Au bout d’une demi-heure, il avait compilé dans le cahier de brouillon tout ce qui lui semblait relatif au surnaturel. Sur les cinq pages, les manifestations de ses propres capacités magiques en occupaient presque deux. Cette constatation ne l’enchantait pas le moins du monde.
La sonnerie du téléphone interrompit ses réflexions. Il leva les yeux des lignes mauves du papier de mauvaise qualité, puis y replongea quand il entendit que sa tante avait décroché.
La minute suivante, elle l’appela du couloir :
– Corentin ! Fabrice veut te parler.
Surpris, l’adolescent dévala l’escalier pour récupérer le combiné.
– Allô, Fabrice ?
– Oui.
– Tu as un truc à me demander ?
Un silence embarrassé précéda la réponse de son ami.
– J’ai quitté Gwenaëlle, annonça celui-ci.
Corentin savait qu’il aurait dû éprouver de la tristesse en apprenant cette rupture. Cependant, il ne pouvait s’empêcher de ressentir une forme de soulagement coupable. Pour donner le change, il déclara :
– C’est dommage.
– Non, notre relation était un mensonge, un sortilège.
Avant de poursuivre la conversation, l’adolescent s’assura que sa tante ait quitté le bureau. Bien qu’elle soit au courant de la majeure partie de l’affaire, il ne tenait pas à en faire étalage devant elle.
– Qu’est-ce qui s’est passé ?
– J’avais rendez-vous avec Anne-So, l’une des filles du club de magie. On a pas mal discuté de Gwenaëlle, de mon amnésie et notre histoire.
– Tu lui as parlé de moi ?
– Tu plaisantes ! Je ne fais pas confiance à cette sorcière. Je n’allais pas prendre le risque de lui dire que tu as des pouvoirs d’exorciste.
Cette interruption agaça Fabrice qui reprit sur un ton plus agressif :
– Elle a vraiment insisté sur le fait que Gwenaëlle n’avait pas l’air de tenir à moi. Elle n’a pas fait la moindre allusion à un envoutement, mais elle m’a semblé soupçonner Gwen.
– Gwen n’a rien à voir avec tout ça !
– Arrête de te faire des idées ! À part elle, personne n’avait le moindre intérêt à me jeter un sort.
Ce fut au tour de Corentin de rester silencieux. Son honnêteté et l’affection pour son interlocuteur l’obligeaient à reconnaître le bienfondé de ses paroles. Pour éviter de s’empêtrer dans un échange houleux, il proposa :
– On devrait en parler demain.
Fabrice acquiesça avec un soulagement qui transparaissait à travers le combiné du téléphone. D’une voix radoucie, il changea de sujet :
– Comment ça s’est passé avec Charline ?
– Pas trop mal, on va en discuter à la pause de dix heures.
N’ayant plus de raison de bavarder avant de lendemain, les deux garçons raccrochèrent. Encore troublé par la brutale séparation, Corentin se laissa tomber dans le fauteuil. L’un des coussins émit un piaulement aigu, puis secoua sa fourrure noire. Les yeux entrouverts, Lucifer le foudroya du regard avant de filer en direction de la cuisine.
lundi 25 avril 2011
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