vendredi 29 avril 2011

Chapitre 13 de Limonade - Episode 9

Le lendemain matin, Corentin faillit arriver en retard au lycée. Il s’engouffra entre les portes, juste avant que le surveillant ne les referme. Les joues écarlates, il s’adossa à une colonne carrelée pour reprendre son souffle.
– Salut Cory !

Il releva les yeux et reconnut Fabrice qui souriait largement bien qu’il soit davantage en retard que lui.
– Salut, dit-il d’une voix faible. Il faut que je file en cours.

Sur ces mots, il détala tandis que son ami prenait la direction du CDI d’un pas tranquille.

Deux heures plus tard, ils se retrouvèrent au même endroit. La gêne éprouvée par Fabrice la veille en parlant de sa rupture avec Gwenaëlle s’était évaporée.
– Je lui avais fait passer un message par Anne-So, une copine du collège. On s’est retrouvé tous les deux vers quatre heures dans un café. Je lui ai dit que c’était vraiment galère pour la voir et que je commençais à me demander pourquoi nous sortions ensemble.
– Elle a répondu quoi ?
– Rien, elle avait l’air très surprise. Elle n’arrêtait pas de tortiller une mèche autour de ses doigts en buvant son chocolat.
– Elle fait souvent ça quand elle réfléchit, expliqua Corentin.
– J’ai continué à jouer mon numéro de petit ami inquiet, mais elle avait l’air ailleurs. Alors, j’ai fini par lui dire que je préférais qu’on arrête de sortir ensemble.

Son ami cessa de raconter cet épisode lorsqu’ils arrivèrent au pied de leur escalier préféré. En dépit du froid humide qui s’était abattu sur la cour, une douzaine de lycéens marchaient autour des arbres décharnés.

Corentin souffla sur ses mains pour les réchauffer.
– Gwen t’a semblé triste ?
– Non, pas vraiment. Pourquoi ?
– Hier, je suis allé voir sa demi-sœur et son beau-père à l’hôpital. Ils sont tombés malades et les médecins ne savent pas ce qu’ils ont.

Cette information figea le visage de l’adolescent dans un masque stupéfait. Une ombre de remords traversa ses yeux. Corentin poursuivit :
– Je pense que leur maladie a un lien avec la magie noire.

Il n’eut pas le temps d’approfondir son raisonnement, car une fille en parka violette se dirigeait vers eux.

mercredi 27 avril 2011

Chapitre 13 de Limonade - Epsiode 8

Évelyne revint dans le bureau peu après. Comme le chat ne la suivait pas, son neveu supposa qu’elle venait de le nourrir. Avant qu’il n’ait le temps de quitter le fauteuil, elle lui demanda :
– Fabrice va bien ?
– Oui.

Ce disant, Corentin essaya de se persuader que son ami prenait sa rupture avec sérénité. Après tout, c’était sa décision et il était assez grand pour savoir ce qu’il faisait. Pourtant, il avait l’intuition que les choses étaient plus compliquées, notamment à cause de l’implication de cette Anne-Sophie.

Une remarque de sa tante le sortit de ses réflexions.
– Ça ne le dérange pas que tu l’aies exorcisé ?
– En fait non. Il a l’air de trouver ça normal, voire marrant.
– Gwenaëlle a de la chance d’avoir un petit ami comme lui. Elle va avoir besoin de soutien avec ce qui est arrivé à sa famille.

Afin de faire taire la culpabilité née de son omission volontaire, il s’enquit :
– Tu penses que la maladie de George et Sandra a un rapport avec de la magie ?
– Peut-être. J’ai essayé de faire quelques exercices de divinations, mais ça n’a rien donné. S’il y a un magicien derrière tout ça, il doit être très fort et très dangereux.

La voix d’Évelyne avait pris des intonations tristes, presque inquiètes, en évoquant cette hypothèse. Elle secoua la tête, puis s’intéressa à un tout autre sujet :
– Je n’ai pas eu le temps de faire les courses, donc, pour le dîner, ça sera juste des pâtes.

L’adolescent hocha la tête, puis regarda sa tante redescendre afin de préparer le repas. Dès qu’il eut la certitude qu’elle était trop occupée pour faire attention à lui, il récupéra le grimoire sous son lit et le remit à sa place sur l’étagère.

La fatigue consécutive aux chocs de la journée rattrapa Corentin après le dîner, alors qu’il s’apprêtait à faire ses devoirs. Ses yeux se fermaient tous seuls devant ses cours. Il abandonna ses cahiers sans regret et s’endormit.

lundi 25 avril 2011

Chapitre 13 de Limonade - Episode 7

Au bout d’une demi-heure, il avait compilé dans le cahier de brouillon tout ce qui lui semblait relatif au surnaturel. Sur les cinq pages, les manifestations de ses propres capacités magiques en occupaient presque deux. Cette constatation ne l’enchantait pas le moins du monde.

La sonnerie du téléphone interrompit ses réflexions. Il leva les yeux des lignes mauves du papier de mauvaise qualité, puis y replongea quand il entendit que sa tante avait décroché.

La minute suivante, elle l’appela du couloir :
– Corentin ! Fabrice veut te parler.
Surpris, l’adolescent dévala l’escalier pour récupérer le combiné.
– Allô, Fabrice ?
– Oui.
– Tu as un truc à me demander ?

Un silence embarrassé précéda la réponse de son ami.
– J’ai quitté Gwenaëlle, annonça celui-ci.

Corentin savait qu’il aurait dû éprouver de la tristesse en apprenant cette rupture. Cependant, il ne pouvait s’empêcher de ressentir une forme de soulagement coupable. Pour donner le change, il déclara :
– C’est dommage.
– Non, notre relation était un mensonge, un sortilège.

Avant de poursuivre la conversation, l’adolescent s’assura que sa tante ait quitté le bureau. Bien qu’elle soit au courant de la majeure partie de l’affaire, il ne tenait pas à en faire étalage devant elle.
– Qu’est-ce qui s’est passé ?
– J’avais rendez-vous avec Anne-So, l’une des filles du club de magie. On a pas mal discuté de Gwenaëlle, de mon amnésie et notre histoire.
– Tu lui as parlé de moi ?
– Tu plaisantes ! Je ne fais pas confiance à cette sorcière. Je n’allais pas prendre le risque de lui dire que tu as des pouvoirs d’exorciste.

Cette interruption agaça Fabrice qui reprit sur un ton plus agressif :
– Elle a vraiment insisté sur le fait que Gwenaëlle n’avait pas l’air de tenir à moi. Elle n’a pas fait la moindre allusion à un envoutement, mais elle m’a semblé soupçonner Gwen.
– Gwen n’a rien à voir avec tout ça !
– Arrête de te faire des idées ! À part elle, personne n’avait le moindre intérêt à me jeter un sort.

Ce fut au tour de Corentin de rester silencieux. Son honnêteté et l’affection pour son interlocuteur l’obligeaient à reconnaître le bienfondé de ses paroles. Pour éviter de s’empêtrer dans un échange houleux, il proposa :
– On devrait en parler demain.

Fabrice acquiesça avec un soulagement qui transparaissait à travers le combiné du téléphone. D’une voix radoucie, il changea de sujet :
– Comment ça s’est passé avec Charline ?
– Pas trop mal, on va en discuter à la pause de dix heures.

N’ayant plus de raison de bavarder avant de lendemain, les deux garçons raccrochèrent. Encore troublé par la brutale séparation, Corentin se laissa tomber dans le fauteuil. L’un des coussins émit un piaulement aigu, puis secoua sa fourrure noire. Les yeux entrouverts, Lucifer le foudroya du regard avant de filer en direction de la cuisine.

vendredi 22 avril 2011

Chapitre 13 de Limonade - Episode 6

En arrivant chez sa tante, Corentin se fit le plus discret possible. Il monta les escaliers en silence jusqu’au bureau afin d’y remettre le grimoire. Hélas, le rai de lumière qui filtrait sous le battant signalait qu’Évelyne était en train de lire. Il espéra qu’elle n’avait pas tenté de consulter l’ouvrage qui se trouvait toujours dans son sac à dos, puis il gravit les marches abruptes menant à sa chambre.

Contraint d’attendre un moment plus propice, il retira les marques-pages colorées. Avant de glisser le livre sous son lit, il s’assura qu’il n’avait oublié aucun morceau de papier entre les pages jaunies. Il se laissa ensuite tomber sur sa couette, évidemment couverte de poils noirs.

Les cahiers posés sur son bureau attendaient qu’il daigne s’occuper d’eux, mais il n’en avait aucune envie. Les événements de l’après-midi l’avaient suffisamment secoué pour lui ôter toute volonté d’étudier. Pourtant, il se leva pour aller s’installer sur sa chaise, face à la pile de cours. Il les repoussa d’un geste, puis sortit de son tiroir un simple cahier de brouillon à la couverte indigo.

Bien qu’il trouve un peu ridicule l’idée de tenir un journal de magie, le conseil de Charline ne lui semblait pas dénué d’intérêt. Sur la troisième page, il fit une liste de tous les phénomènes mystérieux survenus depuis la rentrée.

L’exorcisme de Fabrice et son amnésie, les runes gravées sur le poteau de basket, les différents dessins qu’il avait réalisés et les conclusions que son ami en avait tirées ; toutes ces entorses à la réalité telle qu’il la percevait jusqu’à présent. Dans ce fatras d’action et de coïncidences, l’influence du cours de magie de Gwenaëlle était flagrante.

L’approche du dénouement tant espéré rendait l’adolescent nerveux, presque fébrile. Il s’efforça de calmer son esprit, déjà enfiévré par son combat contre les vers d’ombres.

Pour l’instant, il n’avait encore rien de tangible, les révélations de Charline viendraient demain. Il regretta de ne pas avoir réclamé toutes les réponses lorsqu’ils étaient ensemble, puis il se raisonna et se remit à écrire.

mercredi 20 avril 2011

Chapitre 13 de Limonade - Episode 5

Corentin n’avait pas la moindre envie de s’attarder. Tout ce qu’il désirait, c’était de regagner le pavillon de sa tante et sa chambre sous les toits. Pourtant, il patienta dans le couloir que la sorcière finisse de se sécher.

Lorsqu’elle ouvrit la porte, vêtue d’un chemisier piqueté de fleurs mauves qui jurait avec son style habituel, il réprima un sourire ; habillée ainsi, elle paraissait avoir une douzaine d’années.
– Tu penses que l’exorcisme a fonctionné ? demanda-t-il en reprenant son sérieux.
– Je ne sais pas. Avec toutes ses choses bizarres, je suis un peu chamboulée…

Il baissa la voix pour chuchoter :
– Les vers n’en faisaient pas partie ?
– Oui et non. Kaenel me les avait montrés pour me faire peur si j’essayai de retirer la malédiction qu’il a lancée sur moi.
– Qu’est-ce que tu peux me dire sur lui ?

Charline prit une grande inspiration puis déclara :
– C’est un professeur d’histoire au lycée Notre-Dame. Lors de son arrivée dans l’établissement, il a commencé à organiser un cours d’histoire spécial.
– Un cours de magie ?
– Pas au début. On a commencé par apprendre les runes ou la mythologie. Beaucoup de filles sont parties, il était très exigeant.
– Pourquoi ?
– Il voulait faire de nous des magiciennes.

Bien qu’elle n’ait encore fait aucune révélation, l’adolescent buvait ses paroles. Après une courte pause, elle proposa :
– Je pourrais te donner plus de détails, mais il faudrait que je relise mon cahier.
– Ton cahier ?
– Je tenais un cahier où je racontais toutes mes expériences magiques. Ça m’a aidée à comprendre ce que je vivais, à me dire que je n’étais pas en train de devenir folle.

Corentin hésita à la prier de poursuivre. Cependant, il s’estimait trop fatigué pour comprendre toute la portée des déclarations tant espérées.
– On peut en discuter demain au lycée. Tu n’auras qu’à nous retrouver à l’escalier pour la pause de dix heures.
– D’accord.

Ils traversèrent le salon, sans que le jeune frère de Charline ne fasse attention à eux, fasciné par son jeu vidéo.

Devant la porte, la jeune fille sortit de sa poche le bracelet qu’il avait abandonné dans la baignoire.
– Tu avais oublié ça.

Il la remercia et remit le grigri à son poignet. Juste avant qu’il ne parte, elle lui conseilla :
– Tu devrais commencer un cahier. À mon avis, tu vas encore être confronté à des choses étranges…
– J’aimerai mieux éviter, répondit-il sans grande conviction.

Il lui souhaita une bonne soirée, puis la porte de l’entrée se referma derrière lui. Il prit ensuite le chemin de la rue de Courteline.

lundi 18 avril 2011

Chapitre 13 de Limonade - Episode 4

Une violente gifle le ramena à la réalité. Sa joue le cuisait et des pointes de douleurs lui transperçaient la main. Cinq petits arcs rouges marquaient sa peau aux endroits où Charline avait enfoncé ses ongles.
– Tu vas mieux ?

La question mobilisa toute la concentration de Corentin. Petit à petit, son désir de chasser les vers d’ombre reflua, remplacé par une profonde lassitude. Il força ses mâchoires contractées à articuler :
– Oui. Et toi ?

Elle hocha la tête.
– Les choses ont toutes explosé, les unes après les autres.

L’adolescent balaya la salle de bain du regard, mais il ne vit aucun résidu de ces créatures. Hormis son grimoire abandonné sur la machine à laver et le seau vide qui gisait sur le tapis, rien ne trahissait le combat qu’il avait mené.

Devinant sans effort ses pensées, la sorcière déclara :
– Tout a disparu. Les monstres, les lignes de baves et les morceaux…
– C’était une illusion ?
– Non, des créatures magiques. C’est un des sortilèges de Kaenel. Il peut donner une forme aux ombres et les contrôler.

Bien que cette affirmation ne lui apporte aucune certitude qu’un pareil incident ne se reproduirait pas, Corentin éprouva un vif soulagement. S’il était parvenu à mettre en déroute une armée de vers magiques, il pourrait arracher Gwenaëlle des griffes de son professeur.
– Ça va ?

La question de Charline l’arracha à ses réflexions. Il acquiesça, puis reporta toute son attention sur elle. À cause de l’eau bénite, son mascara avait dégouliné, dessinant des larmes noires sur ses joues. Des gouttes tombaient de ses mèches qui, dépourvues de gel, paraissaient lisses comme une étoffe.

Mal à l’aise d’être ainsi dévisagée, elle recula et serra ses bras autour de son torse. Son T-shirt gris adhérait à son corps trop mince et lui conférait une allure de chat mouillé. Comprenant sa gêne, le garçon quitta l’abri de la baignoire pour aller lui chercher une serviette.

Ensuite, il récupéra le livre de magie et le remit dans son sac à dos. Celui-ci pesait de tout son poids sur ses épaules crispées. Il quitta la pièce en silence, afin que la jeune fille puisse se changer.

vendredi 15 avril 2011

Chapitre 13 de Limonade - Episode 3

Son regard embrassait toute la salle de bain et les monstres qui la peuplaient. Elle murmura à voix basse :
– Voilà le cauchemar qu’il m’avait promis.

Corentin supposa qu’elle faisait référence au professeur Kaenel. L’espace d’un instant, il la soupçonna d’être complice de ce mage maléfique. Cependant, le désespoir qu’il lisait sur ses traits effaça ses doutes.
– Ces… choses vont nous dévorer ! glapit-elle.

Sur ces mots, elle se laissa glisser à genoux. Des larmes amères perlèrent le long de ses cils tandis que les vers se tortillaient pour franchir le rebord. Refusant de s’avouer vaincu, l’apprenti exorciste s’accroupit à côté d’elle et lui prit la main.

Sous l’effet de la peur, elle manqua de lui écraser les doigts. Pour en alléger la pression, il remua le poignet. Il éprouva brusquement une brûlure ; la piécette de son bracelet venait d’entrer en contact avec sa peau. De sa main libre, il arracha le grigri qui tinta contre le fond de la baignoire.

La malveillance émanant des horribles asticots le percuta de plein fouet. Pendant une poignée de secondes, il eut l’impression de suffoquer. Il se reprit et, sans le support d’une quelconque formule ou d’un glyphe runique, il concentra sa volonté afin de les repousser.

Le premier vers qui s’aventura sur l’émail blanc reçut de plein fouet l’énergie émise par l’adolescent. Il commença par l’absorber, se gonflant davantage chaque seconde, puis explosa tel un pétard de fête. Ses semblables qui s’approchèrent subirent le même sort. Le bruit des détonations ainsi que les débris projetés sur les murs emplirent la pièce.

Enhardi par cette première victoire, Corentin étendit sa volonté jusqu’aux tréfonds des canalisations afin d’éradiquer la vermine magique.

Il perdit peu à peu conscience de son environnement. Le carrelage bleu maculé d’éclaboussures noires et brillantes se brouilla devant ses yeux. Son cœur qui jusque-là battait à tout rompre se calma, de même que sa respiration, tandis que les sensations provenant de son corps décroissaient.

mercredi 13 avril 2011

Chapitre 13 de Limonade - Episode 2

Ses propres paroles raffermirent la volonté du garçon. Du revers de la main, il lissa le papier où était inscrit le sortilège afin de s’en imprégner une dernière fois. Il s’empara ensuite du seau, puis fit signe à Charline d’entrer dans la baignoire.

Lorsque le liquide froid l’atteignit en pleine face, elle ferma les yeux avec un gémissement. Sans prendre le temps de s’excuser, Corentin lâcha l’anse de plastique pour se ruer sur son grimoire. Il lut les symboles du sort tout en surveillant la sorcière du coin de l’œil.

À mesure qu’il égrainait les syllabes en essayant de leur insuffler de la magie, il remarqua que les ombres de la pièce gagnaient en substance. D’abord normales, celles-ci prirent peu à peu assez d’épaisseur pour se détacher des recoins où elles étaient tapies.

Des espèces de vers noirs et boursouflés surgirent de derrière la machine à laver ou du rideau de douche. Les paupières toujours closes, Charline ne les voyait pas ramper sur le carrelage bleu pâle en direction de la baignoire. Ils abandonnaient derrière eux des traînées sombres qui brillaient sous les lampes comme de la bave d’escargot.

Son compagnon, pétrifié par cette manifestation inattendue, abandonna son sortilège. Il tourna la tête de tous côtés afin de découvrir la source de cette invasion qu’il devinait malfaisante. Soudain, la bonde du lavabo se mit à vomir un flot d’insectes répugnants qui se répandaient sur le sol avec un bruit humide.

L’adolescent réprima un cri, puis il se précipita vers la sorcière aux habits détrempés. Les vers tendirent des tentacules gluants sur son passage. À chacun de leurs contacts, il se sentit dépossédé d’une infime partie de son énergie vitale. Il bondit par-dessus le rebord de la baignoire pour les éviter et percuta Charline.

Étrangement calme, celle-ci sembla se réveiller d’un mauvais rêve. Son sourire inquiet se changea à une grimace affolée dès qu’elle aperçut les vers noirâtres qui recouvraient le carrelage. Les yeux exorbités, elle retint elle aussi un hurlement de terreur.

lundi 11 avril 2011

Chapitre 13 de Limonade - Episode 1

Lorsque la porte de l’appartement de la famille Kim s’ouvrit, Corentin hésita à y entrer.
– Tu comptes rester planté là ? demanda Charline sur le seuil.

Il secoua la tête comme pour chasser ses doutes, puis franchit la porte.

Un parfum d’encens flottait dans le salon et des bruits électroniques provenaient de la télévision. Son regard s’attarda sur les créatures de pixel multicolores. Un enfant aux cheveux aussi noirs et lisses que ceux de la jeune fille pressait avec frénésie les boutons de la manette.
– C’est mon frère, ne fais pas attention à lui.
– D’accord.
– Il ne va pas nous déranger, il joue à Castelvania.

Le ton entendu sur lequel elle prononça ces mots laissait penser qu’elle avait l’habitude de cette situation. L’apprenti exorciste la suivit jusque dans la salle de bain. Sous le poids de l’épais grimoire rangé dans son sac à dos, les bretelles lui écrasaient les épaules.

Il le posa sur le couvercle de la machine à laver, tandis que Charline verrouillait la porte derrière eux. Elle sortit un seau de jardinage rempli à ras bord d’une eau limpide.
– Tu penses que ça suffira ? s’inquiéta-t-elle.
– Oui. Pour Fabrice, j’avais utilisé à peu près cette quantité.
– Super. Alors, on peut commencer ?

Corentin temporisa en ouvrant le livre à la page signalée d’un marque-page rose. Il relut deux fois d’affilée la formule qu’il avait employée sur son ami, puis s’accorda un moment de réflexion. Bien que l’effet final ait été de délivrer Fabrice de l’emprise d’un enchantement, le but initial de ce sort était de le priver de ses pouvoirs magiques. De telles préconisations n’étaient peut-être pas indiquées dans le cas de Charline qui était une authentique sorcière wiccante.

Il feuilla son grimoire à la recherche d’une formule plus appropriée, mais, dans son dos, l’adolescente s’impatientait :
– Tu en as pour longtemps ?
– Je cherche un autre sort. Celui qui a fonctionné sur Fabrice risque d’annuler tous tes pouvoirs.

Après quelques secondes de silence, elle répondit :
– Ça m’est égal…

Corentin n’osa pas lever les yeux de son livre de peur de surprendre les larmes qu’il devinait dans la voix de son interlocutrice. Il retourna à la première page, puis déclara :
– On y va.

vendredi 8 avril 2011

Pénombre n°4 : Cages, barreaux et barbelés

Cela fait déjà un mois que j’ai récupéré mon exemplaire du quatrième opus de Pénombre sur le stand de l’association Transition au festival Zone Franche de Bagneux. Cette fois, le thème retenu est « Cages, barreaux et barbelés ».

La première partie, celle consacrée au thème précité, donne le ton. Dans « La Cave aux mille orbes » d’Alazaïs Clénié, il est question d’une fillette qui s’amuse dans la cave paternelle. Au lieu d’un indescriptible bazar, elle y trouve des sphères lumineuse fort étranges. L’atmosphère sombre et enfantine rend très bien dans cette nouvelle, mais la fin est un peu abrupte.

Ensuite, on découvre un autre type de prison inventé par Kira Nagio. L’intrigue de « Viviane » se base sur le lien intense qu’entretiennent deux enfants, et le monde de contes inventé par le garçon pour sa petite sœur aveugle. La narration éclatée, bien que parfois difficile à suivre, permet de comprendre tous les rouages de l’histoire. Les références à la mythologie arturienne ajoutent un relief supplémentaire à ce texte déjà très riche.

Un sonnet d’Anne-So Deligny intitulé « Fugace » vient couper en deux la partie thématique. Rien à redire sur cette poésie qui colle parfaitement avec l’ambiance du fanzine et qui s’offre même une pirouette finale des plus réussies.

Changement d’univers avec « Le Geôlier des plantes » de Julie Conseil. Le héros n’est plus un enfant, mais un cantonnier appelé à devenir le gardien des plantes de la région. Hélas son apprentissage ne se fera pas sans heurts et péripéties cocasses. J’ai trouvé que l’idée centrale, déjà d’une originalité remarquable, a été traitée avec brio.

En conclusion de cette partie, Blanche Saint-Roch nous livre une nouvelle sombre qui rend à merveille l’atmosphère des catacombes parisiennes. « Les Âmes geôlières des catacombes » suit les pas d’une guide capable de voir les fantômes et qui ne peut s’empêcher de répondre à l’appel d’une créatures prisonnière. Bien que la fin soit prévisible, ce texte reste une lecture très agréable.

Le fanzine se poursuit avec la partie athématique composée de deux nouvelles et d’un article.

Le premier texte est une nouvelle d’Anne Goulard, « Les Cadavres se mettent au vert », qui assure le quota vampirique de ce numéro. Un adolescent, contraint de passer ses vacances à la campagne, fait la connaissance d’une jeune femme qui traîne dans son sillage des aventures nocturnes.

La seconde nouvelle, « De lune et de rêve », se déroule aussi la nuit. Sous la plume de Marthe Machorowski, un homme des îles se souvient de son passé, de ses espoirs déçus et de la magie de ses ancêtres. Une promenade onirique qui s’achève de façon très étrange, sans que cela nuise à l’harmonie du texte.

Afin de compléter cette partie, Tsaag Valren nous narre un récit traditionnel à propos des légendaires cavales du diable. Cet ajout s’intègre parfaitement à la ligne éditoriale de Pénombre et je serais contente de revoir cet auteur dans les pages du fanzine.

Les illustrateurs sont aussi des habitués, je pense notamment à Maïté Nicolas et Miss Gizmo dont j’aime toujours autant le travail. Le travail de mise en page effectué sur la couverture la rend originale et attractive, ce qui n’est pas un luxe pour attirer le chaland.

En effet, la sortie de ce numéro a nécessité une souscription car les ventes sont trop étalées dans le temps et provoquent des trous dans le trésorerie de l’association Transition. Heureusement, le troisième prix décerné par le festival de Bagneux à la nouvelle « Un fauve poids-plume » parue dans les pages d’Éveil (chronique) ainsi que la cinquième place obtenue par « Passage éphémère » parue cette fois dans Pénombre (chronique) ont apporté une visibilité bienvenue.

Pour finir, je dirais que ce numéro est le meilleur de la série. Aucune nouvelle ne m’a semblé en décalage et la qualité des illustrations s’est vraiment améliorée. Je croise les doigts pour que le suivant consacré aux « Horloges et engrenages » sera du même niveau.

mercredi 6 avril 2011

A comme association (2)

Suite au billet de lundi, je vais maintenant parler du premier volume de la série « A comme association » qui s’intitule « La pâle lumière des ténèbres ». Pour commencer, j’ai été assez intriguée par le titre, ce qui est plutôt bon signe (ou pas).

Dans cet opus, on découvre Jasper en tant que narrateur et personnage principal. Ses apparitions dans « Les limites obscures de la magie » m’avaient un peu préparée, mais il est important de ce rappeler qu’il a été présenté à travers le regard d’Ombe. En effet, ces deux personnages sont extrêmement différents, et cette différence va bien au-delà du clivage guerrière-magicien.

J’ai particulièrement apprécié le parallèle réalisé entre deux scènes qui sont racontés dans les deux livres avec deux points de vue différents. Il y aussi une certain homogénéité dans les touches humoristiques puisque les clins d’œil sont présents et que les clichés sont exploités avec la même habileté.

Certes, le narrateur est un peu moins charismatique, et beaucoup plus proche de l’ado moyen. Cependant, cela n’enlève rien au rythme vif de cette aventure. J’ai néanmoins déploré que ce roman ne fasse qu’effleurer une intrigue bien plus complexe. L’auteur nous montre les prémisses d’une aventure des plus palpitante, mais il n’amène pas son narrateur plus en amont. J’espère au moins que les tomes suivants combleront cette lacune.

En conclusion, je ne pouvais pas échapper au mauvais jeu de mots qui se trouve sur la quatrième de couverture :
"Jasper vit à Paris, va au lycée et joue de la cornemuse dans un groupe de rock médiéval. Bon,mais depuis peu, il fréquente aussi le 13, rue du Horla, l’adresse ultra secrète de L’Association. L’organisation a repéré chez lui certaines aptitudes pour la magie et lui a proposé de devenir agent stagiaire. Et les stages de L’Association ne se passent pas vraiment autour de la photocopieuse ! Armé d’une bombe lacrymogène au jus d’ail, Jasper est envoyé chez les vampires pour enquêter sur un trafic de drogue. Attention au retour du jet d’ail !"

lundi 4 avril 2011

A comme association (1)

Attention, cette fois je me penche sur une série de littérature jeunesse. Jusqu’à ces derniers mois, je n’aurais jamais pensé aller trainer dans le rayon jeunesse d’une librairie. Et puis, j’ai entendu parler en très bien de Pierre Bottero, un auteur connu grâce à ses séries de fantasy pour adolescents. Du coup, quand j’ai vu qu’il avait participé à une série d’urban-fantasy avec des créatures fantastique et de la magie, j’ai sauté sur l’occasion, et je suis repartie avec les deux premiers tomes.

Première surprise, les deux livres en question, « La pâle lumière des ténèbres » et « Les limites obscures de la magie », ont été écrit par deux auteurs différents, Pierre Bottero et Eric L’Homme. Histoire d’être fidèle à mon envie de départ, j’ai commencé par me plonger dans « Les limites obscures de la magie » qui est pourtant le second volume.

La découverte d’Ombe, la narratrice incassable et stagiaire au sein de l’Association, est un vrai régal. Etant donné que je suis très vigilante quant à l’emploi des clichés, j’ai trouvé qu’elle avait un parcours assez classique mais une voix propre. On sent que l’auteur connaît son personnage à la perfection, ce qui lui confère un charisme évident.

A la force de l’héroïne s’ajoute un enchaînement de péripéties qui semble taillé pour accrocher n’importe quel lecteur, aussi hyperactif soit-il. Il se passe des tas de choses dans ces 192 pages, sans pour autant verser dans la surenchère. En dépit de la magie qui imprègne cet univers urbain, la cohérence est soignée.

Seul bémol, une trop grande linéarité qui s’explique facilement par la faible épaisseur du livre. Je pense que ce choix rend effectivement ce court roman plus intéressant pour les adolescents, mais ce serait omettre de parler des références multiples au petit monde de la SFFF francophone. Par exemple, le lycée qui porte le nom de Pierre Bordage devrait faire tiquer n’importe quel amateur de littératures de l’imaginaire.

De plus, j’ai trouvé que le ton d’Ombe n’avait à envier aux héroïnes bien trempés que l’on croise aux détours des romans de Bit-Lit traditionnelle. Pour moi, la narratrice est le point fort de ce livre et elle mérite à elle seule que l’on lise l’histoire de bout en bout. J’ajouterai aussi que les clins d’œil sous forme de noms, de clichés détournés et, nouvelle surprise, les furtives apparitions de Jasper, le héros du premier volume, apportent une touche amusante.

Pour finir, je vous livre la quatrième de couverture disponible sur le site créé par l’éditeur :
« Elle s’appelle Ombe, est lycéenne à Paris et adore la moto. Elle a aussi l’incroyable pouvoird’être incassable ou presque. C’est pourquoi L’Association l’a recrutée comme agent stagiaire. Une stagiaire de choc, qui fait des débuts remarqués en explosant une bande de gobelins devant tous ses camarades de classe. Le problème ? La discrétion est une obligation absolue au sein de L’Association, comme le lui rappelle Walter, son directeur. Et à force de foncer tête baissée, Ombe l’incassable risque fort de comprendre ce que « ou presque » veut dire. »