mercredi 28 octobre 2009

Le pendule du vorcier - Episode 14

Une heure plus tard, nous nous installâmes dans une aire de jeux pour enfants. De là, nous avions une vue imprenable sur la rue et les maisons de pierres qui la bordaient, toutes identiquement plantées dans des jardins bien entretenus.

Alex escalada les cubes de tubes métalliques. Des écailles de peinture verte tombèrent sur le sable. Elle s’alluma une cigarette et me lança le paquet. Elle ne la fumait pas, mais laissait le tabac se consumer peu à peu.

Je passai la première heure à tourner en rond, marchant sur les rebords du bac à sable, le paquet de cigarettes à la main. La seconde ne fut guère plus palpitante : j’oscillai mollement sur une balançoire.

Après avoir fait le tour des activités du jardin, je finis par renoncer à lutter contre l’ennui. Assis au pied du réverbère, j’avais allumé la première cigarette d’une longue nuit. J’enviais l’immobilité d’Alex, elle avait à peine bougé, perchée sur cet édifice de tubes écaillés. Entre ses lèvres rouges, il ne restait plus qu’un filtre.

Le paquet était fini depuis longtemps lorsqu’Alex atterrit devant moi. Elle me souffla.
— Regarde ! Troisième maison de l’autre côté de la rue.
— Celle avec les volets bordeaux ?
— Oui, la porte vient de s’ouvrir.

En effet, la porte du pavillon qu’elle me désignait était ouverte. Sur le seuil se tenait une jeune fille aux longs cheveux châtains portant une robe noire. Je ravalais une exclamation en reconnaissant Lola. Il y avait quelqu’un derrière elle, mais je ne pouvais pas voir de qui il s’agissait.

Nous attendîmes que le baiser entre Lola et la personne à l’intérieur de la maison se termine. La porte était toujours ouverte quand elle descendit les marches. Arrivée au portail, elle se retourna. L’homme venait de sortir de la maison pour l’embrasser une dernière fois. À la lumière du réverbère, je reconnus Daniel Kaenel.

Avoir assisté à une telle scène m’avait complètement secoué. Alex quant à elle était toujours aussi calme. Nous nous éclipsâmes par l’arrière du parc sans dire un mot. Le dernier bus était parti depuis longtemps, il nous fallait donc rentrer à pied. Le son des cloches nous informa qu’il était trois heures du matin. Nous n’avions plus que trois heures avant le lever du soleil.

Je courrais presque et je dus m’arrêter régulièrement pour reprendre mon souffle. À côté de moi, Alex trottinait à mon rythme. Elle n’avait pas l’air de peiner, mais regardait fréquemment vers l’Est.

Ce fut avec inquiétude que nous vîmes le ciel s’éclairer. Alex avait les yeux rivés sur le sol, elle perdait ses forces à vue d’œil. Il me fallut la supporter pour parcourir le dernier kilomètre, puis la traîner jusque chez elle.

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