Dire que j’ai beaucoup parlé de l’anthologie « Mystères et Mauvais Genres », mais je ne l’avais toujours pas critiquée. Eh bien, c’est chose faite et je vous invite à commencer par sa première partie intitulée : « Quand l’inconnu s’invite dans le quotidien… ».
L’anthologie s’ouvre sur « Latombe, victime professionnelle » que l’on doit à Guillaume Suzanne. Cette nouvelle est plaisante dans son déroulement, les relations entre les personnages ne manquent pas de piquant et l’idée qu’elle supporte est des plus originales. Cependant, la manière de rattacher ce texte au fantastique dans les dernières lignes ne m’a pas convaincue, car elle a un côté trop « deus ex machina ». Il s’agit néanmoins d’une lecture agréable.
La tonalité plus sombre du texte suivant, « Le Marchand de Secrets » m’a séduite. Le parti-pris d’entremêler deux trames temporelles pour aboutir à une double révélation, l’une donnant les clés pour comprendre l’autres est astucieux. J’ai aimé la construction méthodique mise en place par P.R. Tohril dans sa nouvelle, un magnifique exemple de texte à chute à la fois mélancolique et intriguant.
« La mélodie du malheur » est sans le moindre doute le texte qui m’a le plus dérangée dans cette anthologie. Dans cet univers suintant d’une macabre étrangeté, Michaël Moslonka introduit une enfant aussi innocente qu’intelligente au milieu d’une galerie de personnages prisonniers d’un village campagnard au bord de la folie collective. Sur le moment, j’ai pensé à un épisode de Torchwood particulièrement angoissant, mais la nouvelle est encore pire. Ne connaissant pas l’Enfer de Dante, je pense être passée à côté de la plus part des références, ce qui n’empêche pas l’histoire d’être écrite avec un réel talent.
Le nom de Gabriel Féraud ne m’est pas inconnu, mais c’est, à ma connaissance, la première fois que je lis un de ses textes. Pour « Les larmes du Poète », le lecteur est plongé dans l’antre mystérieux d’une sorte de détective privé pour le moins surnaturel. Je serais bien en peine de qualifier davantage le narrateur, car celui est très peu décrit et les mystères qui l’entourent ne se dissipent pas à la fin de l’histoire. C’est selon moi le point faible de cette nouvelle. Le client du détective et la manière dont il résout l’enquête sont quant à elles largement à la hauteur. Une mention spéciale pour l’ambiance et les références sur lesquelles s’appuient le texte, et que j’ai trouvées brillantes.
Cette première partie s’achève sur l’un des textes les plus courts de l’anthologie. En dépit de sa faible profondeur, « La flaque à côté de l’arrêt d’autobus » recèle bien des secrets. Avec une économie de moyens, mais un luxe de détails impressionnant, Christophe Nicolas nous raconte l’intrusion du fantastique dans l’existence d’un personnage ordinaire. Pas une fausse note dans cette petite aventure aux frontières de la logique.
La partie suivante délaisse en partie le fantastique pour explorer des thèmes plus variés. Le titre donné par l’anthologiste est évocateur, dans les textes regroupés sous l’étiquette « En quête de vérité… », il sera question d’enquêtes.
Le changement d’ambiance est radical avec « Le corail d’Altawyris ». Le mélange entre polar sombre et science-fiction lumineuse prend dès les premières scènes écrites par Bruno Grange. Pour ne rien gâter, le côté futuriste de la nouvelle est bien plus qu’un superbe décor. En effet, les personnages et l’intrigue étant extrêmement traditionnels, il revient à la force d’évocation de l’auteur de nous surprendre. Je dois reconnaître qu’il y est très bien parvenu, ce qui rend ce texte très agréable à lire.
On passe ensuite au polar classique dans la nouvelle de Sébastien Ruche, « En l’honneur d’Emily ». Ce récit de vengeance, perpétrée par un homme dont la mémoire effacée lui souffle de venger la mort d’une certaine Emily. L’histoire commence de façon simple, mais heureusement une chute astucieuse, inattendue et fantastique vient relever l’ensemble. A mon avis, ce revirement arrive trop tard pour compenser la linéarité du texte.
Encore un nom familier dans cette anthologie, celui de Lucie Chenu pour « La brigade des Enquêtranges ». C’est encore de la science-fiction, même si l’histoire se déroule sur notre bonne vieille terre, avec de bons vieux policiers qui disposent habituellement de la capacité à voyager dans le temps pour résoudre les crimes. Autant dire que l’univers est sympathique et que le récit est construit avec une précision clinique. Pourtant, je suis restée sur ma faim en raison du manque de développement de l’intrigue.
Comme le laisse supposer le titre « Vade retro Satanas ! », il est question d’exorcisme dans cette nouvelle. Celle-ci relate la traque menée par un duo d’exorcistes afin de chasser le démon qui hante une maison bourgeoise. Bien que ce soient les deux héros, une jeune exorciste et un étrange chien doué de parole, qui retiennent l’attention, l’ambiance dix-neuvième et les personnages secondaires apportent une ambiance tantôt sombre et tantôt ironique. Le souci du détail qui transparait dans les situations et la manière de les décrire rend l’ensemble extrêmement accrocheur. Un vrai coup de cœur pour la plume d’Aurélie Wellenstein !
J’aimais déjà beaucoup « L’inspecteur Bernère contre la mort » avant sa parution en anthologie. En effet, cette nouvelle avait fait un tour sur le forum de Cocyclics et j’avais effectué quelques commentaires. Je suis heureuse de voir qu’ils ont été utiles à David Osmay. Encore une fois, il est question d’une enquête traditionnelle dont le héros est Werbar Bernère, un inspecteur convaincu de la supériorité de son intellect qui doit retrouver le meurtrier d’un zombi dévot sous peine de prendre sa place. L’intrigue parait assez absurde, et même drôle, mais le texte est en plus complètement barré et bourré d’humour.
Pas évident de commenter une nouvelle que l’on connait par cœur. Pourtant, je me suis replongée avec plaisir dans la ville de « Pandémonium City » décrite par Anne Goulard. Afin de résoudre le meurtre d’un ami, le héro dispose d’une capacité bien utile, celle de faire parler les morts. Hélas, il doit composer avec les méthodes traditionnelles de la police, peu versée dans les arts occultes, et les mensonges des vivants. Entre l’ambiance victorienne et la présence des fées, ce texte tire son épingle du jeu grâce à son univers original. Quant au charisme du héro, il aide à rendre crédible la légèreté de l’intrigue.
Pour clore cette anthologie, on retombe dans une partie alternant fantastique et réalisme. J’ai hélas trouvé que « Ces témoignages qui font l’histoire… » manquait un peu de cohérence et c’est celle que j’ai le moins apprécié, en dépit de quelques bons textes.
A première vue, le récit de « L’âme damnée de Yeun » que nous livre Arnaud Cabanne est une sordide histoire à cheval sur la psychiatrie et la légende de l’Ankou. Pourtant, la manière dont l’auteur parvient à entraîner le lecteur dans son histoire la rend très prenante. Son allure de conte d’horreur et la chute la rendent intéressante à défaut d’être vraiment originale.
Je ne me suis pas attardée sur « Quinte Flush », la nouvelle de Richard Mesplède car elle a déjà fait l’objet d’une critique détaillé lorsque j’ai commenté le numéro 19 de Black Mamba.
La mauvaise surprise de cette anthologie a été « Samba Luna ». Non pas que j’aie quelque chose contre le style d’Ombeline Duprat, plutôt chargé et évocateur, mais je ne suis pas attirée par la littérature érotique, et même rebutée par la littérature pornographique. L’intrigue trop légère n’est pas parvenue à m’embarquer et ne m’a semblé qu’un prétexte pour décrire les ébats des protagonistes. J’ai conscience que mon avis est extrêmement tranché, mais il reflète ma propre sensibilité et je comprends que certains puissent y trouver leur compte.
Pour conclure cet ouvrage, la nouvelle de la fin revient à Cyril Carau. Sa nouvelle, « Un homme fort », mélange les narrateurs et les époques pour narrer la vie d’un truand d’honneur américain et ses faits de gloire lors de la libération de l’Italie, puis de Marseille. Au-delà de l’aspect historique, l’émotion qui se dessine entre les lignes rend cette histoire douce-amère particulièrement poignante.
Comme ce commentaire est déjà très long, je donnerais mon avis général sur l'anthologie dans mon prochain billet.
See you soon...
lundi 21 mars 2011
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Super critique, merci d'avoir pris le temps de coucher tes impressions sur ton blog. Mes propres coups de cœur ont été pour "Vade retro Satanas" et "La flaque", mais j'ai apprécié beaucoup de nouvelles de l'antho : notamment Quinte Flush, Le corail, La mélodie du malheur, et puis aussi Latombe, pour le style de l'auteur,...
RépondreSupprimerEt merci aussi pour ta bêta ! ^^
Merci pour ce retour.
RépondreSupprimerPar expérience, je sais que c'est agréable pour tous les auteurs d'avoir des commentaires sur leur textes.