Perdu dans les pensées, il n’entendit pas la remarque de Mouky. Cependant, le ton sur laquelle il l’avait prononcée, plus proche du crachat suintant que du lâcher de colombe, en disait long sur sa teneur. Devant sa face rubiconde et épaisse, l’apprenti magicien se retint de lui demande de se répéter.
Au lieu de cela, il l’observa avec attention éructer :
— Fabio est bizarre depuis que tu traînes avec lui. Mais je m’inquiète pas pour lui ! Il sait qui sont ses vrais amis.
Une forme sombre et peu naturelle surplombait le t-shirt vert de son interlocuteur. Elle irradiait une telle malveillance que Corentin comprit immédiatement qu’il s’agissait d’une autre de ces ombres maléfiques. Il devina des membres grêles dont les griffes s’enfonçaient dans les motifs psychédéliques.
Pourtant, Mouky ne semblait pas réaliser qu’une espèce de lutin noir et dépenaillé était perché sur son épaule.
— De toute façon, t’es quoi ? Je vais te le dire, t’es qu’une tapette de seconde qui se la joue artiste parce qu’il dessine des dragons et des sorcières gothiques.
Il n’en pouvait plus de l’entendre se moquer de lui. Pourtant, davantage que les mots employés, c’était l’ombre qui le faisait suffoquer de peur. L’augmentation graduelle de son don de double vue l’effrayait. Pour rien au monde, il ne souhaitait voir la réalité telle qu’il la représentait dans ses dessins.
Corentin devait néanmoins se faire une raison. Le démon malingre et le garçon courtaud avaient beau appartenir à deux réalités différentes, ils se confondaient pour le tourmenter, et cela ne pouvait plus durer.
Comme l’adolescent avait davantage d’expérience pour se débarrasser des chimères, il focalisa son attention sur le démon. À mesure qu’il le fixait, celui-ci paraissait de plus en plus maigre. D’une pichenette, il le renvoya dans le néant, ou les limbes ; enfin dans n’importe quel endroit où résidaient les démons.
Une sensation fugace, entre la vague d’électricité et la déflagration, balaya la cuisine, arrêtant net le monologue haineux de Mouky.
— Qu’est-ce que… coassa-t-il.
— Rien !
Toute l’assurance que Corentin avait tiré de son exorcisme réussi explosa dans ce simple mot. Elle suffit à sécher sur place son interlocuteur, pour un court instant hélas.
— T’es qui pour me parler comme ça ! J’te l’ai dit t’es rien qu’une…
— Ferme ta grande gueule !
lundi 22 août 2011
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balèze le Corentin
RépondreSupprimermerci pour ce chapitre
Mais de rien...
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