que tu m’as arrosé. J’ai quand même du mal à comprendre pourquoi tu parles autant de sorcellerie. Tu pourrais reprendre ton histoire depuis le début ?

Rassuré par l’attitude concernée de Fabrice, il reprit alors les événements qui l’avaient amené à le suspecter de pratiquer la magie.
— Au début de l’année Gwen et moi, on était tout le temps ensemble. Elle a commencé à me parler de magie et de quelqu’un qu’elle a rencontré sur Internet. Elle m’en parlait de plus en plus et me disait à quel point il était génial. Elle racontait qu’il la comprenait et allait se servir de ses pouvoirs pour l’aider.
— Je commence à comprendre. Tu penses que puisque je suis le petit ami de Gwen, c’est moi le garçon d’Internet.
— Oui.
— Je suis désolé de te décevoir, mais non. Il n’y a même pas de modem chez moi.

Les espoirs de Corentin de voir sa meilleure amie redevenir comme elle était avant cette entrée au lycée s’évanouirent. À la lumière de cette désillusion, il découvrait horrifié qu’il s’était couvert de ridicule devant un parfait inconnu. Enfin, pas totalement inconnu puisqu’en tant que petit ami de Gwen, Fabrice faisait partie de sa vie.

lundi 14 décembre 2009

Chapitre 1 de Limonade - Episode 1

Quand on a longuement préparé un plan et que l’on s’apprête à le mettre en action, il peut arriver que l’on se sente totalement calme. C’est précisément dans cet état d’esprit que se trouvait Corentin cet après-midi là, sur le parking de son lycée. Dans une main, il tenait un seau d’eau bénite et dans l’autre un livre d’incantations magiques.

Depuis déjà une heure, il attendait derrière un platane. La température avait commencé à baisser rendant l’attente encore plus inconfortable. Corentin commençait à avoir froid, mais pour boutonner son blouson il lui aurait fallu poser soit le seau, soit le livre. Or il tenait à être prêt pour le moment où Fabrice sortirait, il n’aurait pas de seconde chance de le surprendre.

Un grincement métallique alerta l’adolescent. Il jeta un coup d’œil en direction du portail et reconnut Fabrice à son sweat-shirt bordeaux et à son jean trop large. Dès que celui-ci passa à sa portée, il bondit de derrière le platane et lui balança le contenu du seau en pleine figure. Puis il ouvrit son livre à la page des formules d’exorcisme et commença à lire à voix haute.

Au lieu des manifestations démoniaques attendues, Fabrice resta immobile en dépit des gouttes d’eau qui lui coulaient sur le front. Reprenant ses esprits, il prit le livre des mains de Corentin et lui en donna un coup sur le crâne.
— Maintenant, tu vas m’expliquer ce qui se passe au lieu de baragouiner n’importe quoi.

Ces paroles firent à Corentin l’effet d’une douche froide. Sa certitude que Fabrice recourait à des pouvoirs maléfiques pour abuser Gwen vacilla ; Fabrice ne réagissait pas en sorcier. Compte tenu du fait qu’il venait de recevoir un seau d’eau sur la tête, il était même plutôt détendu.

vendredi 11 décembre 2009

Illustration de Fabrice

Et maintenant,voici Fabrice Herant :

mercredi 9 décembre 2009

Illustration de Corentin

Pour commencer,voici le personnage de Corentin Pierre :




lundi 7 décembre 2009

Limonade - Teaser

Après une semaine de blabla, je pense qu'il en temps de me remettre à publier de véritables textes. Mais avant de m'attaquer au découpage du premier chapitre, je voulais vous faire profiter des deux illustrations réalisées par Maïté.

Cette semaine sera consacrée aux dessins de Corentin et Fabrice, les deux héros de Limonade. Pour vous donner envie de revenir, voilà le teaser de Limonade :

" Pour Corentin l'entrée du lycée a été la source de nombreux changements. Il a du aller vivre chez sa tante, une voyante dont le chat le déteste, mais surtout il a perdu le lien qu'il entretenait avec Gwenaëlle, sa meilleure amie. Cette séparation est d'autant plus forte que l'adolescente se pique de magie noire.
Afin de la libérer de l'emprise maléfique de son petit ami, Corentin va jouer le tout pour le tout en se lançant dans l'exorcisme sauvage."

C'est promis, le chapitre 1 débutera le lundi 14 décembre.

vendredi 4 décembre 2009

La meute - Teaser



L'homme-loup illustré (par mes modestes soins) ci-contre est Vague, l'un des principaux personnages d'une nouvelle histoire.

J'ai retrouvé le début dans un dossier oublié et j'ai bien l'intention de me replonger dans ses aventures d'ici quelques temps.

Ça va parler d'humains, de loups, de créatures ailées et bien sûr de monstres. J'ai tout plein d'idées, il n'y a plus qu'à les mettre sur papier.








PS : désolée pour la piètre qualité de mes dessins, les autres seront faits par quelqu'un de bien plus doué, c'est promis...

mercredi 2 décembre 2009

Éveil & Pénombre

Il y a un sujet dont j'ai envie de parler depuis plusieurs semaines déjà, il s'agit du fanzine Éveil et de son jumeau maléfique, Pénombre.

La magnifique couverture que vous voyez là est celle du premier numéro d'Éveil dont le thème est Lucioles.

La ligne directrice ce fanzine est la suivante : "Éveil tourne autour d’un instant lumineux, d’un point de bascule. On y respire la liberté de la chute, la fraîcheur de l’avenir empli de promesses et de possibilités."

Personnellement, je serais plus attirée par Pénombre, mais c'est une question de goût. Je vous en reparlerais lorsque le premier numéro sera sorti, ce qui devrait être une question de jours maintenant.


Pour avoir davantage d'infos sur ces fanzines c'est sur le blog du projet Transition que ça se passe.

Bonne lecture et bon courage au passionnés du projet Transition !

lundi 30 novembre 2009

Chevalier Soleil et Dame Amort

Chevalier en armure Soleil
Tu rêves d’une Princesse
Aux yeux couleur de ciel
Oublié un temps, tu confesses.

Amant d’un amour éternel
Tu te réveilles la nuit finie
La peau couverte de sel
Tes songes étranges s’oublient.

Tu aimes un idéal inaccessible
Hypocrite tu nies jusqu’à ta vie
Pour plonger à travers l’impossible
Tu te noies dans l’envie.

Mais le cœur battant aux vents
Tu salis sa peau d’échardes
Les doigts couverts de sang
Poisseux, elle cauchemarde.

Le temps te tue lentement
Dans cette semi obscurité
Où tu t’enfonces plus avant
La poussant à abandonner.

Mais tu ne sais reconnaître
La douleur lorsqu’elle te broie
Et détruit cet amour à naître
Cette fille invisible te noie.

Cette belle a un goût de fiel
Trop réaliste dans tes rêves
Tu oublies que tout est irréel
Même lorsque ton corps se lève.

La Princesse est trop belle
Et son visage trop parfait
Pour ton regard mortel
Tu veux ce qu’elle défait.

Tu veux son amour sans retour.
Elle veut ta vie à jamais.
Elle t’aura pour toujours.
Tu n’auras rien, elle te hait…

vendredi 27 novembre 2009

Le pendule du vorcier - The end

Ca y est, le dernier épisode de la nouvelle de vampire a été publié.

J'espère que vous avez aimé les aventures du trio Guillaume, Lola et Alex. Pour le moment, je n'ai pas prévu d'écrire une suite, mais il est possible que je m'y remette un jour. Le personnage d'Alex est vrai plaisir à décrire.

Si vous avez des remarques, elles sont les bienvenues. Je préviens cependant que je ne compte pas revenir sur ce qui a été publié (sauf grosse erreur de ma part).

Pour ceux qui aimeraient commencer la lecture maintenant, c'est ici pour l'épisode 1.

Tout est dit.

mercredi 25 novembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 25

Un mois plus tard, Lola n’était toujours par reparue. Pourtant, même si je n’avais plus le moindre sentiment pour elle, je continuai d’espérer la revoir. Sa disparition était passée inaperçue au lycée. Ses parents avaient déménagé et les professeurs avaient reçu un courrier pour confirmer cette version.

Je n’avais pas non plus revu Alex depuis la nuit de l’incendie. Le portail de sa maison était verrouillé et je n’avais pas osé escalader la grille. J’étais persuadée qu’elle savait ce qui était arrivé à ma petite amie, mais je n’étais pas certain d’avoir envie de l’entendre.

Pour moi, il n’était plus question de mener une existence d’adolescent ordinaire. Cette rencontre brutale avec un univers surnaturel m’avait rendu mélancolique et soucieux. Je préférais désormais la solitude et m’étais approprié le parc qui s’étendait derrière le lycée.

J’étais assis sur un banc lorsque Mathilde vint me rejoindre. Mon premier geste fut d’éteindre la cigarette que j’étais en train de fumer. Je préférais rester discret sur cette mauvaise habitude que je devais à Alex.
— J’ai demandé à Rémi où tu étais passé et selon lui tu traines souvent ici, dit-elle en s’asseyant à côté de moi.

Cette visite était des plus surprenantes. Je m’étais mis à éviter tout ce qui pouvait me rappeler l’existence de Lola. Cela faisait plus d’un mois que je ne lui avais plus adressé la parole.

Mon silence la mit mal à l’aise, c’était devenu ma meilleure technique pour éviter les questions. Pourtant, elle n’abandonna pas.
— Je suppose que tu n’as pas eu de nouvelles de Lola.
— Non.
— C’est triste, ce qui lui est arrivé.

Le tour que prenait cette conversation ne me plaisait pas du tout. Je m’apprêtais à me lever, mais Mathilde me retint.
— Personne ne parle de ce qui lui est arrivé, comme si tout le monde avait oublié son existence. J’ai l’impression que mon amie était un fantôme, que j’étais la seule à la voir, à me souvenir d’elle.

J’allais lui répondre que Lola avait simplement déménagé, lorsque je vis les larmes qui perlaient au coin de ses yeux. Les verres de ses lunettes rendaient ses larmes encore plus grosses. Je réalisai qu’il n’y avait rien à répondre, juste à l’écouter et à la rassurer. J’eus envie de déposer un baiser sur ses joues piquetées de taches de rousseur.

Comme elle fixait toujours ses pieds, j’approchai mon visage d’elle. Au dernier moment, elle se tourna vers moi et mon baiser atterrit sur ses lèvres. Je me serais attendu à une gifle, mais Mathilde se contenta de sourire.

lundi 23 novembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 24

Après une nuit de sommeil, j’avais le sentiment que les choses étaient redevenues normales. Je laissai la chaleur de mon lit derrière moi pour descendre dans la cuisine. Avant de passer la porte, je sus que mon père était revenu de son congrès. Il était le seul de la famille à écouter la radio pendant le petit-déjeuner.

J’avais un peu d’appréhension à l’idée de découvrir les conséquences des événements d’hier soir. Alex ne m’avait pas dit ce qu’elle comptait faire de Lola, mais j’espérais qu’elle aurait pu la délivrer de l’influence du sorcier maléfique. Le meilleur endroit pour avoir des informations était le lycée, ce qui m’obligerait à retourner dès ce matin.

Mon père me regarda avec étonnement lorsque j’entrai dans la cuisine.
— Je crois que tu étais malade, s’inquiéta-t-il.
— Oui, mais je pense que c’était un coup de fatigue. Et puis, ça m’embête de rater plus de cours.
— Il te faudra un fortifiant si tu continues à être épuisé comme ça.
C’était tout à fait le genre de phrases auxquelles j’avais droit régulièrement.

Les informations à la radio mirent fin à cette conversation. L’animateur du journal annonça le décès d’un professeur de mon lycée dans l’incendie de son domicile. Mon père s’arrêta de boire son café et me demanda :
— Tu connaissais cet homme, Kaenel ?
— Non, c’était un professeur de littérature et je n’avais pas de cours avec lui.

Je dus faire un effort pour contrôler ma voix et mon attitude. Cette nouvelle m’avait davantage affecté que je ne pensais. Heureusement, mon père ne remarqua rien et je pus terminer mes céréales tranquillement.

Une fois au lycée, j’attendis l’arrivée de Lola avec inquiétude. Le cours de physique commença sans qu’elle soit arrivée, puis ce fut celui de biologie. À la fin de la matinée, je décidai d’aller demander aux professeurs s’ils avaient des informations sur son absence. Ce n’était pas le cas, mais aucun d’entre eux ne fit le lien avec la mort de Kaenel.

vendredi 20 novembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 23

Ma petite amie gisait sur le parquet, les yeux écarquillés. Les carreaux qui la maintenaient au sol avaient déchiqueté ses paumes ; il y a avait des traces de sang partout autour d’elle. Les bougies renversées finissaient de se consumer et le pentacle était presque effacé.
— C’est une sacrée pagaille, commenta Alex dans mon dos.
— Oui. Ça ne va pas être simple à expliquer ?

Je m’imaginais déjà en train de raconter à mes parents que j’avais manqué d’être sacrifié par ma petite amie et un professeur de littérature. Quant à parler de l’intervention miraculeuse du vorcier qui avait les massacrés, je savais que ça n’allait pas arranger les choses. La voix toujours calme d’Alex coupa net mes pensées.
— On ne va rien expliquer du tout.
— Comment ça ?
— Tu vas sortir par l’arrière de la maison et moi je m’occupe de nettoyer.

Bien que je me demande de quelle manière elle comptait remettre cette pièce en ordre, je lui obéis sans discuter. Elle paraissait avoir une certaine habitude des situations étranges.
— Tu peux récupérer ça, dit-elle en me tendant un morceau de papier.
— Qu’est-ce que c’est ?
Alex haussa les épaules.
— Tu verras plus tard. Maintenant, files d’ici !

Je quittai donc le pavillon de Kaenel en passant par une des fenêtres puis traversai le jardin. Je remontais la rue jusqu’à l’arrêt de bus. Par chance, je n’étais pas resté longtemps dans les griffes des sorciers. Je pouvais espérer prendre le dernier bus et rentrer chez moi avant que me mère ne s’inquiète de mon absence.

Puisque j’avais du temps devant moi, je dépliai le papier que m’avait donné Alex. Il s’agissait du mot que j’avais laissé à ma mère avant de partir. J’allais être bon pour des sérieuses de remontrances à mon retour, d’autant plus que j’avais prétendu être malade ce matin.

Soudain, je vis un nuage de fumée s’élever de la rue d’où j’étais arrivé. Des flammes orange illuminaient le ciel nocturne. J’étais à peu près sûr qu’elles venaient de la maison du professeur de littérature. Alex avait une façon radicale de faire disparaître cette scène gênante. C’était probablement mieux que personne ne découvre ce qui était advenu des sorciers.

Une série de camions de pompiers passèrent devant l’arrêt, puis ce fut au tour d’un bus. Je laissai derrière moi le feu qui dévorait les souvenirs de cette soirée. Me faire disputer par mes parents était infiniment moins grave que finir égorgé sur une toile cirée.

En arrivant chez moi, je m’étais résigné à entendre plus de cris que je n’en avais jamais entendus. À ma grande surprise, ma mère me demanda si j’avais pu rattraper mes cours.
— Pas vraiment, répondis-je sur la défensive.
— Lola n’a pas pu t’aider ?

Le mot posé dans vide-poche me fournit toutes les explications dont j’avais besoin. Il prétendait que j’allais chez Lola pour récupérer les cours et que son père me ramènerait à la maison.
— Lola et moi nous sommes disputés.
C’était une version très édulcorée, mais ma mère comprendrait que je n’aie pas envie d’entrer dans les détails.

mercredi 18 novembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 22

J’avais beau être curieux, je n’avais pas l’intention de descendre assister à l’affrontement entre un sorcier et la créature qui avait juré sa perte. Le bruit de leur combat remontait jusqu’à moi, mêlé aux vociférations de Lola.

Je descendis les dernières marches sur la pointe des pieds. Le couloir avait été ravagé par les carreaux d’arbalète et la boule de feu. Seuls un vase décoratif et le guéridon qui le soutenait étaient restés en place. La salle de séjour se trouvait sur ma gauche et deux portes fermées occupaient le mur de droite. Je choisis de tenter ma chance avec la première qui se révéla être un placard rempli de balais et de produits d’entretien.

Pour atteindre la seconde porte, je devais passer devant l’ouverture sombre menant au salon. Je longeai le mur opposé avec le plus de discrétion possible, quand je vis ce qui se passait à l’intérieur de cette pièce.

Kaenel avait invoqué une épée de flammes pour combattre son adversaire. Celle-ci se contentait de sa batte, même si le contact avec l’arme du sorcier l’avait roussie. Pour le moment, le combat était au point mort. À proximité du pentacle, Lola se tortillait sur le sol. Elle avait cessé de crier et tentai de se relever en gémissant. Ses mains étaient clouées au sol par des carreaux.

Je souhaitais aider Alex, mais je craignais de l’encombrer, ou de prendre un mauvais coup. À la recherche d’un moyen de lui prêter main-forte, mon regard se posa sur le vase intact à quelques pas de moi. Je me glissai jusqu’à lui, l’attrapai, puis revins devant l’embrasure.

Une fois en place, j’attendis que Kaenel se place dans l’alignement de la porte. Ayant deviné mon intention, Alex l’attaqua sans relâche pour le forcer à reculer. Le combat prit fin lorsque j’abattis le vase sur le crâne du sorcier. Les éclats de faïence peinte volèrent dans la pièce. La vampire profita du choc pour envoyer un coup violent dans la mâchoire de son adversaire qui s’effondra.

La défaite du sorcier affecta aussi Lola. Elle cessa de hurler, un masque de stupeur collé à la figure. Après s’être assurée qu’aucun d’eux ne risquait de lui poser à nouveau problème, Alex se tourna vers moi.
— Merci pour le coup de main.
J’étais encore trop sonné par les événements qui venaient de se dérouler que je ne lui répondis même pas.

lundi 16 novembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 21

Je montai les marches quatre à quatre. Les pas que j’entendais derrière moi étaient ceux du sorcier, Lola n’aurait pas fait autant de bruit. Arrivé sur le palier, je n’y voyais rien. Je poussai la première porte sur ma droite et entrai dans la pièce. La lumière du réverbère dessinait une ligne orangée sur le sol. Je la suivis jusqu’à la fenêtre en faisant le moins de bruit possible.

Sur le palier, j’entendais les déplacements de Kaenel. Je redoublais de précaution au moment d’ouvrir la fenêtre. Elle pivota en silence sur les gonds. Rassuré par l’absence de bruit, j’entrepris de faire de même avec les persiennes. J’avais l’intention de me laisser tomber dans les roses trémières et de fuir à travers le jardin.

Malheureusement, les volets métalliques grincèrent. Le bruit dut s’entendre dans tout l’étage. Je me hâtai de rabattre le second volet, mais lorsque la lampe s’alluma dans la pièce, je restai figé. Cet instant d’hésitation ne dura pas. J’allais sauter dans le jardin quand un cri retentit.

C’était la voix de Lola, elle hurlait de douleur. Le visage de Kaenel se déforma sous le coup de la surprise, puis, sans un regard pour moi, il quitta la pièce en courant. La perspective d’un atterrissage brutal dans les roses trémières me parut tout de suite moins séduisante. Je décidais de redescendre pour tenter ma chance des fenêtres du rez-de-chaussée.

J’étais arrivé au milieu de l’escalier quand je vis le sorcier tendre le bras vers Alex. Une boule de feu quitta sa main pour exploser sur la jeune femme. De la fumée, ainsi qu’une odeur de chair carbonisée emplit le couloir. Pourtant, la vampire était toujours debout. Son bras gauche était brûlé du coude au poignet, mais elle ne paraissait pas en souffrir.

À l’intérieur du salon, les cris de douleur de Lola s’étaient transformés en insultes et en malédictions. Je n’arrivais pas à croire que ma petite amie puisse hurler de telles horreurs faisant références à l’Enfer et aux tourments qui y attendaient son ennemie.
— Si tu veux récupérer ta femme, il va falloir venir la chercher, cracha Alex au sorcier avant de regagner la pièce.
Ces paroles enflammèrent littéralement Kaenel. Il se lança à la poursuite de la jeune femme entouré d’un halo de flammes crépitantes.

vendredi 13 novembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 20

Le bruit d’une porte en train de s’ouvrir me redonna l’espoir d’être secouru. Malheureusement, le miroir du salon ne reflétait qu’un corridor vide. Si je devais être sauvé, ce serait par un courant d’air. Les deux sorciers ne semblaient s’être aperçus de rien. Lola remettait la toile en place sur la table, ensuite, Kaenel me releva.

Soudain, Lola poussa un cri aigu. En fait de vent, c’était une personne qui venait d’entrer. J’eus à peine le temps de jeter un regard sur la silhouette qui se tenait à l’entrée du salon. En dépit de la faible luminosité et du fait que le sorcier me poussa à l’écart, je reconnus la figure blafarde d’Alex.

Je retrouvai mon équilibre juste au-dessus du pentacle. Un claquement sec retentit, suivi de plusieurs autres. Je tournai la tête assez vite pour voir Alex lâcher l’arme qu’elle tenait à la main et reculer dans le couloir. Des tiges de bois empennées lui sortaient de la poitrine. Les doigts crispés sur les plumes noires, elle fit un dernier pas en arrière, puis s’affala contre le mur.

Un bruit d’engrenage dans mon dos m’informa que le sorcier était en train de recharger son arme. Je sortis de la pièce en vitesse, bousculant Lola au passage. Alex était allongée sur le sol, un liquide sombre suintait autour des tiges. Ses lèvres rouges étaient tordues en un rictus de douleur. Pourtant, elle gardait les yeux ouverts et elle paraissait encore lucide.

Je m’agenouillai à côté d’elle. Ses iris trop pâles se fixèrent sur moi, tandis que j’examinai ses blessures. Ce n’était pas des flèches que Kaenel lui avait tirées dessus, mais des carreaux d’arbalète. J’avais encore quelques minutes avant qu’il ne puisse tirer de nouveau, j’en profitai pour tenter d’arracher l’un des carreaux.

Alex grimaça, puis repoussa ma main.
— Je vais me débrouiller toute seule avec ses deux là. Contente-toi de filer.
J’acquiesçai, même si je ne voyais pas comment elle comptait se sortir de cette situation. Avec un faible sourire, elle extirpa le carreau enfoncé dans son épaule.

Mon premier réflexe fut de prendre la direction de la porte d’entrée. Cependant, le souvenir des ombres qui m’y avaient assailli me fit renoncer. Je n’avais pas les capacités d’Alex que je soupçonnais d’être surnaturelles.

Le cliquètement de l’arbalète précéda la salve de carreaux qui se plantèrent dans le mur au-dessus de nous. J’étais protégé par le cadre de la porte et Alex avait rampé pour se mettre à l’abri. Je la vis ramasser la batte de baseball qu’elle avait apportée en guise d’arme.

Aucun de nous n’était blessé, mais pour sortir il m’aurait fallu que je traverse le couloir. Dans ce cas, j’aurais été une cible parfaite pour Kaenel. Je fis donc demi-tour et m’engageai dans l’escalier.

mercredi 11 novembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 19

Soudain, la lumière des bougies s’intensifia. Le bruit de pas sur le plancher me laissait penser que Kaenel venait d’entrer dans le salon. À la lueur vacillante des bougies, je vis une silhouette sombre s’approcher du canapé. La main qui émergea d’une manche de sa robe pour se poser sur l’épaule de Lola était sans le moindre doute celle du professeur de littérature.

Ce geste avait beau être réconfortant, elle se recroquevilla un peu plus entre les coussins.
— Je ne peux pas faire ça.
— Si, tu peux.
— C’est trop dur, il ne me mérite pas ça.
Elle jeta un regard dans ma direction. Le ton de sa voix et son allure montraient que la situation lui était pénible. Depuis qu’elle m’avait attiré ici, elle était rongée par la culpabilité. Je n’avais pas la moindre idée de ce qui m’attendait, mais elle oui. Si elle s’en voulait autant, c’est que les choses risquaient de mal tourner.

Kaenel sortit un objet métallique de sous sa robe. La lumière des bougies se refléta sur une lame ondulée de la taille de son avant-bras.
— Élisabeth chérie, tu dois le faire pour retrouver tes pouvoirs. Tu as envie de redevenir aussi forte que le siècle passé, n'est-ce pas…
Lola hocha la tête. Ce ne devait pas être la première fois qu’il l’appelait Élisabeth.
— Rappelle-toi comme tu étais puissante à l’époque. Ensemble, nous étions des dieux, les dieux du feu.

Les flammes se mirent à danser à l’évocation des anciens pouvoirs des sorciers. S’ils étaient si redoutables, comment avaient-ils été réduits à se rencontrer dans un lycée ? Je repensai aussi à Alex qui les cherchait avec son pendule.
— C’était avant qu’un vorcier ne vienne, demandais-je.
Je n’étais absolument pas sûr de moi, ni de ce que j’avançai. Pourtant, ma remarque fit mouche. La pièce fut plongée dans l’obscurité.
— Comment connais-tu ce nom ? siffla le sorcier furieux.

Je n’avais pas envie de répondre. J’avais trop peur de ce que je pourrais lui révéler sur Alex. Kanel se releva, s’approcha de moi et tint mon visage entre ses deux mains.
— Tu vas me dire tout ce que tu sais de ces maudits vorciers.
Ce n’était pas une question. Cependant, je ne pus m’empêcher de secouer la tête en signe de dénégation. D’une poussée, il me projeta en arrière. Mon crâne heurta le rebord de la table et je m’affalai sur le sol.

J’entendis le sorcier dire à Lola qu’ils n’avaient plus le temps et qu’ils devaient procéder d’urgence au sacrifice. Elle hocha la tête, se leva du canapé, puis prit le poignard des mains de son amant.

J’avais un très mauvais pressentiment concernant l’objet du sacrifice. Je tentai de me remettre sur mes jambes en m’accrochant à la table, mais je ne réussis qu’à mettre la nappe par terre. Empêtré dans la toile cirée, je ne savais pas par quel moyen j’allais bien pouvoir me sortir de là.

lundi 9 novembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 18

J’ignorai ce qui se trouvait de l’autre côté de cette porte, mais je fus comme aspiré à l’intérieur. Des ombres m’entourèrent et tournèrent autour de moi telles une nuée de chauves-souris impalpables. J’eus beau me débattre, essayer de fuir, elles s’accrochaient toujours.

Le claquement de deux mains l’une contre l’autre dissipa les illusions. Je me trouvais debout au milieu de ce qui devait être le salon de Daniel Kaenel. Sur le sol, une sorte d’étoile était tracée à la craie. Elle avait cinq pointes, au bout desquelles brûlaient cinq bougies. Le fait qu’elles soient noires ne me surprit pas tant que ça.

En dehors des bougies, il n’y avait aucun éclairage dans la pièce. Les rideaux occultaient la lumière du crépuscule. Peu à peu, mes yeux s’habituèrent à l’obscurité et je parvins à reconnaître les formes des meubles. À ma droite, il y avait une table tout ce qu’il y a de plus ordinaire, hormis la toile cirée rouge qui la recouvrait et les bols situés à côté de ses pieds. Les chaises avaient été empilées et le tapis roulé dans un coin.

Je tournai la tête pour observer le canapé. Une silhouette enveloppée d’un capuchon noir y était assise et évitait de poser son regard sur moi. La chaussure qui dépassait du bas de la robe était celle de Lola. Je comprenais mieux pourquoi elle avait tenu à ce que je l’accompagne, Daniel et elle m’avaient tendu un piège.

Je préférai attendre de voir ce qu’ils me réservaient avant de lui en vouloir. La présence du pentacle et des bougies me laissait penser que j’allais être le témoin de quelque phénomène paranormal. Pourtant, le véritable sorcier n’avait pas encore fait son apparition.

vendredi 6 novembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 17

En fin de journée, les bus étaient moins fréquents. J’avais donc un quart d’heure de retard quand j’arrivai au jardin d’enfants. Lola était assise sur la balançoire. Ses lèvres remuaient comme si elle était en train de répéter une leçon et elle mâchouillait l’ongle de son pouce.

Lorsqu’elle me vit arriver, elle se leva d’un bond.
— J’avais peur que tu ne viennes pas, dit-elle d’une petite voix.
— Désolé pour le retard. Tu veux qu’on attende un peu avant d’y aller, proposais-je en voyant qu’elle avait les yeux rouges.
— Non, ça ira.

Sa main se serra autour de la mienne et nous quittâmes le parc. Traverser la rue fut plus difficile que je ne l’aurais cru. La main de Lola est humide sueur. Je ne l’avais jamais vue aussi nerveuse que lorsque nous passâmes le portail du jardin de Kaenel.

Quelques roses trémières émergeaient des herbes hautes qui avaient recouvert la pelouse. Leurs fleurs roses et rouges étaient la seule touche de couleur vive entourant la maison. Les murs de pierre étaient gris et les volets peints en bordeaux. Derrière les vitres, des rideaux noirs dissimulaient complètement ce qu’il y avait à l’intérieur.

Les graviers de l’allée crissaient sous les semelles de mes chaussures. C’était le seul bruit que j’entendais, avec celui de nos respirations. Le soleil était couché et tous les habitants de la rue vaquaient à leurs occupations. Ils n’avaient aucune raison de prêter attention aux deux adolescents qui s’apprêtaient à entrer chez un sorcier.

Sur le pas de la porte, Lola arrêta d’avancer. Je me tournai vers elle et vis ses yeux en larmes. Elle n’avait cessé de pleurer depuis que nous étions entrés dans le jardin.
— Je suis désolée, murmura-t-elle.
— Désolée, mais pourquoi ?
— Tu n’aurais jamais dû m’accompagner ici.
Avant que je n’aie posé une nouvelle question, elle posa ses lèvres sur les miennes un court instant. Puis, elle me poussa à travers la porte qui venait de s’ouvrir.

mercredi 4 novembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 16

Ce fut la sonnette de la porte d’entrée qui me tira de ma lecture vers cinq heures. Je laissai passer la première sonnerie, mes parents ne devaient pas rentrer avant le soir. Comme mon visiteur insista, je finis par descendre. À travers l’œilleton, j’aperçus Lola. Sa présence me fit un choc et je lui ouvris dans la seconde.
— Je ne t’ai pas vu au lycée aujourd’hui, alors je m’inquiétais.

J’avais du mal à croire ce qu’elle venait de dire et cela devait se lire sur mon visage. Son sourire disparut en un instant.
— Je n’ai pas été tout à fait honnête avec toi ?
Je décidai de feindre l’ignorance et lui demandai pourquoi.
— Ne fais pas l’idiot, tu as bien dû te rendre compte que quelque chose n’allait pas.

Je regrettai de ne pas avoir pris sa question au sérieux lorsque je vis ses yeux se remplir de larmes.
— Tu voulais me parler de Kaenel ?
— Oui, fit-elle dans un sanglot. Comment l’as-tu découvert ?
— J’ai surpris une conversation au lycée.

Je n’avais pas envie de m’étendre sur le fait que j’avais épié cette conversion et surtout sur sa conclusion tragique. Face à moi, Lola était secouée de spasmes et les larmes coulaient sur ses joues. Je n’avais qu’une envie, qu’elle cesse de pleurer.
— Dis-moi vraiment pourquoi tu es venue me voir.
— Pour que tu m’aides à lui dire que c’est fini.

Après vingt minutes de paroles que j’espérai réconfortantes, Lola finit par se calmer. Elle m’avait fait promettre de la retrouver en début de soirée dans le jardin d’enfants à proximité de chez Kaenel. Elle voulait que je l’accompagne pour aller lui dire qu’elle le quittait.

Je ne voyais pas en quoi ma présence lui serait utile, mais je ne pouvais me résoudre à la laisser se débrouiller toute seule. Je me replongeais dans mes livres. Cependant, je ne pus écarter les pensées qui me harcelaient.

Ce fut presque avec soulagement que je sortis. J’avais laissé un mot dans le vide-poche pour informer ma mère que j’étais allée chez Lola. Je n’avais pas mentionné d’heure de retour, je savais donc qu’elle s’inquiéterait.

lundi 2 novembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 15

Ma mère n’était toujours pas arrivée lorsque je me mis au lit. Dès que j’avais passé la porte, je sus que je ne serais pas capable d’aller en cours aujourd’hui. Je ne pris même pas la peine de régler mon réveil.

Pour une fois, ma mère se laissa prendre à ma simulation de maladie.
— Je t’avais bien dit de te coucher tôt hier. Tu as vraiment une tête affreuse, tu travailles trop.
— Non, non. Ça va très bien au lycée. J’ai juste pris froid en rentrant, ça ira mieux demain.

Après son départ, je me rendormis sans chercher à me souvenir de ce que j’avais fait la veille. Je me réveillai à nouveau en début d’après-midi et me levai pour aller rendre visite à Alex.

Le portail grinçant de sa demeure était entrouvert, tel que je l’avais laissé ce matin. La porte non plus n’avait pas été verrouillée. Je montais l’escalier quatre à quatre pour arriver dans la seule pièce que je connaisse ici : le salon. Alex s’y trouvait. Elle n’avait pas quitté le fauteuil où je l’avais laissée quelques heures plus tôt, mais elle avait repris conscience. Elle me demanda d’aller lui chercher quelques bouteilles.

Il me fallut plusieurs minutes pour trouver la cuisine et ouvrir tous les placards. Les seules bouteilles que je trouvai étaient en verre noir avec des étiquettes écrites à la main. Je les rapportai dans le salon avec un verre. Je détournai les yeux tandis qu’Alex remplissait le verre d’un épais liquide rouge sombre. Le crissement de ses canines contre le verre et le bruit qu’elle fit en buvant suffirent à mettre mon imagination en marche.
— C’est bon, tu peux arrêter de regarder le plafond.

Il aurait été inutile de prétendre que je n’étais pas mal à l’aise. Je me sentais nauséeux, même si je préférais qu’elle se nourrisse du contenu d’une bouteille plutôt que de celui d’un être vivant. Je fus donc soulagé de la voir reposer son verre. Elle se cala plus confortablement dans son fauteuil et ferma les yeux.
— Tu peux y aller maintenant, il faut encore que je dorme.

Je rentrai chez moi et passai une grande partie de l’après-midi à lire. J’avais besoin de me changer les idées. Je n’avais pas envie de repenser à ce que j’avais vu la nuit dernière. Lola sur le pas de la porte embrassant un homme qui s’était révélé être Kaenel.

mercredi 28 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 14

Une heure plus tard, nous nous installâmes dans une aire de jeux pour enfants. De là, nous avions une vue imprenable sur la rue et les maisons de pierres qui la bordaient, toutes identiquement plantées dans des jardins bien entretenus.

Alex escalada les cubes de tubes métalliques. Des écailles de peinture verte tombèrent sur le sable. Elle s’alluma une cigarette et me lança le paquet. Elle ne la fumait pas, mais laissait le tabac se consumer peu à peu.

Je passai la première heure à tourner en rond, marchant sur les rebords du bac à sable, le paquet de cigarettes à la main. La seconde ne fut guère plus palpitante : j’oscillai mollement sur une balançoire.

Après avoir fait le tour des activités du jardin, je finis par renoncer à lutter contre l’ennui. Assis au pied du réverbère, j’avais allumé la première cigarette d’une longue nuit. J’enviais l’immobilité d’Alex, elle avait à peine bougé, perchée sur cet édifice de tubes écaillés. Entre ses lèvres rouges, il ne restait plus qu’un filtre.

Le paquet était fini depuis longtemps lorsqu’Alex atterrit devant moi. Elle me souffla.
— Regarde ! Troisième maison de l’autre côté de la rue.
— Celle avec les volets bordeaux ?
— Oui, la porte vient de s’ouvrir.

En effet, la porte du pavillon qu’elle me désignait était ouverte. Sur le seuil se tenait une jeune fille aux longs cheveux châtains portant une robe noire. Je ravalais une exclamation en reconnaissant Lola. Il y avait quelqu’un derrière elle, mais je ne pouvais pas voir de qui il s’agissait.

Nous attendîmes que le baiser entre Lola et la personne à l’intérieur de la maison se termine. La porte était toujours ouverte quand elle descendit les marches. Arrivée au portail, elle se retourna. L’homme venait de sortir de la maison pour l’embrasser une dernière fois. À la lumière du réverbère, je reconnus Daniel Kaenel.

Avoir assisté à une telle scène m’avait complètement secoué. Alex quant à elle était toujours aussi calme. Nous nous éclipsâmes par l’arrière du parc sans dire un mot. Le dernier bus était parti depuis longtemps, il nous fallait donc rentrer à pied. Le son des cloches nous informa qu’il était trois heures du matin. Nous n’avions plus que trois heures avant le lever du soleil.

Je courrais presque et je dus m’arrêter régulièrement pour reprendre mon souffle. À côté de moi, Alex trottinait à mon rythme. Elle n’avait pas l’air de peiner, mais regardait fréquemment vers l’Est.

Ce fut avec inquiétude que nous vîmes le ciel s’éclairer. Alex avait les yeux rivés sur le sol, elle perdait ses forces à vue d’œil. Il me fallut la supporter pour parcourir le dernier kilomètre, puis la traîner jusque chez elle.

lundi 26 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 13

Je voulais à tout prix me raccrocher à cette idée et décidai de rentrer chez moi avant que mes parents ne s’inquiètent. Je fus bien inspiré d’être revenu à la maison. Le soleil était en train de se coucher et ma mère m’attendait derrière la porte.
— Qu’est-ce que tu faisais Guillaume ?
— Lola était malade aujourd’hui, je suis allé lui apporter les cours qu’elle a manqués.

J’avais de la chance que ma mère connaisse Lola. Sinon j’aurais eu droit à un interrogatoire en règle. Elle poursuivit.
— Comme ton père est parti à un congrès pour trois jours, je t’ai préparé ton dîner. Tu le feras réchauffer à huit heures, je dois aller travailler. Tu devrais te coucher tôt ce soir, tu as l’air un peu fiévreux.

Je prêtai une oreille distraite aux recommandations maternelles. Par la fenêtre, je venais d’apercevoir quelqu’un sauter par-dessus la haie. Il me sembla reconnaître une croix blanche sur le torse de notre visiteur, mais il se dissimula parmi les plantes en un clin d’œil. Lorsque je rentrais dans la cuisine, je trouvais la fenêtre ouverte. J’attendis d’entendre le bruit de la voiture de ma mère s’éloigner pour la refermer.

Alex était là, les fesses posées sur le rebord de l’évier. Ses longues jambes gainées de jean noir étaient croisées devant elle. Sa présence était la dernière chose qui manquait à ma soirée pour basculer dans la folie la plus totale. Comme elle ne m’adressait pas la parole, je l’ignorai le temps de réchauffer mon repas.

Le bourdonnement du four à micro-ondes s’acheva par une série de bips. En récupérant mon assiette, je demandai à Alex.
— Tu en penses quoi, de la combustion humaine spontanée ?
Elle prit de temps de réfléchir avant de répondre.
— Des fois, elle n’est pas spontanée.

Sa réponse me fit sourire. Tout en mangeant, je lui fournis le peu d’informations auxquelles j’avais eu accès à propos de la mort du surveillant. Je réprimai un frisson quand son regard se fixa sur moi. Ses yeux pâles avaient le don de me mettre mal à l’aise.
— Tu penses que c’est le prof qui a cramé l’autre fouineur ?
Je ne savais pas quoi répondre, sa question était abrupte, mais elle faisait écho à mes propres doutes.

Une fois vide, je mis mon assiette dans l’évier. Ce faisant, je frôlai la taille d’Alex. Elle était aussi froide que les meubles de la pièce. Cette sensation accentua encore le malaise que je ressentais à ses côtés. Bien qu’étrange, elle était la seule personne à laquelle je pouvais parler librement.

Une idée pour retrouver Lola me traversa l’esprit.
— Tu as toujours ton pendule avec toi ?
— Oui, pourquoi ?
En guise de réponse, je sortis le portemine bleu de mon blouson et le lui lançai. Elle l’attrapa au vol.
— Tu penses pouvoir retrouver Lola avec ça.
— Oui. Et si tu avais une carte de la ville, ça serait encore plus facile.
— Je vais te chercher ça tout de suite.

Je trouvais une carte dans le bureau de mon père à l’étage. Quand je redescendis, Alex s’était installé sur la table et faisait tourner sa bille noire au-dessus du portemine. Elle le glissa dans sa poche et déplia la carte à la place.

vendredi 23 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 12

Ma première réaction fut de foncer voir Lola. Il y avait manifestement une histoire entre elle et Daniel Kaenel. À la lumière cette révélation, il était logique que je ne lui aie servi qu’à tenter de dissimuler sa véritable liaison.

Le fait d’avoir compris qu’elle m’avait utilisé ne m’empêchait pas de vouloir lui épargner une fin identique à celle du surveillant. La cause de sa mort me paraissait particulièrement suspecte. Combustion humaine certes, mais pour le spontané j’avais de sérieux doutes. D’autant plus que Kaenel ne se trouvait plus dans le bureau lorsque les pompiers étaient arrivés.

Je parcourus la distance qui séparait l’arrêt de bus de chez Lola en courant. Ses parents m’accueillirent avec amabilité. Sa mère me dit de monter à l’étage, sa chambre était la deuxième à droite de l’escalier.

Je m’attendais à voir Lola dans sa chambre. Je l’imaginais en train de travailler, penchée sur son bureau bien rangé. Pourtant, elle n’y était pas. Elle n’était pas non plus sur son lit, ni même dans ses placards que j’avais ouverts croyant à une plaisanterie. Je l’appelai à mi-voix, puis je me résolus à l’attendre.

Elle devait être sortie de la pièce juste avant mon arrivée. J’eus l’impression que les minutes se faisaient de plus en plus longues. J’étais assis sur un couvre-lit à fleurs, entouré de peluches et de coussins. Pourtant, l’atmosphère de cette pièce ressemblait à celle qui flottait dans la demeure d’Alex. Cette étrange impression de vide et de silence, comme si personne ne vivait dans cette chambre.

Je fus à deux doigts de m’assoupir lorsque je réalisai que j’avais passé un quart d’heure à attendre Lola. Je me décidai à demander à nouveau à ses parents où elle était passée. La réponse fut identique, même après que j’aie amené sa mère dans la chambre pour lui faire constater que non, Lola n’était pas dans sa chambre. J’obtins la même réponse de son père et son frère. Pour toute la famille, Lola était dans sa chambre.

Après avoir répété « où est Lola ? » plus de vingt fois, je finis par sortir. Cette histoire était en train de me rendre dingue. Je m’assis sur le trottoir, j’avais besoin de remettre de l’ordre dans mes pensées.

En premier lieu, ma petite amie avait très probablement une liaison avec un professeur du lycée. En second lieu, le professeur en question semblait doté de pouvoirs relevant du paranormal. Et en dernier lieu, Lola avait disparu et ses parents étaient réduits à l’état d’automates, répétant en boucle la même phrase.

Je ne savais que faire, j’avais l’impression de rêver. Cette situation me dépassait complètement. Je me pris à espérer que dès demain Lola soit revenue en cours et me demande d’aller avec elle déposer son mot d’absence dans le bureau du surveillant.

mercredi 21 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 11

Comme je le pensais, je pouvais entendre la conversation entre Kaenel et le surveillant de la fenêtre du laboratoire. Ce dernier était déjà en train d’insulter le professeur. Le motif de sa colère avait été évoqué avant que je n’aie commencé à les épier.

De ce que j’arrivais à comprendre, Kaenel était accusé d’avoir une liaison avec une personne de l’établissement, une élève probablement. Cela ne me surprenait pas, il était extrêmement populaire, en particulier auprès des filles de sa classe. Elles avaient des trémolos dans la voix lorsqu’elles évoquaient ses mains fines, ses yeux verts et son visage d’intellectuel.
— Pour des raisons que vous ne pouvez comprendre, Lola et moi sommes unis par le destin. C’est le fruit d’un heureux hasard si nous nous sommes retrouvés ici, mais je refuse de renoncer à elle au nom de vos principes d’éducation.
— Vous êtes fou Kaenel, et cette folie va vous coûter votre poste de professeur.
— Non, c’est vous qui êtes fou de vous opposer au destin. Et cette folie va vous coûter bien plus que votre poste de surveillant de lycée.

Il en fallait plus que des réponses délirantes sur le destin ou je ne sais quoi d’autre pour faire taire le surveillant. Pourtant, il ne répliqua rien, à vrai dire il n’y eut plus aucun bruit dans le bureau. Je n’entendis même pas la porte s’ouvrir. Je restais assis sous la fenêtre, attendant qu’il se passe quelque chose.

J’étais toujours à la même place, la tête posée sur les bras quand le son strident d’une sirène retentit. Je m’étais probablement endormi, car il s’était écoulé une demi-heure depuis que les voix dans le bureau s’étaient tues.

Par la fenêtre, je vis un camion de pompier se garer au milieu de la cour. Les hommes qui en sortirent se dirigèrent vers le bâtiment où je me trouvais. J’attendis encore un moment, le temps qu’ils montent et arrivent devant le bureau du surveillant. Les coups sourds, suivis d’un craquement, m’indiquèrent qu’ils venaient de défoncer la porte.

En sortant du laboratoire, je croisai un pompier poussant un brancard sur lequel il y avait un tas de cendres, deux pieds dans leurs chaussures et une main intacte. Je l’entendis parler de combustion humaine spontanée.

lundi 19 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 10

De retour au lycée le lundi matin, je me félicitai d’avoir gardé le silence sur ma sortie avec Lola. Je pus donc prétendre avoir passé mon week-end à faire mes devoirs et échapper aux questions indiscrètes.

Les cours habituels se succédèrent toute la matinée. Je m’inquiétai un instant de ne pas voir Lola au milieu de ses copines. Pourtant, ne pas les entendre jacasser son mon compte et sur la sortie ratée me fit plutôt plaisir.

En revenant de la cantine, je croisai le professeur Kaenel devant le bureau du moustachu. Il m’adressa un sourire en coin avant de refermer la porte derrière lui. Un bonjour sec l’accueillit à l’intérieur, le même que celui destiné aux élèves prit en faute. Le claquement de la serrure du bureau confirma mon intuition, la conversation qui allait avoir lieu était importante. Il n’en fallait pas plus pour titiller ma curiosité. C’était au club de Kaenel que Lola passait tous ses mardis soirs.

Je montai à l’étage supérieur et entrai dans le labo de photographie. Celui-ci était situé juste au-dessus du bureau. Suite à une expérience de chimie ratée, j’avais été convoqué dans ce même bureau. J’avais ainsi eu l’occasion de constater que le surveillant laissait sa fenêtre ouverte en permanence, et qu’il parlait très fort lorsqu’il s’emportait.

vendredi 16 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 9

Le samedi après-midi, je pris le bus pour me rendre en centre-ville. Lola avait accepté ma proposition et nous devions nous retrouver devant le parc du lycée à cinq heures. Elle s’était montrée enthousiaste à l’idée d’aller voir le caveau du vampire. L’affiche ne faisait aucun mystère du genre auquel il se rattachait. Le héros et sa fiancée se serraient l’un contre l’autre au milieu d’un cimetière rempli d’ombres menaçantes.

Après avoir fait la queue pour les billets pendant une dizaine de minutes, nous nous retrouvâmes assis côte à côte dans la salle de cinéma. Lorsque la lumière s’éteint, j’eus l’intuition d’avoir commis une erreur en acceptant d’aller voir ce film.

Cette impression se confirma tout au long de la séance. Le comportement de Lola était l’exact opposé que ce à quoi je m’attendais. Elle soupira ouvertement pendant la première partie, jusqu’à ce que la fiancée du héros se fasse enlever par le vampire. Les tentatives de séduction du monstre la firent rire aux éclats et elle insulta presque la fiancée du héros d’y succomber.

Une demi-heure avant la fin du film, je me résignai et cessai d’observer Lola. Je profitai donc pleinement de la poursuite de nuit à travers un cimetière entre le couple de héros et le vampire. C’était cette scène qui illustrait l’affiche et je la trouvais plutôt réussie, même si la fin laissait à désirer.

Je n’avais certes qu’une expérience limitée en matière de vampires, mais il me semblait que les réactions de l’acteur face au crucifix improvisé du héros étaient excessives. Ce pauvre vampire finit empalé par un pieu au pied d’une statue d’ange. Un soleil particulièrement véloce se leva derrière l’ange et transforma le mort-vivant en poussière.

J’étais encore surpris d’avoir vu Lola trépigner de joie tandis que le vampire se désagrégeait. Je me demandai si elle n’était pas plus bizarre que je ne l’avais imaginé. Pourtant, alors que nous attendions le bus, je lui pris la main et tentai de l’embrasser.

Ma tentative était maladroite, mais Lola se révéla adroite pour l’esquiver. Je me sentis profondément ridicule et lui lâchai la main. Le silence entre nous était pesant. Dans l’espoir de détendre l’atmosphère, je lui proposais de lui rendre le portemine bleu qui trainait toujours dans ma poche.
— Je croyais que c’était toujours Mathilde qui l’avait. Tu peux le garder si tu veux.
— D’accord.

Je me retins de lui parler d’Alex que ce portemine intéressait au plus haut point. Au vu de ses réactions durant le film, j’en avais déduit qu’elle ne portait pas les vampires dans son cœur. Visiblement, elle ne m’appréciait pas plus que ça non plus.

J’étais trop déçu sur le moment pour trouver étrange qu’elle ne soit pas rentrée en bus avec moi. J’y réfléchis durant le trajet qui me ramena chez moi, mais ne trouvais pas d’explication satisfaisante.

mercredi 14 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 8

J’eus la satisfaction de constater que mon visage n’avait pas gardé trop de traces de mon insomnie. Les cernes sombres sous mes yeux n’étaient pas très visibles et je n’avais pas l’air d’un cadavre fraichement déterré. Imaginer un mort sortant de sa tombe me fit frissonner. Après tout, les vampires n’étaient rien d’autre que des créatures mortes dormant dans des cercueils.

Pour chasser ces sinistres pensées, j’entrepris de me coiffer. Mes cheveux bruns avaient toujours refusé de tenir en place et ils ne firent pas d’exception ce matin. J’enfilai le premier pantalon que je trouvai et pris un pull dans mon armoire.

Le silence qui régnait dans la maison m’informa que mes parents étaient déjà partis. Je ne pourrais pas compter sur eux pour me déposer au lycée. L’heure n’était pas aux questions vampiriques, j’avais un bus à prendre et trois heures de sommeil à rattraper. En passant, j’attrapai un paquet de biscuits que je grignotais dans le bus.

Je retrouvai Lola en cours. Elle s’était installée au premier rang, trop loin pour que je puisse lui parler. Pendant qu’un élève malchanceux peinait au tableau pour résoudre un problème de mathématiques, je repensais à la visite d’Alex. Où Lola avait-elle pu trouver un crayon qui ait la faculté d’attirer sa curiosité et comment celle-ci avait-elle su qu’il se trouvait dans ma poche ?

Mon air songeur me valut d’être le suivant à passer au tableau. Le professeur n’eut pas le temps de finir de lire l’énoncé que j’avais déjà pris la craie pour écrire la solution. Je fus donc désigné pour terminer la correction des exercices jusqu’à la fin du cours.

Lorsque je retournai à ma place, Lola était déjà sortie bavarder avec ses amies. Je m’intéressai donc à la conversation qui animait Maxence et Rémi.
— Puisque je te dis qu’ils ont adapté ce film d’un livre, affirmait Maxence.
— Je veux bien te croire, mais pas avant que tu ne m’aies dit que quel livre tu parle.
— Un vieux truc. Je l’avais vu à la bibliothèque l’an dernier.

Ne parvenant pas comprendre de quoi ils parlaient, je demandai à Arnaud le point de départ de cette discussion.
— Un film qu’ils sont allés voir mercredi. Le caveau du vampire, il me semble.
— Et il est bien ?
— Je pense que oui, ils n’arrêtent pas d’en parler depuis ce matin.

Je jetai un coup d’œil en direction de Lola qui était toujours occupée avec ses amies. De quoi pouvaient-elles parler à longueur de journée ? Cette fois, je pris sur moi et allai la voir avant la fin de la pause. Il était temps que je lui propose d’aller avec moi au cinéma, puisque j’avais enfin un film à lui proposer.

lundi 12 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 7

Soudain, je sentis un courant d’air froid sur ma nuque. Je me relevai d’un bond, pour tomber nez à nez avec Alex. Me retrouver à quelques centimètres de son visage blême me causa une frayeur telle que j’en retombai sur ma chaise.

Je constatai avec satisfaction qu’elle avait pris la peine de se vêtir correctement. Pourtant, je fus à deux doigts de revoir mes hypothèses concernant son statut de vampire quand je constatais que son T-shirt noir était orné d’une immense croix blanche. Son regard capta le mien avec une étrange acuité, puis elle sourit sans desserrer les lèvres. Je parvins à coasser plus qu’à demander.
— Tu n’as pas peur des croix ?
Son rire me fit frissonner, cette fille ne pouvait pas être normale.
— Tu peux constater que non…

L’image de ses canines pointues sur la photographie prise par Nicolas restait incrustée dans ma mémoire. De plus, elle attendait toujours le coucher du soleil pour se manifester. Elle ne pouvait pas être autre chose qu’un vampire.
— Pourtant, tu es un...
J’avais arrêté ma phrase à temps, mais Alex avait cessé de rire. Elle attendait la suite, les bras croisés sous la poitrine.

Comme je gardais le silence, elle continua à ma place
— Tu voulais dire vampire, je suppose…
Je n’avais pas la possibilité de mentir, pas quand elle me fixait avec ce regard pâle.
— Oui, je pensais que tu étais un vampire.
— Tu te trompes, murmura-t-elle. Je suis un vorcier.

J’ignorais ce qu’était un vorcier, mais je ne tenais pas à le savoir pour l’instant. La conversation que nous venions d’avoir m’avait sérieusement ébranlé. Je me surpris à penser qu’elle aurait pu être séduisante sans sa peau trop pâle et les mèches de cheveux qui lui retombaient devant le visage.

Le mouvement qu’elle fit en direction de ma chaise me prit par surprise. Elle s’était emparée de mon blouson avant même que je ne puisse l’en empêcher. Comment pouvait-elle se déplacer aussi rapidement ? Elle ouvrit mes poches les unes après les autres pour les fouiller.
— Où as-tu eu ce truc ?
Par truc, je compris qu’elle désignait le portemine bleu pailleté de Lola.

Elle me demanda en bloc à qui il appartenait, depuis combien de temps je l’avais et, plus étonnant encore, si elle pouvait le garder. Je m’opposai à sa dernière requête, j’avais l’intention de le rendre à Lola le lendemain. Alex ne s’en formalisa pas, je crus déceler une lueur d’intérêt dans ses yeux quand je prononçai le prénom de ma petite amie.

Elle tenait toujours le portemine quand elle alla s’asseoir sur le lit. Elle sortit une sorte de bijou de la poche de son jean. C’était une bille noire suspendue au bout de sa chaîne à laquelle elle fit décrire des cercles au-dessus du crayon. La main d’Alex était immobile, elle se contentait d’observer les rotations du pendule.

D’une impulsion, la bille regagna sa main. Son sourire était différent, elle semblait très satisfaite. Elle me lança le crayon et me remercia. Le temps que je le remette dans ma poche, elle avait disparu.

Ce ne fut qu’une fois allongé sur mon lit que je me détendis. Rétrospectivement, j’étais mort de trouille. Alex avait la capacité d’apparaître ou de disparaître à volonté, ce qui était loin de m’aider à trouver le sommeil.

La fatigue finit par me prendre par surprise peu avant l’aube. En m’éveillant, j’avais l’impression de ne pas avoir fermé l’œil de la nuit. Il me fallut plusieurs minutes sous une douche froide pour émerger. La visite d’Alex m’apparaissait à présent comme un mauvais rêve. Pourtant, je savais qu’il n’en était rien.

vendredi 9 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 6

Cette journée avait bien commencé, malheureusement ce furent les seuls moments que je passais avec Lola. Elle emporta ses affaires à la pause et ne revint pas. Je voulais bien comprendre que la biologie ne l’intéressait pas, mais de là à profiter de l’intercours pour filer.

Ce n’était pas la première fois qu’elle séchait des cours. Ce devait être la raison de l’attitude du surveillant quand elle était venue lui apporter son mot d’excuse. Il était connu pour ne pas tolérer ce type de comportement.

Je chassais ses préoccupations pour me concentrer sur les schémas de chromosomes dessinés au tableau. Bien que la biologie soit l’une de mes matières favorites, la voix monocorde du professeur avait tendance à m’endormir. Je dus perdre le fil de son cours à un moment donné et m’assoupir, car je ne réalisais pas qu’il venait de terminer.

Je rangeai mes affaires à la hâte quand une amie de Lola vint me voir. Il me fallut quelques secondes pour recoller un prénom à ses grands yeux clairs cachés derrière d’épaisses lunettes. Elle s’appelait Mathilde et était environnée d’un nuage de parfum vanillé qui me donnait la nausée. Comment pouvait-on supporter une telle odeur en permanence ?
— Guillaume, j’ai quelque chose à te demander.
Je l’invitai à poursuivre tout en fermant mon sac.
— Lola m’a prêté son portemine, mais j’ai oublié de le lui rendre. Elle y tient beaucoup, tu pourras le lui rapporter s’il te plait.
— Pas de problème.
Elle me confia le crayon que je glissais dans une poche de mon blouson, puis elle poursuivit.
— Je suppose que toi et Lola vous voyez souvent, vous habitez dans la même rue.

Bien qu’involontaire, la remarque de Mathilde avait fait mouche. Je n’avais cessé d’y penser durant le trajet du retour et j’y pensais encore en faisant mes devoirs. Je sentais que quelque clochait dans ma relation avec Lola, mais je ne parvenais pas à identifier l’origine de ce trouble.

Nous étions presque voisins, pourtant nous ne passions jamais de temps ensemble hors du lycée. Les sorties en amoureux faisaient partie des sujets de conversation favoris de mes camarades. Il était temps que j’en propose une à Lola, même si je n’avais aucune idée de ce qui pourrait lui plaire. Peut-être une séance de cinéma, si j’arrivais à choisir le film que nous irions voir.

mercredi 7 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 5

Le lendemain matin arriva trop vite. Je n’étais pas parvenu à trouver le sommeil tant ma découverte accidentelle me préoccupait. Heureusement que la journée du mercredi était la moins chargée de la semaine.

Pour une fois, je pris le petit-déjeuner avec mes parents. J’eus donc à supporter un laïus de mon père sur l’importance d’avoir de bons résultats au lycée. Bien qu’étant silencieuse, ma mère approuvait ce discours. Je la soupçonnais même de l’avoir poussé à me parler. En temps normal, nous nous croisions sans échanger le moindre mot.

La satisfaction de retrouver Lola à l’arrêt de bus effaça mes contrariétés matinales. Elle était particulièrement ravissante ce matin-là, elle avait détaché ses longs cheveux châtains et avait troqué son habituelle jupe grise pour une robe bleue.

Le trajet pour nous rendre au lycée me parut plus court que d’habitude, même si elle passa plus de temps à regarder par la fenêtre qu’à faire la conversation. Le bus s’arrêta à quelques mètres du lycée. En sortant, Lola me demanda.
— Dis-moi Guillaume, tu veux bien m’accompagner au bureau du moustachu ?
J’acquiesçai d’autant plus volontiers que sa main venait de se glisser dans la mienne.

En chemin, elle m’expliqua qu’elle devait apporter un justificatif d’absence au surveillant général et elle avait l’impression qu’il la détestait. Cela ne me surprit guère, le surveillant en question était affublé d’une mauvaise humeur tout aussi légendaire que sa moustache.

Le surveillant regarda le mot que venait de lui tendre Lola avec suspicion. Son regard soupçonneux remonta vers nous. Il la dévisagea, puis ce fut mon tour d’être passé au crible de ses yeux noirs. Il nous fixait toujours quand nous quittâmes le bureau. Il donnait vraiment l’impression d’avoir une dent contre Lola. Son attitude m’avait tellement intrigué que je ne remarquai pas le professeur debout au milieu du couloir.

Sous le choc, il laissa tomber la pile de papiers qu’il avait dans les mains. Les feuilles se répandirent tout autour de nous. Nous nous retrouvâmes tous les trois accroupis pour récupérer les feuilles répandues sur le sol. Je bredouillai des excuses auxquelles le professeur répondit avec le sourire.
— Cela arrive à tout le monde d’être distrait.

Me sentant observé, je jetai un coup d’œil en arrière. Le surveillant nous regardait toujours, la moustache tordue d’une drôle de façon. Je lui renvoyai un regard étonné, ce qui lui fit hausser les épaules. Il se décida finalement à retourner dans son bureau dont il claqua la porte derrière lui.

Une fois les feuilles ramassées, le professeur reprit son chemin dans les couloirs, toujours d’excellente humeur. Dès qu’il fut hors de vue, je demandai à Lola si elle savait qui il était.
— Bien sûr, c’est Daniel Kaenel, le professeur de littérature des terminales. C’est lui qui anime le club de lecture du mardi soir.

lundi 5 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 4

Ma soirée s’étant libérée, j’en profitai pour passer au club de photographie. C’était une activité que j’aimais pratiquer à mes heures perdues. Ce qui me plaisait le plus n’était pas de prendre des clichés, mais de les développer. L’ensemble de bains chimiques à manipuler m’amusait au plus haut point.

Lorsque j’arrivai au laboratoire, il y régnait une animation inhabituelle. J’en demandai la raison à Maxence qui semblait particulièrement agité.
— C’est Nicolas, m’expliqua-t-il. Il voulait faire des photos dans le parc, derrière le lycée. Il n’y avait personne, alors il est passé par-dessus le grillage. Il est tombé sur quelqu’un, un gars qui traînait dans le parc, et il a explosé son appareil.

Ce fut Nicolas en personne qui m’apprit qu’il avait eu le réflexe de prendre son agresseur en photo. Son appareil gisait sur la table en plusieurs morceaux, le rôdeur avait donné un coup de poing dedans avant de s’enfuir.

La tâche de développer le négatif me fut confiée à l’unanimité. Je me rendis dans la salle dédiée, un placard obscur plutôt d’une véritable chambre noire. Avec précaution, je déroulai la pellicule. Par miracle, elle était intacte et n’avait pas été abîmée par la lumière. Je parvins à récupérer le négatif de la dernière photographie prise, celle de l’assaillant de Nicolas.

Au fond du bac, je vis un visage se dessiner. Cependant, ce ne fut qu’une fois que le cliché avait commencé à sécher que je reconnus les traits d’Alex. Un détail me glaça d’effroi. Sur cette photo, elle avait la bouche ouverte, deux canines longues et pointues en sortaient.

J’avais l’intention de montrer la photo à mes camarades dès qu’elle serait prête, mais après une minute de réflexion je réalisai que ce n’était pas une bonne idée. Il valait mieux que je garde cette découverte pour moi seul. Je n’avais pas envie de faire face aux questions qu’elle n’aurait pas manqué de provoquer.

J’emballai donc soigneusement le négatif, puis le glissai dans ma poche. Ensuite, j’allumai la seule ampoule de la pièce et regardai le visage d’Alex s’effacer. Lorsque je sortis de la salle, j’annonçai aux membres du club que la pellicule avait été exposée à la lumière et que je ne pouvais rien en tirer. Leurs espoirs de se livrer à une chasse au rôdeur furent déçus et seul Nicolas sembla en éprouver du soulagement.

Sur le chemin du retour, je passai devant l’endroit où j’avais vu Alex pour la première fois. Quelques mètres plus loin, je reconnus le portail métallique aux gonds rouillés. La maison quant à elle était dissimulée par un rideau de cyprès. Aucune lumière ne brillait aux fenêtres. Cette demeure semblait déserte et les herbes hautes qui faisaient office de pelouse confirmaient cette impression.

À la nuit tombée, cet endroit était des plus sinistres et je m’en éloignai avec soulagement. J’espérais de tout cœur que la prédiction de ma nouvelle voisine ne se réaliserait pas. Après avoir vu sa surprenante dentition, j’étais décidé à l’éviter.

vendredi 2 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 3

Après les événements de la nuit précédente, je n’étais pas franchement enthousiaste à l’idée de retourner au lycée. Ma mère étant infirmière, je n’avais pas la possibilité de prétendre être malade pour manquer les cours. Un poignet douloureux et des bras couverts de bleus ne constituaient pas un motif suffisant pour rester à la maison. De plus, il m’aurait fallu raconter ma rencontre avec Alex et je n’y tenais pas.

À mon grand soulagement, mes agresseurs de la veille m’évitèrent toute la journée. J’eus juste l’occasion d’en apercevoir un à l’autre bout d’un couloir. Avec sa main bandée et son visage tuméfié, il avait l’air bien plus mal en point que moi. L’affrontement avec Alex avait dû être violent.

J’aurais aimé passer un peu de temps avec Lola aujourd’hui. Malheureusement, elle restait rarement en classe entre les cours et les seules fois où je pus la voir, elle était entourée de ses amies. Je n’avais pas l’intention de la déranger et décidai donc de passer ma pause avec Maxence, Rémi et Arnaud, des camarades de classe avec lesquels je m’entendais bien. Comme à mon habitude, je parlais peu et restais perdu dans mes pensées.

Depuis le début de ma relation avec Lola, j’étais devenu leur sujet de conversation favori. Ils se demandaient tous comment j’étais parvenu à séduire une fille aussi ravissante. Certains s’interrogèrent sur le fait que je ne sois pas à ses côtés et voulurent en connaître la raison. Je répondis que je préférais attendre la fin des cours pour passer du temps avec elle.

En fin de compte, je n’eus même pas l’occasion de lui dire un mot. Elle quitta la classe à toute vitesse dès la fin de la dernière heure. Je m’apprêtais à partir moi aussi quand une de ses amies m’attrapa par la manche.
— Excuse-moi Guillaume… Lola m’a demandé de te dire qu’elle allait au club de lecture. Elle te dit de ne pas l’attendre pour rentrer et qu’elle te verra demain matin.

mercredi 30 septembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 2

Ce fut une sensation de brûlure, associée à une forte odeur d’alcool, qui me réveilla. Une femme brune était penchée sur moi, un verre de liqueur à la main. Je repris totalement mes esprits quand je réalisai qu’elle portait une chemise d’homme blanche et largement déboutonnée.

Je fis de mon mieux pour ne pas laisser mes yeux m’attarder sur sa poitrine. Ce qui se révéla difficile, car ma position me faisait bénéficier d’un point de vue imprenable. Je n’avais pas envie de me faire prendre pour un pervers une fois de plus aujourd’hui.

Heureusement, elle ne sembla pas remarquer mon regard qui se fixait sur tout, sauf son décolleté ravageur. Elle se contenta de s’asseoir dans un fauteuil et de croiser les jambes. Je détournai une fois de plus les yeux, la chemise était le seul vêtement qu’elle portait. Son visage était anguleux et me laissa une impression de pâleur qui contrastait avec ses cheveux noirs.

Tous les meubles de la pièce étaient protégés par des draps blancs, comme dans une maison inhabitée depuis longtemps. Seuls nos deux fauteuils et un guéridon à proximité avaient été découverts. La jeune femme ne disait rien. Son regard était étrange, ses yeux gris me traversaient comme si je n’existais pas. J’avais l’impression d’être un fantôme, et cela me mettait mal à l’aise.
— J’avais entendu dire que le quartier était très calme.

Il me fallut un moment avant de comprendre qu’elle venait de parler, ses lèvres avaient à peine bougé. Elle avait la même intonation que lorsqu’elle avait proposé son aide, comme si elle parlait toute seule.

Je dus réfléchir pour trouver une réponse à peu près appropriée.
— Euh oui, en général c’est le cas.
Je me risquais à lui demander son nom. Sa réponse, ou plutôt la manière dont elle me répondit me firent regretter d’avoir posé cette question.

Le silence dura encore, son regard se fixa sur moi pour la première fois depuis que j’avais repris connaissance, puis elle se leva.
— Il est temps de rentrer chez toi, non ?
Je me levai à sa suite. J’étais plus qu’heureux de quitter cette pièce sombre, ses meubles fantômes et sa mystérieuse résidente. De plus, mes parents n’allaient pas tarder à se demander où j’étais passé.

Elle m’accompagna jusqu’au portail. Les grilles grincèrent horriblement lorsqu’elle les ouvrit. Je m’apprêtais à les franchir quand elle me saisit le poignet. J’étouffai un cri de douleur qu’elle ne parut même pas remarquer.
— Je pense que nous nous reverrons.

Décidément, cette Alex était une drôle de personne.

lundi 28 septembre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 1

La secousse me projeta sur Lola. Les autres passagers nous regardèrent ; il me semblait qu’elle avait poussé un cri lorsque je l’avais percutée. Je sortis du bus sur ses talons.
— Écoute Lola, je suis désolé. J’ai cru que le bus s’était arrêté et je me suis levé.
— Ce n’était pas une raison pour me tomber dessus.
— Je me suis dit que c’était une meilleure idée de retenir mon sac. Il est lourd, tu sais…

Les justifications n’étaient pas mon fort. Je me contentais habituellement d’expliquer la situation telle que je la percevais. Cette fois-ci, j’avais l’intuition que ça ne suffirait pas. Je n’avais pas l’intention de passer pour un pervers, surtout que nous ne sortions ensemble que depuis trois jours.

Je dus accélérer pour rattraper Lola. Elle se retourna quand je fus à son niveau, son sourire dissipa mes inquiétudes.
— Merci de m’avoir évité d’être écrasée par ton sac.

On aurait pu croire que j’avais été flatté qu’une aussi jolie fille m’ait demandé d’être son petit ami. Pourtant, ce n’était pas le cas, pas plus que je n’étais mal à l’aise en sa présence. Elle me plaisait, mais ce n’était pas une raison pour me transformer en imbécile. Certains de mes camarades ne partageaient pas mon point de vue.

Lola bénéficiait des attentions d’une partie non négligeable du lycée. Mes amis m’avaient même rapporté des rumeurs à propos de menaces qui pesaient sur moi. Les admirateurs les plus fervents de ma petite amie allaient jusqu’à prendre mon détachement pour une insulte.

Nous parlâmes assez peu sur le chemin du retour. Principalement de livres et de bande dessinée, étant donné que c’étaient les rares sujets où je ne faisais pas preuve d’une inculture décourageante.

Je poursuivis ma route après l’avoir accompagnée jusqu’à son portail. J’étais presque arrivé chez moi, lorsque j’entendis un chuchotement étouffé derrière une haie en friche. J’eus juste le temps de me retourner pour recevoir un coup de poing dans la figure. Sonné, je ne vis pas arriver les coups suivants. Je me retrouvai à genoux, mon poignet me faisait atrocement souffrir.
— Vous avez besoin d’aide ?
La voix était féminine et ne semblait pas s’adresser à quelqu’un en particulier. La chose la plus étonnante était qu’elle venait du jardin à l’abandon de l’autre côté de la rue.

Accroupie sur le mur de la propriété, une jeune femme nous regardait. Mes agresseurs parurent encore plus surpris que moi, ce qui n’empêcha pas un coup supplémentaire de s’abattre. La rue se mit à tourner autour de moi et je perdis connaissance.

vendredi 25 septembre 2009

Explications sur les mises à jour

Avant de commencer la publication, je tenais à faire quelques précisions. Tout d'abord sur le découpage des textes. Chaque histoire sera découpée en épisodes, assez courts pour être lus facilement. Les mises à jour seront donc régulières. Elles auront lieu le lundi, le mercredi et le vendredi.

J'espère avoir quelques illustrations à vous montrer, mais mes talents de dessinatrice sont inversement proportionnels à mes talents d'écrivain. Il va me falloir déployer des trésors de persuasion pour obtenir quelques gribouilles de qualité.

A lundi, potentiels lecteurs.

mardi 22 septembre 2009

Bienvenue

Bonjour à tous et bienvenue sur le blog de Limonade !

Après des mois (pour ne pas dire des années) d'écriture en sous-marin, j'ai décidé qu'il était temps de partager les fruits de mon imagination.

Vous trouverez dans ce blog des nouvelles d'urban fantasy, ainsi que les chapitres du roman sur lequel je travaille actuellement. A travers mes textes, je tente d'appliquer la recette de la limonade : de la romance pour le sucre et du fantastique pour les bulles. Le citron est l'ingrédient secret, il varie d'une histoire à l'autre.

Je vous donne rendez-vous le lundi 28 septembre pour le début de ma première nouvelle.

A très bientôt, je l'espère.