Au fond de la pelouse qui entourait les bâtiments du pensionnat Notre-Dame, le laboratoire de chimie dressait ses quatre murs de brique surmontés d’un toit de tuiles rouges. À travers les volets clos, de minces rais de soleil striaient de lignes lumineuses le sol immaculé et les tables couvertes de carreaux de céramique.
Le chuintement à peine perceptible du gaz enflammé par le bec Bunsen faisait écho à la respiration saccadée de Gwenaëlle. Penché au-dessus de l’agitateur magnétique, son visage de poupée reflétait une intense concentration.
À l’aide d’un crayon, elle avait relevé ses cheveux blonds sur sa nuque afin qu’ils ne la gênent pas durant la préparation de son élixir. Une blouse blanche de chimie préservait son uniforme des projections verdâtres qui jaillissaient du ballon en train de chauffer. La jeune fille jeta un regard au tableau où étaient écrites les instructions pour réaliser sa potion de clairvoyance.
Conformément à la recette, elle ajouta quelques gouttes d’un liquide à l’odeur répugnante dans la mixture. Une puanteur de charogne emplit le laboratoire. Gwenaëlle fronça le nez, mais elle ne cessa pas de surveiller le mélange. À mesure que le nouvel ingrédient se dissolvait, la couleur de la potion passa d’un vert sombre à un jaune si pâle qu’il en paraissait translucide.
Satisfaite de ce changement de teinte, elle versa l’élixir dans un filtre, puis récupéra le liquide clair ainsi obtenu. Elle enclencha la hotte aspirante afin de chasser l’air vicié du laboratoire. Son bécher rempli de réactif, elle retourna sur une table voisine de celle où elle s’était adonnée à l’alchimie.
Un sachet de velours bleu nuit se trouvait sur cette paillasse, à côté de plusieurs feuilles couvertes de schémas dessinés au stylo encre. La jeune fille en sortit une douzaine de pierres gravées de runes. Elle les enferma entre ses mains jointes, puis les lâcha au-dessus du carrelage blanc. Avec des cliquetis minéraux, les pierres runiques se répandirent devant elle.
Armée de ses diagrammes d’interprétation, elle renouvela ses questionnements à propos de son petit ami. Bien qu’elle ne l’ait pas montré à ses amies, l’attitude de Fabrice lorsqu’il était venu la voir dans sa chambre l’avait surprise. Elle avait d’abord attribué ce comportement à un effet aléatoire de son envoutement.
Cependant, elle avait dû se rendre à l’évidence. Son sortilège avait cessé de faire effet sur le garçon. La lecture des runes telle qu’elle l’avait apprise au sein du cours d’approfondissement en histoire ne lui avait pas apporté de réponse précise. Les cailloux se bornaient à lui répéter que les illusions ne valaient pas les sentiments honorables.
lundi 17 janvier 2011
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