Gwenaëlle termina sa vaisselle, puis elle essuya avec soin le matériel de chimie. Son attitude désinvolte et innocente ne masquait qu’en partie l’inquiétude que la présence de la terminale suscitait chez elle. Elle s’efforça de garder le contrôle ; le professeur ne lui avait pas interdit de s’exercer à l’alchimie en dehors des heures de cours.
Après l’avoir observée des pieds à la tête, Anne-Sophie demanda :
– Tu préparais une potion ?
– Oui, j’avais besoin d’un élixir de vision.
– Pourquoi faire ?
Plutôt que de répondre directement, la jeune fille prit un air gêné. Elle passa une main dans ses cheveux et accrocha une mèche qu’elle tritura.
– Je voulais être sûre que mon copain n’était pas avec une autre fille. Je l’ai trouvé bizarre tout à l’heure, minauda-t-elle.
Le visage de son interlocutrice se décomposa, en dépit de la maitrise qu’elle exerçait sur ses sentiments. Gwenaëlle avait vu juste en séduisant Fabrice ; les années n’avaient pas amoindri l’affection que la sorcière nourrissait pour lui.
Au prix d’un immense effort, Anne-So reprit le contrôle de ses émotions.
– Tu devrais faire plus attention. Il faut éviter de nous faire surprendre en train de faire des choses que les autres ignorent.
Une pointe de mépris transparaissait dans sa manière de prononcer « les autres ». En revanche, sa sollicitude à l’égard de Gwen étonna cette dernière. À présent qu’il y avait un garçon entre elles, elle aurait parié que la terminale lui vouerait une haine profonde.
Elle se contraignit à une amabilité de façade pour mieux dissimuler la convoitise qu’elle entretenait vis-à-vis de l’ascendant de sa rivale sur le convent.
– Personne ne vient ici après les cours.
– Ce n’est pas une raison, nous devons être très prudentes. À cause de toi, il a fallu jeter un sort à la surveillante générale.
Elle se mordit les joues pour ne pas rejeter la faute de cet incident sur Fabrice. Une fille amoureuse ne se comporterait pas ainsi et il lui fallait donner l’illusion d’une relation sincère.
– Je suis désolée, murmura-t-elle, le regard baissé sur le carrelage.
– Heureusement, ta potion d’oubli lui a effacé la mémoire. Tu es vraiment douée pour l’alchimie.
Gwenaëlle fit passer sa grimace pour un sourire ; elle pressentait que ce compliment n’était là que pour enrober une perfidie. Lorsqu’Anne-So lui annonça qu’elles devaient se rendre toutes les deux dans la salle dévolue à l’apprentissage de la magie, elle craignait déjà le pire.
lundi 24 janvier 2011
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